mercredi 3 février 2010 par Le Nouveau Réveil

De février à mai 2010, la Côte d'Ivoire connaîtra des délestages qui risquent de plonger le pays entier dans le noir total. Pour l'instant, l'information peut paraître banale, mais c'est quand les premiers effets commenceront à se faire sentir que les Ivoiriens prendront la mesure du danger multiforme que court le pays. La tension sociale et la tension politique sont déjà assez vives, pour que le délestage constitue la mèche d'un cocktail explosif aux conséquences inimaginables.

Le lundi, au cours d'une rencontre qui a eu lieu hier au Plateau avec les industriels et des opérateurs économiques, la Direction générale de l'Electricité du ministère des Mines et de l'Energie, par la bouche de monsieur Simon Eddy, Directeur général de l'Electricité, a annoncé la perturbation de la fourniture de l'électricité sur l'ensemble du territoire de février à mai 2010. La raison, une avarie survenue à Azito (groupe important du parc de production du réseau électrique), le 22 décembre dernier rend désormais cette entité inopérante pour trois mois, faisant un déficit supplémentaire de 150 Mégawatts. Il faut attendre jusqu'au mois d'avril et à la mi-mai pour que le problème soit résolu. Et cela implique la coupure de courant électrique, ce qui entraînera d'importants dégâts, tant dans des foyers que dans des entreprises, tant dans le privé que dans le public. A quoi expose le pays ce délestage annoncé ? Difficile pour l'heure à dire, mais force est de reconnaître que les réactions pourraient ne pas manquer quand la population commencera à véritablement en pâtir.

On se rappelle, en 1990, la situation politique était tendue. Ceux qui aspiraient au multipartisme étaient prêts à tout, quitte à brûler le pays pour l'avoir. La crise économique frappait le pays de plein fouet, et l'opposition clandestine était prête à bondir. Il a fallu attendre une banale coupure d'électricité dans les résidences universitaires de Yopougon I et II un soir de février, pour que l'histoire de la Côte d'Ivoire commence à nouveau à s'écrire. Les étudiants, conditionnés, ont bruyamment manifesté. Leur mécontentement, qui a vite pris une tournure politique, entraina une vague de violence sans précédent dont le FPI tirait les ficelles. Dans la foulée, sous la poussée de syndicalistes proches du FPI, les étudiants et élèves s'organisent et donnent naissance à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci) dont tout le monde connaît aujourd'hui encore la nocivité.

Attention à la révolte populaire

Février 2010, la situation socio économique est des plus catastrophiques ; le coût de la vie est insupportable, pendant qu'une minorité qui s'est accaparé les richesses du pays nargue la masse. Politiquement, le pays est à quelques doigts d'un autre clash du fait des man?uvres du camp présidentiel à faire reporter l'échéance électorale à chaque fois. Faisant ainsi perdurer la souffrance du peuple. Si dans ces conditions, le courant électrique venait à encore faire défaut et que le minimum venait à lui manquer, il faut craindre que ce peuple ne veuille se lever et régler ses comptes une fois pour toutes. Toutes les conditions sont aujourd'hui à une autre explosion sociale, car le délestage ne peut ne pas avoir des conséquences sur la vie. Les hôpitaux, les foyers, les usines, les banques, les stations, la production de tout genre, tout cela marche avec l'électricité. Avec la chaleur étouffante de ces derniers temps, peut-on en vouloir à un homme qui n'a pu dormir faute d'électricité d'être nerveux le matin ?

Comme il fallait s'y attendre, les opérateurs économiques n'ont pas manqué de décrier le manque de vision des gouvernants actuels car pour eux, ce problème était latent. Lakoun Ouattara, Directeur général de la Confédération générale des entreprises de Côte d'Ivoire (Cgeci), s'est offusqué du fait que l'Etat ait mis assez de temps avant de réagir alors qu'il savait que tous les ingrédients étaient réunis pour en arriver au délestage. Il a rappelé que le secteur électrique permet à l'économie de bien se porter puisque les entreprises, les industries fonctionnent à base d'électricité, avant de déplorer la mauvaise gestion du dossier du déficit du secteur électrique.

Que dire des hôpitaux ? L'Institut de Cardiologie, par exemple, s'est inquiété de ces délestages à venir. Parce que pour cette année, il est prévu 400 interventions à c?ur ouvert. Et qu'il faille que les centres hospitaliers aient un traitement assez particulier. Comment comprendre qu'au moment où il faut de l'argent pour régler le plus tôt possible une urgence d'électricité, l'on puisse mettre 17 milliards dans l'organisation d'une simple fête, fût-elle le cinquantenaire, pour le prestige personnel d'un seul individu ? Certes, les plus nantis se préparent en s'achetant des groupes électrogènes. Mais que fera le peuple misérable ? En le poussant ainsi, on risque de ne lui laisser que la voie de la révolte populaire. Car, à entendre les uns et les autres aujourd'hui, la lassitude est à son comble et la grogne est en train de déborder. Attention donc au cocktail explosif !

Eddy PEHE

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