mardi 13 avril 2010 par Le Nouveau Réveil

Grande militante, figure emblématique du Pdci-Rda, Mme Hortense Aka Anghui a côtoyé et servi la Côte d'Ivoire aux côtés du président Houphouët-Boigny. Après la réunion des pseudo-Houphouétistes à Yamoussoukro vendredi dernier et les déclarations qui ont été faites à l'occasion par Gbagbo et ses nouveaux affidés politiques, la vice-présidente du Pdci-Rda dit sa part de vérité.

Madame la vice-présidente du Pdci-Rda, de nombreux Ivoiriens qui ont suivi la télévision ivoirienne vendredi soir ont été sidérés de voir M. Gbagbo Laurent défendre bec et ongles ses traits de ressemblance supposés avec le président Houphouët-Boigny
C'est un revirement à 180 degré qui ne me surprend guerre. J'ai le sentiment que ce monsieur est effrayé par le reflet de sa propre image que le miroir de l'histoire lui renvoie, que son séjour à la tête de l'Etat lui renvoie. Personnellement, je ne suis pas surprise qu'il essaie de se rapprocher du président Houphouët. C'est un non événement et les militants du Pdci-Rda et les Houphouétistes doivent considérer cela comme des paroles d'un homme qui, ayant échoué dans son combat contre le président Houphouët, veut à présent se servir de lui comme une bouée de sauvetage. Malheureusement pour lui, l'houphouétisme n'est pas un vain mot mais un comportement, une philosophie de vie, un idéal de justice et de paix, un ensemble de valeurs fondées sur la dignité, le respect de la vie humaine, l'amour de l'homme. En réalité, ici, ce que Gbagbo recherche, c'est l'effet d'annonce. Pour lui, la politique est un jeu, une ruse. Il joue sur le dos d'un peuple qui souffre et il ne s'en rend pas compte.

Le fait est qu'il affirme qu'il ressemble au président Houphouët-Boigny parce que comme Houphouët il est lui aussi un combattant de la liberté et de l'égalité
Mais de quelle liberté parle-t-il ? Personne n'est dupe. Même pris en otage, les Ivoiriens n'ont pas été amputés de leur mémoire. On se connait dans ce pays et on connait l'histoire de chacun. Sachez que Gbagbo ne veut pas aller aux élections et pour lui tous les moyens sont bons pour éloigner les élections de nous. Il ne veut aller aux élections que lorsqu'il aura toutes les assurances qu'il va gagner. Et pour remporter ces élections, je vous assure qu'il est prêt à tout. Je dois dire que plus ils se livrent à ce genre de déclarations et plus ils nous confortent, nous Rhdp, dans notre conviction que nous avons posé l'acte politique qu'il fallait en créant l'alliance des Houphouétistes. Ils avaient créé le Cnrd pour nous affronter. Ils se sont rendus compte que cette alliance de coquilles vides ne pouvait pas rivaliser avec le Rhdp. Ils viennent donc d'inventer quelque chose avec le nom d'Houphouët, espérant ainsi tromper la vigilance de nos militants.
Erreur ! On dit qu'on ressemblerait à Houphouët parce qu'on est combattant de la liberté. Mais pouvez-vous dénombrer les Ivoiriens qui sont morts pour la liberté et la démocratie en 10 ans de pouvoir Fpi ? En 2000, 2004 et récemment en février, vous savez ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire. Des Ivoiriens qui voulaient exprimer leur liberté de manifester ont été tués. L'Onu a même fait des enquêtes et dénombré au moins 120 morts. Si c'est cela se battre pour la liberté, je me demande bien ce qui serait advenu si ce monsieur n'était pas un combattant de la liberté.

Donc pour vous, Gbagbo n'est pas Houphouétiste ?
Il faut éviter de mentir à sa propre conscience. Ceux qui font croire cela ne connaissent pas Houphouët. Gbagbo lui-même n'y croit pas, j'en suis persuadée. Son discours est guidé par des motivations électoralistes. Il n'a plus d'argument pour rallier le peuple ivoirien à sa cause. Il vient d'abattre son jocker en enfilant la tunique de l'houphouétisme pour s'introduire dans nos rangs. C'est de l'opportunisme politique, de la démagogie.

Pourquoi vous dites cela ?
Mais parce que tout simplement la démarche ne sied pas. En la matière, il faut faire, agir et laisser dire. Que ce soit au plan interne ou externe, la vision de la liberté de M. Gbagbo n'a rien à voir avec celle du président Houphouët. Aujourd'hui, quand je les regarde, je vois des gens désemparés qui ne savent plus quoi faire pour s'attirer la sympathie d'un peuple qu'ils ont trompé, déçu et appauvri. Gbagbo mène un combat pour lui-même pas pour les Ivoiriens. On a dit que le peuple est fatigué, qu'il souffre, ce n'est pas son problème. Il a ses objectifs à lui, il veut se faire un nom. Ses nouveaux laudateurs affirment que c'est lui qui poursuit les ?uvres du père fondateur en bâtissant Yamoussoukro. Mais allez-y voir Yamoussoukro, qu'est-ce qui a changé ? Rien !
Même ce que le président Houphouët a laissé n'est pas entretenu. Les grandes écoles supérieures et grands lycées qui autrefois faisaient la renommée de la capitale politique sont laissées à l'abandon. Même la fondation Houphouët-Boigny où cette rencontre s'est tenue ne fait pas l'objet d'un entretien suivi. Je ne parle pas des rues et des autres infrastructures. Aller planter un hôtel de député qui ne sert à rien était-il plus urgent qu'entretenir l'Inhp ou le lycée scientifique ? Gbagbo s'est laissé convaincre par des gens qui lui ont fait croire que l'on pouvait utiliser le nom d'Houphouët comme un fonds de commerce politique. Voyez-vous dans cette affaire de vendredi dernier, même les chefs traditionnels ont été abusés. On leur a demandé de venir à Yamoussoukro qu'ils avaient une rencontre avec le chef de l'Etat. Ils ont donc pensé que c'était dans un cadre républicain qu'ils se rendaient à Yamoussoukro. Pas pour aller participer à une messe en l'honneur d'un nouveau Houphouétiste, Gbagbo. On a triché avec ces honorables chefs traditionnels. Houphouët n'est pas un tricheur. Tout est basé sur le mensonge, la roublardise. On dribble jusqu'à se dribbler soi-même. Nous avons entendu des gens dire que le pays était réunifié. Après ils viennent exiger la réunification avant les élections. On est venu nous annoncer la fin du délestage, on est encore dedans. La vérité c'est que Gbagbo se fout de la Côte d'Ivoire, ce qui compte c'est son "moi" personnel.

Ce qui vient de se passer à Yamoussoukro ne doit donc effrayer le Rhdp outre mesure ?
Cela doit plutôt nous faire sourire, c'est la preuve que ceux qui sont en face ne représentent rien. S'ils font tant de gymnastiques, c'est qu'ils ne sont pas sereins. Les vrais dépositaires de l'houphouétsme sont au Rhdp. Et contrairement à ce qu'ils tentent de démontrer, on ne peut pas être Houphouétiste et Gbagboiste. C'est une combinaison qui ne marche pas. Le respect de la dignité humaine, de la justice, du progrès social, de la paix et de la tolérance ne font pas bon ménage avec la culture de la violence, de l'irrévérence, de la mort, si chère à la refondation. Le terme, le concept même de la refondation du Fpi est la preuve que Gbagbo n'est pas Houphouétiste. Gbagbo a bâti sa politique sur la haine, le dénigrement, la calomnie, la violence. Et c'est tout cela qui le rattrape aujourd'hui. Oser dire qu'il ressemble à Houphouët, c'est confesser son échec à haute voix. Que n'a-t-on pas entendu lorsque le président Houphouët bâtissait Yamoussoukro ? De vilaines paroles que je n'ose même pas rappeler. Aujourd'hui, il s'y rend tous les week-ends, il y reçoit ses hôtes les plus illustres. Dans la vie, tout ce qui se bâtit sur la ranc?ur, la frustration, la haine, le mensonge, la soif de vengeance est voué à l'échec. L'Houphouétisme n'est pas l'apologie d'un individu qui fait la pluie et le beau temps. Le président Houphouët a combattu avec ses compagnons de lutte les colons pour la liberté du peuple noir. Le doyen Antoine Konan Kangah peut encore témoigner de cette glorieuse aventure. Tous ont combattu, mais Houphouët a été placé au devant. Pour autant Houphouët n'est pas devenu un anti-Français. Il a su développer avec intelligence de bons rapports avec l'ancienne colonie. Il ne faut donc pas engager les Ivoiriens dans de faux combats, des combats qui nous appauvrissent et qui nous ruinent. Pour survivre dans la jungle de la mondialisation, il faut savoir développer de bonnes relations de coopération avec tout le monde, y compris les plus forts.

Un commentaire sur la fin de la guéguerre entre le camp présidentiel et les Forces nouvelles après la rencontre Gbagbo-Soro
Quand je dis que la souffrance des Ivoiriens n'est pas la tasse de thé de nos dirigeants et qu'ils imaginent toutes sortes de choses pour nous éloigner des élections, c'est de cela que je parle. On a perdu près de deux mois dans un débat inutile entre deux signataires d'un accord qui n'arrivent plus à interpréter les termes de leur propre accord. Si Gbagbo était animé d'une réelle volonté d'aller aux élections, il aurait suscité rapidement cette rencontre depuis longtemps au lieu d'en rajouter au débat et à la polémique en parlant de fin de Western. Je note qu'il n'est pas sincère avec les Ivoiriens. Il y a une mission d'évaluation de l'Onu qui devrait arriver à Abidjan cette semaine, ils ont tout fait pour trouver un accord un dimanche, histoire de faire croire que tout va bien ici. Quand les émissaires de l'Onu vont repartir, les mêmes man?uvres dilatoires vont reprendre. Chaque fois qu'il y a de grandes réunions au sommet sur la Côte d'Ivoire, on s'arrange pour régler des problèmes en suspens. Et après, on retombe dans les mêmes travers. Il faut que nos dirigeants témoignent d'un peu de sympathie et d'amour pour leur peuple. Il faut que nous allions aux élections au lieu de ruser et de jouer avec la vie de toute une nation. Il y a trop de haine, trop de mépris, d'égoïsme et d'orgueil. Le Dieu argent a dénaturé toute chose. Il a pris le pas sur tout. Et c'est bien dommage.
Interview réalisée par
Akwaba Saint-Clair

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