mercredi 2 décembre 2009 par Notre Voie

Divorce consommé entre Henri Konan Bédié et le peuple Ivoirien. Après l'appel sans écho lancé en 1999 au lendemain du coup d'Etat qui l'a chassé du pouvoir, l'appel au tintamarre pour protester contre le report de la présidentielle est resté sans suite. Baptisée opération Wourou Fato, cet appel a été lancé, dimanche dernier, par le candidat du PDCI. Cette opération devait consister à faire du bruit pendant une dizaine de minutes, chaque jour à partir de 12h, en sifflant et en tapant sur des casseroles pour protester énergiquement contre ceux qui entravent, selon lui, le processus électoral. Le peuple a rechigné. Il n'est pas sorti. Alors qu'on s'attendait à un déferlement humain dans les rues ou, tout au moins, à des bruits depuis les foyers, on n'a vu que quelques wourou fatoh ou chiens enragés dans leur cage de la maison du PDCI à Cocody, siffloter pendant quelques minutes. Sifflotements qui étaient à peine audibles de l'extérieur. Logiquement, le contexte actuel étant différent de celui de 1999, cet autre appel du champion du PDCI devrait être entendu. Contrairement au lendemain du coup d'Etat où il y avait des militaires partout, cette invitation à faire du bruit est lancée à une période apaisée. Ensuite, c'est une période de précampagne, synonyme de mobilisation. Donc rien n'empêchait les militants du PDCI de répondre à l'appel de leur président. Surtout que des sifflets ont été distribués à des jeunes et qu'il suffisait de taper seulement sur des casseroles avec des cuillères ou de petits fers. Mais hélas, rien de tout cela n'a été constaté à Abidjan. Les raisons de cet désintérêt résident d'abord dans l'objet de la manifestation demandée : protester contre le report de la présidentielle. Les Ivoiriens savent bien que si l'organisation de l'élection n'a pas eu lieu le 29 novembre, c'est parce que les opérateurs techniques chargés de sa tenue ont retardé le travail et l'ont bâclé. Ils savent aussi que la CEI est dirigée par un militant du PDCI et que la majorité de ceux qui composent cette structure sont cooptés par l'opposition. Donc, si le processus est plombé, c'est de leur faute. Pire la SAGEM, cet opérateur technique français, c'est l'opposition qui l'a exigé. Le camp présidentiel avait souhaité que ce soit l'Institut national de la statistique (INS) qui s'occupe de l'opération. Puisque c'est cette structure qui a toujours organisé le recensement électoral et le recensement général de la population sous le règne quarantenaire du PDCI. Mais, passé dans l'opposition, ce parti ne veut plus que l'INS fasse seul ce travail. Soutenu par le RDR d'Alassane Ouattara, le PDCI a réussi à imposer la SAGEM. Et voilà les résultats : coût exorbitant de l'opération, retard dans l'exécution des tâches, et aujourd'hui, presque un fiasco avec ce qu'on remarque avec l'affichage de la liste électorale provisoire. L'opposition ivoirienne est donc en grande partie responsable du balbutiement du processus électoral. C'est donc faire preuve de mauvaise foi quand un parti comme le PDCI se plaint du retard. Il n'a qu'à exiger de son militant Beugré Mambé et de la SAGEM plus de rigueur. L'autre raison de l'échec de l'appel d'Henri Konan Bédié réside dans l'équation personnelle du président du PDCI. En effet, pour qu'un appel soit suivi, il faut que son émetteur soit crédible. Ce qui n'est pas le cas de l'ancien chef de l'Etat. Les Ivoiriens savent comment il a gouverné ce pays pendant 7 ans. Ils savent, également, comment il s'est comporté durant la crise qui a secoué le pays. Les attitudes qu'il a eues sont indignes d'un grand leader. Le grand leader reconnu comme tel est suivi lorsqu'il lance un appel. Le général de Gaulle avait appelé à la résistance pendant l'occupation nazie. Il a été suivi. Laurent Gbagbo a lancé un appel aux Ivoiriens en 2000 quand la junte militaire tentait de lui voler sa victoire, il a été suivi. En septembre 2002, revenu d'Italie, il a lancé un autre appel à la résistance face à la rébellion. Il a encore été suivi. Même Charles Blé Goudé a été digne d'un leader quand, en novembre 2004, l'armée française a détruit au sol les avions de l'armée ivoirienne et qu'elle voulait en profiter pour déposer Laurent Gbagbo. L'intérêt du sujet et le charisme politique de l'émetteur, voici les deux facteurs qui n'ont pas rendu opérationnel l'appel du prince de Daoukro.

Georges Toutoukpo (stagiaire)

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