lundi 16 novembre 2009 par Nord-Sud

Sanata et Gnamou se sont ruées sur moi. Elles m'ont frappée avec des morceaux de bois, puis m'ont tailladée le visage avec une lame , affirme Traoré Massandjé. Nous sommes en décembre 2008 à Yopougon-Wassakara, un quartier de la commune de Yopougon. Ce jour-là, une bagarre éclate entre les adhérentes d'une tontine, une caisse informelle d'épargne. Traoré Massandjé est membre de ladite caisse. Venue récupérer sa cagnotte, elle ne pensait pas un seul instant que les choses tourneraient au vinaigre. Contre toute attente, Konaté Sanata, responsable de la caisse d'épargne, et Koné Gnamou lui font sa fête. Des coups de morceaux de bois atterrissent sur l'infortunée adhérente. Comme des fauves, Sanata et sa complice s'arment de lame pour découper le visage de la pauvre femme. L'affaire arrive au tribunal des flagrants délits de Yopougon. Après plusieurs renvois, le juge ouvre à nouveau le dossier le 14 octobre 2009. La victime produit un certificat médical qui indique une incapacité temporaire de travail de quinze jours. Massandjé soutient qu'elle continue de souffrir de douleurs au niveau du dos. Elle porte au visage les cicatrices de ses blessures.
La course au pactole

La plaignante qui se constitue partie civile demande réparation pour le préjudice subi. Je réclame 350.000 Fcfa à titre de dommages et intérêts, exige-t-elle. Le tribunal ramène ses prétentions à 200.000 Fcfa. Comme ce procès le démontre, elles sont nombreuses les personnes qui ne veulent pas sortir d'une bagarre les mains vides. Le 18 septembre dernier, à la barre du tribunal des flagrants délits du Plateau, Doumbia Ibrahim comparaît pour coups et blessures. Il est accusé d'avoir bastonné Kéita Fanta qui porte une grossesse de quatre mois. Celle-ci produit un certificat médical prescrivant une Incapacité de temporaire de travail (Itt) de vingt un jours. Je continue de payer mes ordonnances. Je dois faire aussi d'autres examens médicaux. Donc, je veux qu'il me verse 300.000 Fcfa pour couvrir mes dépenses , exige la plaignante soutenue par son conseil.
25.000 Fcfa pour

En définitif, le juge condamne Ibrahim à verser 250.000 Fcfa à sa victime. Ainsi, chaque jour de procès enregistre son lot de cas de coups et blessures volontaires. Avec leur corollaire de demandes de dommages et intérêts. Ainsi, les bagarres rangées ou les simples disputes sont devenues des sources d'enrichissement pour certaines personnes. Elles ne lésinent pas sur les moyens pour se faire établir un certificat médical qui coûte en moyenne 25.000 Fcfa.
Pour comprendre la procédure de délivrance du document médical tant convoité, nous rencontrons Dr. Bamba, médecin généraliste du centre de santé communautaire Nimatoullahi à Cocody-Angré. Selon le praticien, une personne victime d'une agression est en droit de se faire établir un certificat médical. C'est la preuve qui atteste que vous avez été agressé. Ainsi, nous lui délivrons ce document après des examens. Nous y inscrivons ce que nous constatons, c'est-à-dire les blessures, les enflures, les traces et bien d'autres choses. On peut même demander une radiographie si cela s'impose , révèle le généraliste. Néanmoins, le médecin reconnaît l'existence de dérapages. Certains médecins délivrent des certificats médicaux complaisants sans savoir les implications juridiques et les conséquences pour l'accusé. Car, plus l'incapacité (Itt) est élevée, plus la sanction juridique l'est. C'est anti déontologique, déplore-t-il. Un autre médecin, Dr. Bakayoko, soutient avoir refusé de délivrer à l'un de ses patients un certificat médical. La raison ? Une nuit, un monsieur est venu me voir pour que je lui délivre un certificat médical, pour porter plainte. J'ai refusé parce que délivrer un certificat complaisant comporte assez de risques pour le demandeur et pour le médecin , témoigne-t-il. Cependant, cette forme d'escroquerie peut causer du tort à des personnes qui ont réellement été victimes des faits de coups et blessures volontaires et qui présentent des certificats en bonne et due forme.
le certificat médical

J'ai déjà délivré avec mon médecin-chef un certificat médical à une jeune fille battue par ses beaux parents. C'était à la demande de son frère, trois jours après son agression, car ses agresseurs l'avaient convoquée à la police et étant ignorante de ses droits, elle semblait perdue. Elle portait des traces de morsure au cou, des coups de griffes sur le corps, des brûlures au pied (elle a été brûlée avec un fourneau), elle était abattue moralement . Face à cette révélation du Dr Bakayoko, nous pouvons déduire que tous les certificats ne sont pas source d'escroquerie. Mais les faux certificats peuvent subirent une contre-expertise, ajoute le médecin. Qui appelle ses confrères au sens de la responsabilité. La lenteur des procédures condamne aussi certaines victimes. Car le blessé peut être guéri de ses lésions avant le procès ou recouvrer totalement la santé. A cet effet, la police doit noter l'état dans lequel la victime se présente le jour de la déposition afin de pouvoir justifier ce que le médecin inscrira sur le certificat médical , conseille pour sa part Dr Bamba.

Une enquête de LAC

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