lundi 30 novembre 2009 par Nord-Sud

Dr Coulibaly Djakalidja explique les motivations des partisans du maraboutage, à la suite de l'enquête menée sur la crédibilité de cet art.

Qu'est-ce qui explique la ruée vers les marabouts aujourd'hui ?
Le maraboutage est propre à la société africaine. Le marabout, dans la connotation courante, est celui qui dispose d'un certain nombre de pouvoirs qu'on pourrait appeler mystiques. Il parvient par sa science à donner des informations qui guident notre vie à partir de certains rituels. C'est par exemple la femme qui est fatiguée du célibat et qui va voir un marabout pour lui expliquer son problème. Grâce à sa connaissance, il voit dans quelle mesure aider cette dernière.

Les recommandations du marabout ont-elles un effet sur la vie de l'individu ?
C'est en ce moment que se pose le problème. Quand on parle de marabout, cela n'a jamais fait l'unanimité. Certains marabouts s'autoproclament aujourd'hui. C'est-à-dire s'habillent du costume de marabout. Mais est-ce qu'ils sont véritablement détenteurs de ce savoir ?

Insinuez-vous qu'il y a des faux parmi eux ?
Evidemment ! Le marabout avait pour rôle originel la formation et l'encadrement social. C'est une personne qui permet en quelque sorte de sécuriser la société, à partir de sa connaissance.

Malheureusement, ce métier est devenu aujourd'hui un fond de commerce.

Mais pourquoi les Ivoiriens n'arrivent-ils pas à se passer des marabouts malgré ces malversations ?
C'est parce que c'est sociologique. A partir du moment où on parle de représentation sociale, on rentre dans le domaine du mental. C'est déjà quelque chose de construit dans la mentalité de l'Ivoirien. Pour lui, les problèmes auxquels il est confronté peuvent avoir un bout de solution chez le marabout. Selon lui, c'est la personne la mieux indiquée pour résoudre ses problèmes. Si c'était rationnel et scientifique, le problème ne se poserait pas. Ce qui fait que dès qu'on avance qu'il y a un puissant marabout quelque part, tout le monde se rue chez lui. En plus, les marabouts font de la publicité de manière détournée. Ils se font passer pour des guérisseurs ou des tradipraticiens. C'est devenu un fourre-tout. On a des aspects mystiques et des aspects rationnels.

Les marabouts n'offrent-ils pas une chance complémentaire à leurs clients ?
Quand on va chez un marabout, c'est pour régler un problème afin d'être épanoui. On peut voir le marabout parce que quelqu'un nous empêche de nous épanouir. On peut même vouloir jeter un sort à cette personne. Soit c'est pour notre bonheur ou pour le malheur de l'autre. Mais, généralement les personnes qui y vont se rendent compte à un moment donné qu'elles sont grugées Lorsque ces personnes ont des attentes, elles participent à plusieurs séances qui ne sont pas gratuites. Cela relève même du non sens. On vous demande des choses impossibles comme un poulet jaune. Il appartient à l'individu de se dire attention. Je vais voir une personne.

Même si elle est dotée de pouvoirs occultes, elle doit me demander des choses réalistes. Quand le marabout demande des choses irréalistes, on doit se poser des questions. Quand l'Ivoirien va voir le marabout, comme il est confiant, il ne fait pas attention, même quand on lui demande l'impossible. Il y en a même qui demandent des trafics d'organes, des sacrifices humains, du sang humain. C'est la réalité ! Les journaux en parlent. Quand on consulte le marabout par rapport à nos objectifs, on doit savoir qu'il a une limite. Nous vivons dans une société qui a des valeurs, des normes. Mais quand on s'évertue à trouver du sang humain, il y a problème.

N'est-ce pas le manque de repères qui expliquent ce recours immédiat aux marabouts ?

Nous sommes arrivés à un état de société tel que chaque Ivoirien cherche à atteindre ses objectifs, d'une manière ou d'une autre. Alors que cela n'est pas forcément possible. On peut atteindre les objectifs en partie. Tout le monde veut devenir riche. Dans une société normale, pour devenir riche, on travaille. Le maraboutage devient un raccourci. On veut devenir riche et on ne pratique pas les activités qui peuvent nous rendre riches.

En tant que sociologue, que recommandez-vous aux adeptes du maraboutage ?
Nous sommes dans une société qui est régie par un système et un ensemble de règles. Les lois insistent sur les valeurs éthiques et morales. Il faut tout simplement respecter ces règles. On ne peut pas tolérer que chacun s'autoproclame marabout. Aujourd'hui, on laisse faire malgré les déboires que cela engendre. Et certains médias sont complices. Les marabouts font la publicité dans les médias. L'escroquerie est punie par la loi. Il faut appliquer la loi. L'Etat doit se pencher sur cette question.

Interview réalisée par N.D.

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