lundi 12 avril 2010 par Le Patriote

Cela a fini par s'imposer comme une bien triste réalité : le tout dernier remaniement ministériel opéré au péril de la paix sociale par Laurent Gbagbo et qui a fait de nombreuses victimes dans le camp de ses adversaires politiques, était le résultat de petits calculs politiciens, d'états d'âme, de règlements de compte personnels et bien d'autres vilains sentiments indignes de la fonction présidentielle. Les nombreuses et bien inélégantes récusations qui ont rythmé cette période, en ont dit long sur les desseins de celui qui n'a jamais, à la vérité, gouverné que sur des bases individualistes, personnalistes, égocentriques même. Là où l'intérêt de la République, voire de la Nation devrait primer, le chef de file des Refondateurs n'a presque jamais eu recours qu'à son moi, à son ego. Il m'a fait ceci, il a dit cela de moi, je n'aime pas sa façon de me regarder pendant les conseils de ministre, l'autre jour pendant son meeting à Zoukougbeu, il a dit que je n'étais pas beau, etc. . A vrai dire, Gbagbo a une vision extrêmement réductrice de celle ? qui aurait dû être globale ? qu'un chef d'Etat digne de ce nom devrait avoir sur les forces vives de la nation dont il prétend incarner l'intégrité.
Tous les Ivoiriens et les observateurs de la vie nationale ont, en effet, été témoins du véritable folklore que Gbagbo leur a servi pendant ce remaniement de honteuse mémoire. Des ministres qui faisaient l'unanimité sur leur compétence et probité, dont certains avaient ouvert des chantiers importants pour le pays, ont été remerciés sur les bases puériles que nous évoquions plus haut. Le RDR et le PDCI qui ont été particulièrement ciblés, n'en n'ont pas pour autant fait un plat. Il fallait laisser Gbagbo seul se trémousser au son de son propre tam-tam.
Mais, les têtes qui ont roulé sur les moquettes feutrées de la grande salle du conseil des ministres, n'étaient pas seulement celles des membres du gouvernement issus de l'opposition. Gbagbo a fait parler le sabre dans son propre camp. Tout à son honneur aurait-on pu conclure, a priori. Il n'aurait pas pu mieux sauver les apparences !
Las ! C'est justement là où le bât de l'amertume, de la désolation, de la déception, voire de la désillusion blesse bien des c?urs au sein de son parti, le FPI.
Les quatre têtes qui y sont tombées auraient bien voulu rentrer dans les rangs pour obéir à la discipline du parti. Elles auraient bien aimé, désormais libres de tout engagement gouvernemental, vaquer à des occupations plus avantageuses pour la reconquête du pouvoir par leur parti. Mais Laurent Gbagbo, selon les informations en notre possession, ne leur offre pas ce plaisir.
D'abord, comme les ministres opposants, ils ont été limogés sans aucune forme de procès. De la façon la plus cavalière qui soit. Tout ministres issus du FPI qu'ils étaient, ils n'auraient pas été avertis par le chef de l'Etat de leur limogeage. On raconte que c'est à la télévision qu'Emmanuel Monnet et Dano Djédjé ont appris qu'ils ne faisaient plus partie du Gouvernement. C'est tout aussi inélégamment, c'est-à-dire par un coup de fil furtif d'un de ses collègues issus d'un parti autre que le FPI, qu'Hubert Oulaye a connu son sort. Pas le moindre coup de fil n'est venu de la part de Gbagbo, pas même longtemps après la sentence ? et jusqu'à ce jour ?, pour réconforter ses ministres. On est bien loin d'un Houphouët-Boigny qui, avant chaque remaniement prenait le soin, non seulement de prévenir le ministre révoqué, mais de lui expliquer les raisons de sa décision. Il en profitait du reste pour lui donner les nouvelles instructions ou lui signifier ses nouvelles attributions. Laurent Gbagbo qui vient de présider à Yamoussoukro, un rassemblement d'individus se réclamant d'Houphouët et qui s'est ouvertement proclamé à cette occasion, héritier du père de la Côte d'Ivoire indépendante, est-il vraiment digne de s'identifier à cet homme d'exception ? Non seulement, il a détruit en dix petites années, toute l'?uvre du vieux crocodile de Yamoussoukro, mais sur le plan moral, les fondements de la Nation ivoirienne n'ont-ils pas foutu le camp sous Gbagbo ?
Mais il y a une chose plus grave qui rend inconsolables les ministres limogés du FPI. C'est que, non content de les remercier de cette façon impertinente, à la limite du mépris souverain, Gbagbo aurait entrepris de les dénigrer. De Monnet Emmanuel par exemple, il raconterait à qui veut l'entendre : c'est un voleur ! Il me doit des comptes au niveau des recettes pétrolières . Quant à Dano Djédjé et Hubert Oulaye, il les traiterait de feuilles mortes , qui ne peuvent rien lui apporter comme suffrages aux prochaines élections. Il n' y a pas que les ministres qui subissent la morgue de l'ancien opposant historique à Houphouët. Un homme comme Allou Eugène serait devenu le favori de ses persiflages quotidiens. Je l'ai chassé parce qu'il est un voleur , rétorquerait-il aux nombreux médiateurs qui essaient de le faire revenir à de meilleurs sentiments vis-à-vis de son ancien directeur du protocole.
Elle est bien loin l'époque où ce fidèle parmi les fidèles, qui a été de tous les moments de braise de la lutte pour la conquête du pouvoir ? c'est depuis la voiture d'Allou que Gbagbo se proclama (à travers les antennes de RFI) président de la République, en octobre 2000 ?, bravait tous les dangers pour protéger son patron.
Parlant de l'ingratitude, un auteur en tirait cette bien triste leçon : Tous ceux à qui j'ai enseigné l'art invincible de bander l'arc et de lancer le trait m'ont finalement pris pour cible . Ils sont nombreux, les militants du FPI, des caciques aux plus anonymes, à n'avoir aujourd'hui que leurs yeux pour pleurer. Gbagbo leur donne bien raison de se réapproprier cet enseignement de la vie.
Dix ans après son accession au pouvoir d'Etat et à la veille de briguer un nouveau mandat, l'homme aura bien changé. Ou plutôt les lunettes avec lesquelles il regarde désormais le FPI, le parti dont la lutte de plus d'un quart de siècle l'a porté au pouvoir, a considérablement modifié son acuité visuelle. Il ne voit plus la formation à la rose et ceux qui en incarnent avec lui toute l'histoire (lointaine et récente) que de façon très floue, confuse même.
S'il l'avait pu, Gbagbo aurait officiellement proclamé sa séparation d'avec le Front populaire ivoirien.
La raison en est simple : il a honte d'assumer avec la Refondation, les dix ans de gestion du pouvoir d'Etat qu'ils sont en train de boucler ensemble.
Edgar Kouassi

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023