La tête de Robert Beugré Mambé n`a pas roulé seule à terre. En tombant, elle a emporté avec elle, la totalité du gouvernement issu de l`Accord politique de Ouagadougou. Pour être grosse, on peut dire que c`était vraiment une grosse tête ! La décision de guillotiner Beugré Mambé a été prise après l`échec des pourparlers d`avant-hier jeudi à Ouagadougou. Guillaume Soro, dans un mano a mano avec l`ex-président de la Cei, lui avait recommandé de proposer de lui-même sa démission, pour libérer la Côte d`Ivoire. Pour éviter que le blocage politique, qui faisait les yeux doux aux démons de la violence, ne s`unissent à eux. Il l'avait fortement encouragé à accomplir ce geste de noblesse. Il pouvait proposer sa démission au Facilitateur et non à Gbagbo. Blaise Compaoré était en mesure de lui donner des garanties judiciaires, financières et professionnelles. Mambé avait opposé une fin de non-recevoir ferme à cette proposition. Pour lui, il n`était pas question de démissionner. Il a dit qu`il attendait la rencontre du jeudi avec le Facilitateur pour clarifier définitivement sa position. A Ouaga, Blaise Compaoré a reçu tous les protagonistes. Le camp présidentiel, selon nos sources, a été clair : toutes ses revendications pouvaient être sujettes à des compromis avec le Rhdp, mais le préalable à tout cela, c`était le départ de Beugré Mambé. Le Rhdp, selon des proches de Blaise Compaoré, a été très sec avec le Facilitateur. Il lui a été reproché, entre autres choses, d`être trop conciliant avec Laurent Gbagbo, de le laisser perturber impunément le processus, d`être peut-être même de connivence avec lui pour retarder les élections Selon notre source, Blaise Compaoré a été sérieusement secoué par la délégation du Rhdp. L`ex-président de la Cei, quand il a été reçu, était droit dans ses bottes et assis sur ses certitudes. Lui aussi a déclaré au Facilitateur qu`il n`entendait pas démissionner, même en rêve. Que la mission qu`il avait à accomplir, était une mission divine. Et que juridiquement, ni Gbagbo ni personne n`avait la capacité de le contraindre à la démission. Et que sûr de ce fait, il entendait rentrer à Abidjan pour reprendre sa mission. Compaoré a appelé Gbagbo le même jour, pour lui indiquer que le blocage était total. Et qu`aucun camp n`était prêt à faire des concessions, même si pour cela on devait aller à l`affrontement. Gbagbo a promis de le rappeler. Il a ensuite immédiatement appelé son Premier ministre pour l`informer du rapport de carence que venait de lui faire le Facilitateur. Il lui a expliqué que si ce blocage persistait, le pays entrerait dans une spirale de violence dont personne ne pourrait prévoir l`issue. Il informe donc le Premier ministre que le même jour, il prendrait ses responsabilités. Après un conclave, Gbagbo envoie tard dans la nuit une délégation conduite par Alcide Djédjé au domicile du Premier ministre. Les émissaires lui disent que Gbagbo a pris la décision de limoger tout le gouvernement et de dissoudre la Cei, pour mettre fin au blocage politique. Ils ajoutent que Gbagbo en a informé Blaise Compaoré, qui a donné son quitus. Et que les grands commandements militaires ont tous été avertis. A 1 heure du matin, Gbagbo et Soro se voient au domicile du chef de l`Etat pour un autre conciliabule. Soro pense que pour sauver le pays, on n`a pas besoin de dissoudre toute la Cei et de limoger le gouvernement. Gbagbo développe lui aussi ses arguments, juridiques et politiques, et estime que c`est la seule manière de conduire l`APO jusqu`à son terme. De même qu`il lui paraît évident que c`est la seule façon de mettre fin à la vague de violence qui s`emparait du pays. Pendant toute la journée d`hier, Gbagbo et Soro vont s`envoyer des émissaires pour étudier le schéma du chef de l`Etat. Mais les poids lourds régionaux et internationaux consultés estiment que s`il faut passer par là, pour sauver la Côte d`Ivoire et éviter que ce pays n`explose et n`embrase ses voisins, c`était le moindre mal. Le Premier ministre a donc tenu une réunion de cabinet restreint et en a informé ses principaux collaborateurs. Et le soir, le couperet est tombé.
Touré Moussa