jeudi 10 décembre 2009 par Le Nouveau Réveil

Depuis mardi dernier, 47 fonctionnaires, agents de l'administration du territoire sont incarcérés à la préfecture de police d'Abidjan. Dans cette interview, Lucien Kouamé, porte-parole du collectif des syndicats de l'administration du territoire, déplore le manque d'égard du ministre Désiré Tagro face à leurs revendications.

Qu'est-ce qui vous a amené à vous mettre en grève ?
Au niveau du ministère de l'Intérieur, il y a beaucoup de difficultés. Depuis le mois de juin, nous avons entrepris des démarches relatives à l'amélioration des conditions de travail et de vie de nos camarades. Nous avons d'abord procédé par courrier pour saisir les autorités. Ces courriers sont restés sans suite. On a alors déposé un premier préavis de grève depuis juin 2009 pour que suite soit donnée à nos revendications. Celles-ci tiennent en huit (8) points.

Lesquels ?
Le premier point consiste à instituer des indemnités au bénéfice des agents. Cela est nécessaire parce qu'aujourd'hui, l'autorité érige une localité quelconque en sous-préfetcure. Alors que cette localité ne dispose d'aucune commodité. Et quand vous arrivez, il n'y a pas d'eau, il n'y a pas d'électricité, encore moins d'infrastructures sanitaires et des logements. Vous êtes donc obligé de vous débrouiller dans les locaux de la sous-préfecture s'il y en a. et l'autorité elle-même se trouve au chef-lieu de département. Vous vous tapez tout le boulot et lui ne vient que pour signer une ou deux fois dans la semaine. C'est dans des conditions pareilles que nous travaillons. A un moment donné, nous avons constaté qu'il y avait une vague de décrets qui étaient en train d'être signés pour améliorer les conditions de vie des autres fonctionnaires qui sont dans les autres ministères. Il était donc important que nous attirions l'attention des autorités sur notre situation. C'est ce que nous avons fait. Il y a aussi la signature du décret portant organisation de la police préfectorale c'est-à-dire les gardes de sous-préfecture. Vous y entrez avec la catégorie D et après 30 ans de service, vous allez à la retraite avec la catégorie D. Ce n'est pas normal. Vous n'avez pas de profil de carrière. Le problème avait été posé il y a quelques années. Une commission inter-ministérielle avait travaillé sur la question. Un décret avait été rédigé pour être signé. Jusqu'aujourd'hui, le décret est bloqué on ne sait où. Et depuis 99, jusqu'à cette date, le décret n'a pas été signé. Il y a aussi le problème des personnes de maison des autorités préfectorales. Ce sont des gens qui n'ont aucun statut. Le seul texte sur lequel, ils sont recrutés date de 1953. Donc inadapté. Ces personnes travaillent donc dans des conditions précaires. Elles font aussi l'objet de licenciement abusif très souvent. L'autorité les renvoie or c'est l'Etat qui les a recrutées. Aujourd'hui donc, la solde a tous les problèmes pour régler la question de la pension de ces personnes-là. Si vous êtes renvoyé alors que vous n'avez pas fait 15 ans de service, il est difficile de vous payer la pension. Nos camarades, pour certains, font 30 ans de services et vont à la retraite sans pension parce que la solde s'est dessaisie de la question. Il y a aussi la question de transport pour les gardes de sous-préfecture qui font partie des corps para-militaires. Tous les autres corps bénéficient de la gratuité du transport sauf les gardes de sous-préfecture. Il y a d'autres problèmes. Nous sommes à notre 4ème grève depuis juin et aucune solution n'a été trouvée. La dernière grève, nous l'avons entamée depuis le 20 octobre 2009. Nous n'avons rencontré le ministre à aucun moment et aujourd'hui, on se retrouve sans interlocuteur. Et les informations qui nous reviennent indiquent que le ministre, au lieu de trouver des solutions aux problèmes, a instruit les autorités préfectorales pour recruter des bénévoles à la place des fonctionnaires grévistes.

Depuis quand il aurait pris cette décision ?
Si vous allez sur le terrain, vous trouverez des bénévoles. Il a pris la décision depuis le début de la grève. Cela ne se fait nulle part si ce n'est au niveau des sous-préfectures.

Avant-hier, 47 personnes, me disiez-vous, ont été arrêtées. Qu'est-ce qui est dit par rapport à leur libération ?
Il ne dit rien. Nous sommes en contact avec nos amis. Ils nous ont rapporté qu'on leur a dit que c'est sur instruction du ministre de l'Intérieur qu'ils ont été arrêtés et qu'il n'y a que sur instruction du ministre de l'Intérieur qu'ils peuvent être libérés.

Avez-vous mené des démarches auprès du ministre pour la relâche de vos camarades?
Non. En tant que premier responsable, si nous aussi nous sommes arrêté, le combat serait perdu. Nos premières initiatives ont été de rencontrer les organisations des droits de l'homme. Elles nous ont indiqué un certain nombre de procédures que nous allons engager.

Quelle suite comptez-vous donner à votre mouvement ?
La suite, c'est que la grève est maintenue. L'information a été donnée à nos camarades à l'intérieur du pays. Et ceux-ci ont décidé de durcir le ton. Donc qu'on ne s'étonne pas si d'ici à quelques jours il y a d'autres actions à l'intérieur du pays.

Vous avez un appel à l'endroit des autorités ?
Nous avons un appel à l'endroit du Président de la République puisque jusque-là, il a reçu tous les groupes sociaux qui se sont soulevés. Il a essayé de régler leurs problèmes. Nous, nous sommes en grève depuis juin, les médias en parlent et on a l'impression qu'il n'y a personne pour nous écouter. Nous sommes orphelins. Nous lançons donc un appel au Président de la République pour que des mesures urgentes soient prises pour que nous nous sentions fonctionnaires également de ce pays.
Interview réalisée
par Diarrassouba Sory

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