lundi 16 novembre 2009 par Nord-Sud

Notre débat sur la cherté des hôpitaux publics se poursuit. Dans la première partie, publiée samedi, nous démontrions tableaux à l'appui, comment les tarifs pratiqués par des établissements sanitaires publics constituent un obstacle pour de nombreux Ivoiriens. Après le témoignage du président de la Fédération des associations de consommateurs actifs de Côte d'Ivoire publié le même jour, nous vous proposons aujourd'hui celui du Dr Ernest Boka, le secrétaire général du Syndicat national des cadres supérieurs de la santé de Côte d'Ivoire.

Que pensez-vous du coût des prestations dans les établissements sanitaires publics?
L'Etat a tenu compte des problèmes des Ivoiriens pour fixer les tarifs dans les établissements sanitaires publics. Ce sont des tarifs sociaux. Il est vrai que ces prix peuvent être élevés pour certaines personnes. Mais, à vrai dire, ce sont des tarifs à la portée de la majorité. Il est vrai qu'il y a, à certains moments, des gens qui ne peuvent pas payer la simple consultation. Ceux-là, ce sont des personnes indigentes pour lesquelles des moyens ont été dégagés. Mais il faut reconnaître que, seul, l'Etat de Côte d'Ivoire ne peut pas supporter la prise en charge de tous les malades. Il faut que la population contribue.

Il y a certains pays comme la Libye où les malades sont entièrement pris en charge de la consultation jusqu'aux soins par l'Etat, qu'en pensez-vous?
Il faut relier cela à la richesse et au développement économique du pays.

Que pensez-vous du Mali où un décret a été pris pour rendre la césarienne gratuite ?
Au Mali, Ce n'est pas l'Etat seul qui finance la césarienne, c'est avec l'aide du Fond des nations unies pour la population (Fnuap).

Et que fait la Côte d'Ivoire pour avoir également l'aide de ce partenaire ?
Si, l'Etat travaille dans ce sens. La nouvelle avait été annoncée, malheureusement, pour les questions d'organisation, le Fnuap n'a pas encore mis en place cette possibilité de césarienne gratuite.

Mais vous, en tant que médecin, avez-vous déjà été face à un patient qui a voulu abandonner ses soins à cause du coût des prestations ?
Effectivement, il y a des malades à qui on prescrit des examens et qui n'arrivent pas à les faire parce que le coût est élevé.

N'est-ce pas la preuve que les tarifs ne sont pas accessibles à tous? N'est-il pas possible de faire des réductions ou instaurer simplement la gratuité ne serait-ce que pour les consultations ?
Moi, je pense que l'Etat peut réduire tous les prix s'il estime qu'il a suffisamment de moyens pour éjecter dans la santé. Malgré cet effort de la population, regardez les conditions dans lesquelles le personnel de santé travaille. S'il n'y a pas ces coûts de recouvrement, ce sera encore plus difficile pour nous. Le recouvrement a commencé depuis les années 1980 à cause de la situation économique difficile. Si le gouvernement prend la décision de faire baisser les prix, la population ne fera qu'applaudir. Je pense qu'on pourra réduire toutes ses difficultés avec l'Assurance maladie universelle (Amu) qui va prendre en charge la population. Mais, il faut savoir que pour le moment, l'Etat ne peut pas tout faire.

Ne vous est-il pas déjà arrivé de rencontrer dans la cour de l'hôpital un malade qui retourne à la maison parce qu'il n'a pas eu l'argent pour se soigner ?
Oui, j'en ai déjà rencontré.

Quel effet une telle scène peut-elle avoir sur vous ?
Il faut savoir que cela ne dépend pas de nous. Quand les malades arrivent, il y a une procédure à suivre. Dans les hôpitaux, quand le malade arrive, on l'accueille au service d'entrée. A ce niveau, si le malade dit qu'il n'a pas de moyens, il y a un service d'assistance sociale où il est conduit. Si on vérifie qu'il est effectivement un indigent, il est pris en charge. Mais, pour nous personnel soignant, toute personne qui frappe à la porte ou qui entre dans un centre de santé doit pouvoir bénéficier des soins. Comprenez que ce n'est pas le personnel soignant qui met les soins à la disposition de la population. Nous faisons notre part. Si on nous ordonne de soigner gratuitement, nous le ferons.

Il vous est aussi reproché de demander trop d'examens et de prescrire des médicaments qui ne sont pas nécessaires
Je pense que ceux qui le disent ne connaissent pas notre métier. Je ne pense pas qu'on puisse prescrire beaucoup de médicaments dans le but d'appauvrir un malade ou bien d'enrichir la pharmacie. Je ne pense pas aussi qu'on puisse prescrire des examens complémentaires dans le but d'appauvrir le malade ou bien d'enrichir le local. Non, mais on le demande quand c'est nécessaire. Les examens qu'on demande font partie des diagnostics pour pousser plus loin les recherches. Par exemple, la fièvre qu'un malade présente en venant peuvent cacher plusieurs maladies. Les céphalées que le malade présente peut cacher plusieurs maladies. Donc, on a intérêt à pousser loin les recherches. Si tu penses qu'en faisant la consultation et tu conclus que c'est le palu alors qu'il y a d'autres maladies cachées, le malade ne pourra pas guérir. Il y a des signes qui se ressemblent, si on ne fait pas d'examens, on risque de passer à côté. Très souvent, les médecins tâtonnent entre la fièvre typhoïde et le palu. Seul un examen peut dire de quoi souffre le patient.


Il semble aussi que des médecins sont en partenariat avec des laboratoires.Et, ils prescrivent des medicaments aux coûts élévés aux malades même s'ils savent que ceux-ci sont moins efficaces. Est-ce vrai ?
Non je veux dire que les gens racontent beaucoup de choses qui ne sont pas justes.
A l'époque, les gens disaient que les médecins étaient en partenariat avec les pharmaciens du privé pour prescrire beaucoup de médicaments parce qu'on leur reversait une partie. Il ne faut pas prescrire pour prescrire. Si les médicaments ont le même effet, on prescrit le moins cher. C'est l'efficacité qu'on recherche. Nous prescrivons ce qui est moins cher et efficace. Nous n'avons pas de contrat avec les labos.

On vous reproche également de ne pas prescrire les génériques.
Au début, à l'arrivée des génériques, il y avait beaucoup qui étaient de mauvaises qualités. Mais aujourd'hui, l'Etat est plus regardant, les génériques qui entrent sont de bonnes qualités et sont testés, donc nous les prescrivons.

Adélaïde Konin (Stagiaire)

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