vendredi 20 novembre 2009 par Le Patriote

Le ras-le-bol finit par gagner, petit à petit, les prisonniers de la filière et leurs familles respectives. Hier, notre équipe de reportage a pu pénétrer dans cet univers carcéral pour savoir ce qui se passe depuis 17 mois que Henri Amouzou (Fdpcc), Tapé Do (Bcc), Angeline Kili (Frc), Zoungrana Placide (Arcc), Jean-Claude Bayou (Fgccc) y sont détenus. Bien avant d'intégrer le hall de la salle de réception, nous rencontrons Tapé Do en train de lire un journal de la place. Lorsque nous arrivons au lieu de réception des prisonniers de la filière café cacao, nous apercevons des ventilateurs à l'intérieur des box servant de salle de réception aux détenus de la Maca. Angeline Kili, Pca du Frc (Fonds de régulation et de contrôle), arborant un t-shirt blanc aux écritures rouges, un pantalon vert-treillis, paire de lunettes cachant son regard, raccompagne certains visiteurs venus la soutenir. A l'entrée de la grande salle de réception, sur la droite, se tient Mme Obodji du Fdpcc qui, en son temps, avait été emprisonnée alors qu'elle portait une grossesse. En face d'elle, c'est Mme Sophie Dago née Bolou, ex-Daaf de la Bcc, qui devise avec des parents et amis venus la voir. Non loin d'elle, Mme Agbalessi Dominique (Daf de l'Arcc) s'adonne à la même activité. Dans le hall de cette grande salle, nous apercevons Mme Evelyne Elloh de Coco Service qui recevait la visite de son époux. Dans une autre pièce, juste à côté, Henri Amouzou échangeait avec des parents et amis, tout comme Théophile Kouassi, Directeur exécutif du Fdpcc. Nous essayons de nous enquérir de l'état de santé de ces personnalités qui ont dirigé certaines structures de la filière café-cacao. Nous apprenons par la suite que depuis quelques temps, des prisonniers ont décidé de faire un sit-in pour réclamer la liberté provisoire. Difficile de leur arracher un mot. Très avares en parole, ils n'osent pas ouvrir la bouche. S'ils le font, c'est juste pour dire qu'ils essaient de vivre leur situation comme ils le peuvent. Mais l'on sent en eux une certaine colère, des personnes prêtes à parler dès que l'occasion leur sera offerte. Nous avons même surpris une conversation d'un des prisonniers qui n'a pas manqué d'exprimer son ras-le bol face à la situation qu'ils vivent. Cela fait 17 mois que nous sommes ici et aucun jugement. L'enquête n'a rien donné. Les différents audits n'ont rien prouvé et le juge n'a aucune charge contre nous. S'il estime que nous avons détourné, qu'on nous en apporte la preuve au lieu de nous laisser sans jugement. Les enquêteurs passent au scanner nos comptes, vont chez les concessionnaires de véhicules, dans les sociétés de transfert d'argent, même dans les bijouteries. Mais ils ne trouvent rien , explique un détenu. Et d'ajouter: le procureur, lors d'une conférence de presse, a parlé de détournements massifs. Qu'il apporte les preuves au lieu de faire diligenter des audits à n'en point finir et qui ne donnent rien. Nous en avons marre. Que l'on ne nous énerve pas. Les gens n'ont rien à nous reprocher. Ils savent où l'argent est parti. Qu'ils aient l'humilité de dire à la population qu'ils se sont trompés. Que l'opinion sache que nous n'irons plus devant le juge d'instruction. Mais notre patience a des limites. Et nous allons parler .

Nous essayons d'en savoir un peu plus sur le sit-in de certains dirigeants de la filière. Mais en vain. Nous nous dirigeons alors vers des dames qui devisaient entre elles. Nous nous rendons compte qu'il s'agit des mères de certains détenus. Elles ont décidé de donner de la voix face à ce qu'elles qualifient d'injustice et de mépris de la part de la justice ivoirienne . Très en colère, ces mères de familles éclatent : "L'on parle de détournement massif et l'on n'apporte pas les preuves. Cela fait 17 mois que ma fille est à la Maca. Sans jugement. Qui peut accepter cela ? Nous ? les mères des détenus, nous allons dormir aussi à la Maca et nous constituer prisonnières. Nous irons jusqu'au bout", a souligné en larmes, la mère d'une détenue. B.A., mère également d'une prisonnière, les yeux embués de larmes nous interpellent: "Ce que m'a fille a pris, qu'on le lui dise. Qu'on nous le dise. Cela fait 17 mois qu'elle est là. Son père déprime de jour en jour et je me demande bien ce qu'il adviendra. Trop c'est trop! Nous sommes prêtes à mourir pour nos enfants".

Finalement, nous sommes rejoints par trois détenus. A savoir, Dago Sophie née Bolou, Agbalessi Coffi Dominique et Kouassi Prosper. Kouassi Prosper, le porte-parole nous indique qu'effectivement, des prévenus de la filière café-cacao, précisément des Directeurs administratifs et financiers, des responsables de structures filiales n'ayant pas été associés aux activités proprement dites de la filière café-cacao. Face au refus de leur accorder la liberté provisoire ont décidé d'observer un sit-in. Ayant fait déjà l'objet de plusieurs convocations dans le cadre de l'enquête, avec en prime la fourniture de tous les documents, ils disent ne pas comprendre qu'ils soient encore en détention. Surtout que les différents audits de l'inspection générale d'Etat et l'inspection générale des finances ne prouvent pas leur culpabilité.

Tout comme les investigations conduites par la police économique et la Brigade de recherche de la gendarmerie. Ils disent ne plus être concernés à ce stade de la procédure et expliquent que la nomination de nouveaux dirigeants et responsables à la tête des structures élimine toute possibilité d'influence ou de dissimulation de preuves de nature à porter atteinte à la manifestation de la vérité. C'est tout cela qui a poussé Mmes Dago et Agbalessi à assiéger le bureau du régisseur de la Maca, les 05 et 06 novembre derniers, refusant de rejoindre leur cellule tant que justice ne leur est pas rendue. Depuis le 08 novembre, huit personnes ont demandé la liberté provisoire, mais toujours rien. Il leur a été signifié que cela n'était pas possible au motif que l'instruction est en cours et que la détention reste nécessaire.

Jean Eric ADINGRA

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