mercredi 18 novembre 2009 par Nuit & Jour

Transfuge de Le Démocrate, de Le Jour, du Patriote et de Nord Sud, du Quotidien, Jean-Roche Kouamé est présentement le Rédacteur en chef de l'Expression. Lors de la 12e édition des Ebony de la presse ivoirienne, Jean-Roche Kouamé a été sacré meilleur journaliste de Côte d'Ivoire. De cette consécration et de biens d'autres sujets touchant le monde ivoirien de la presse, il parle dans le l'entretien ci-dessous, la première qu'il accorde depuis son sacre.

Super Ebony 2009. Passés les moments de fortes émotions, quelles sont vos impressions par rapport à votre sacre ?


Passés les moments d'émotions, je me rends compte aujourd'hui du poids des responsabilités qui reposent désormais sur mes épaules, ainsi que sur celles du quotidien l'Expression. Parce que le plus dur est de se maintenir lorsque l'on arrive au sommet. Cela sous-entend que tout ce que l'Expression écrira sera scruté à la lumière de ce prix Ebony. Les lecteurs seront plus exigeants vis-à-vis de nous. Après les moments d'euphorie, nous devrons faire l'effort qu'il faut pour ne pas décevoir tout ceux qui ont priés pour que ce prix soit à nous.

Selon vous, qu'est-ce que ce genre de prix peut apporter à la vie d'un journaliste ?

Beaucoup de choses. Il y a d'abord la satisfaction d'être plébiscité par ses pairs. Cette satisfaction morale est très importante. C'est aussi une fierté d'être consacré meilleur de tous, après 14 ans de service. Ce prix est bien venu parce que la jeune équipe rédactionnelle de l'Expression revient de loin. Il y a presque cinq mois, nous étions tous à la rue. Dieu a inspiré et donné la force et les moyens à notre actuelle direction, qui a donc rassemblé tous ce monde qui avait été jeté à la rue, afin de tenter une nouvelle expérience. Dieu merci parce qu'à peine cinq mois après, le fruit est là, qui se résume à ce prix qui nous procure donc une immense satisfaction morale. Ce prix est aussi celui de nos lecteurs qui ont fait confiance à cette jeune équipe. Ils nous ont donné de sages conseils alors qu'ils n'y étaient pas obligés, et c'est sur ce droit chemin que nous avons marché. Aujourd'hui le fruit est là, et c'est à eux qu'il appartient en premier.

En partant justement de Nord-Sud, vous aviez donné rendez-vous à vos ex-employeurs sur le terrain. Ils vous avaient traités de bras cassés. Est-ce à dire que vos bras se sont ressoudés ?

Nous ne nous sommes jamais mis dans la tête que nous étions des bras cassés. Si nous étions des bras cassés comme ils l'avaient dit, nous serions encore dans la rue ou assis chez nous en train de pleurnicher. Très rapidement, nous nous sommes remis à la tâche. Dans vos colonnes, nous leur avions effectivement donnez rendez-vous sur le terrain, pour que l'opinion sache qui a les bras cassés ou pas. Nous avons tous compéti et Dieu merci, l'opinion nationale et internationale sait qui sont les bras cassés. Tout démontre aujourd'hui que nos bras n'étaient pas aussi cassés que ça. Parce qu'un bras cassé, cela ne peut en aucun cas remporter un Super Ebony. C'était logique qu'ils tiennent ses propos, parce qu'il y avait une véritable crise. Mais aujourd'hui, il n'est pas sur qu'ils puissent penser cela. Certes, nous ne sommes plus dans la même équipe mais nous ne sommes pas des ennemis. Puisque nous sommes tous journalistes, c'est sur ce terrain que nous allons nous opposés, et nul par ailleurs. En tout cas, le résultat présent nous conforte que nous sommes sur le meilleur chemin. Cela aurait été un beau gâchis, si nous étions demeurés dans la rue, avec tout ce que nous avons comme compétence.

Selon vous, qu'est-ce qui a vraiment milité en votre faveur. Est-ce la main de Dieu, ou avez-vous fait plus d'effort que vos concurrents ?

De toutes les façons, c'est la main de Dieu, parce que c'est lui seul qui peut bénir toutes nos intentions et nos actions. Aujourd'hui, je suis mieux placé pour confirmer qu'effectivement, c'est Dieu qui est fort, et que c'est lui seul qui peut décider du destin de ses créatures. Personne ne peut donc autoproclamer qu'un autre est un bras cassé, tant que Dieu n'a pas dit son dernier mot. C'est lui, le meilleur arbitre, à même d'infliger la meilleure sanction, mais c'est lui seul qui peut glorifier. A par lui, il n'y a plus rien. Nous, nous ne pouvons que faire les efforts dans la limite de nos possibilités. Avec les moyens en notre possession et le canevas tracé par Dieu et nos responsables, nous nous sommes tout simplement mis au travail, quand bien même nous n'étions pas à notre première expérience. Tant à Le Jour qu'à Nord-Sud, j'avais été nominé, avant d'être Super Ebony cette année à l'Expression. Cette longue expérience m'a permis de parfaire mes productions, afin de fournir un rendement meilleur. Quand bien même j'étais très confiant lors de l'édition dernière, je me suis remis en cause cette année avec le soutien de la Direction du journal.

Donc, vous avez eu de gros moyens pour réaliser votre travail ?

Non, j'ai bénéficié de moyens que l'on peut même qualifier de maigres, comme c'est le cas dans les autres quotidiens. Ici et avec seulement 5000 FCFA, nous réalisons des enquêtes qui sont facturées à 300.000 FCFA en Europe. Cela est le principal facteur qui fait que le niveau peut être qualifié de bas. Nous sommes donc obligés de nous débrouiller avec ces maigres moyens, pour présenter de grandes enquêtes, reportages et interviews. J'en profite pour féliciter les rédactions qui font de gros efforts malgré le manque de moyens pour réaliser de grands genres. Je félicite tous les postulants, qui ont eu le courage d'aller s'essayer sur ce terrain. Qu'ils persévèrent, parce que cela peut marcher, même après plusieurs tentatives. L'exemple le plus patent est Eugène Attoubé de la RTI, qui est toujours nominé, mais qui revient toujours à la charge. S'il persévère, le jour viendra où il montera lui aussi sur le podium, comme c'est mon cas.

Par rapport à ce manque de moyen, que peut conseiller le Super Ebony 2009 aux patrons de presse qui traitent au rabais leur personnels ?

Je ne me ferrai pas le procès des patrons de presse, parce que non seulement je l'ai aussi été, mais je sais comment les journaux se créent. Il s'agit de trouver du travail aux jeunes qui sortent des écoles, qui ont appris ce travail qui est pour eux une passion. Si les journaux doivent fermer parce que les patrons de presse paient au rabais comme vous dites, cela accentuera le chômage. C'est le seule métier qu'on choisi vraiment par amour, et qu'on exerce sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Certes tous les jours on se remet en cause pour fournir des résultats, ces exigences qui font que chaque jour, les patrons de presse sortent de l'argent. Alors que les annonces leur parviennent à compte gouttes, pendant qu'un seul organe à toutes les publicités du pays, en plus qu'il soit soutenu par l'Etat ivoirien. Tous les autres patrons de presses se débattent, confrontés qu'ils sont aux mêmes réalités. Il faut plutôt saluer et encourager les patrons de presse pour ce qu'ils font déjà, qui permet aux journalistes de s'essayer aux grands genres. Vous ne pouvez pas imaginer le grand bonheur qui règne au journal l'Expression, où tout le monde est aux anges à cause de cette consécration.

Le monde de la presse ivoirienne se meuble d'autres organisations, on risque d'avoir un trop plein d'Ebony les années à venir. Qu'en pensez-vous ?

Certes, un trop plein d'Ebony serait la bienvenue, mais il faut privilégier la qualité. C'est une bonne chose qu'il y ait d'autres organisations, mais il faut la saine concurrence. Chacune voudra faire ses preuves, mais il ne faudra pas que cela se fasse dans l'animosité. La pluralité des distinctions ne peut que motiver d'avantage les journalistes, mais il faut que ces derniers n'oublient pas qu'ils sont d'abord confrères, confrères condamnés à vivre ensemble. Chaque organisation voudra réaliser ses projets, mais cela doit se faire sans déchirement. Il faudra éviter de donner l'image d'une corporation qui ne se prend pas au sérieux. Il peut y avoir des dizaines de structures identiques à l'UNJCI, mais la cohabitation doit se faire sans tiraillement. Nous évoluons tous dans un contexte de libéralisme, mais la cohabitation doit se faire dans le respect mutuel, dans l'union mais pas dans la division.

Y a-t-il quelqu'un à qui vous voudrez dédier particulièrement ce prix ?

Je dédie ce prix à la Côte d'Ivoire, qui cherche ses marques pour sortir de la crise. Les journalistes ne sont pas à l'aise dans cette situation de ni paix ni guerre, où tout le monde tourne en rond. La presse politique par exemple, ne sait même plus ce qu'il faut écrire. Alors qu'il y aura tellement à écrire lorsque la situation sera totalement normalité. Avec cette crise, nous sommes toujours en train de ressasser les mêmes choses, en nous demandant s'il y aura élection ou pas. Vous verrez une nouvelle façon de faire la presse, lorsque la Côte d'Ivoire retrouvera totalement ses marques, avec le bouillonnement de l'activité tant socio-économique que politique. Je salue et je félicite surtout la jeune équipe rédactionnelle de l'Expression, dont la peau n'était pas chèrement vendue. Certains lui avaient prédit seulement deux mois de vie. Dieu qui décide de tout, a décidé de prendre en main cette jeune équipe dirigée par le très courageux et le très dynamique Dembelé Alseni. Ce dernier a multiplié ses efforts et ses prières, afin de faire mousser ses maigres moyens pour que nous soyons en condition pour fournir des résultats, pour que les soi-disant bras cassés vivent la meilleure aventure de leur existence.

Franck Boyo

Légende : Super Ebony 2009, Jean-Roche Kouamé incite ces confrères à persévérer dans l'effort.



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