mercredi 11 novembre 2009 par Notre Voie

Mme Romaine Touré est la directrice nationale de campagne adjointe chargé des affaires juridiques et du contentieux du candidat Laurent Gbagbo. Dans cet entretien qui suit, elle se prononce sur la polémique autour de l'attestation de régularité fiscale et souligne les compétences du Conseil constitutionnel. Notre Voie : Un collectif d'avocats du PDCI met en cause la récente décision du Conseil constitutionnel invitant tous les candidats à l'élection présidentielle à compléter leur dossier avec un extrait de naissance et l'attestation de régularité fiscale. Que pensez-vous de cette polémique ? Romaine Touré : Il n'y a pas que ce comité juridique national du PDCI qui s'en prend violemment au Conseil constitutionnel. J'ai pu lire dans la presse l'interview d'un Professeur de biologie reconverti à la politique et membre de l'UDPCI qui se reconnaissait les capacités intellectuelles de dispenser un cours magistral de Droit constitutionnel sur les attributions du Conseil constitutionnel aux membres de cette juridiction. Tout ceci est purement surréaliste et hallucinant. Aux termes des dispositions de l'article 5 du Code civil, il est défendu au juge de prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises (). En édictant une règle générale s'apparentant à un arrêt de règlement, le Conseil constitutionnel s'érige en législateur. Violant ainsi l'article 5 du Code civil susmentionné, a soutenu le comité d'experts juridiques que vous nommez. Cette analyse à laquelle se livre ce comité juridique du PDCI est de la pure sorcellerie politique. Il n'est pas intellectuellement honnête de laisser croire aux gens, que le Conseil constitutionnel est soumis aux dispositions du Code civil dont on sait qu'il régit les rapports privés de particulier à particulier. Pour reprendre une expression empruntée à un éminent publiciste, le doyen Ranjeva, juge à la Cour Internationale de Justice de La Haye, ?'le Code civil, c'est vraiment le Droit de la petite cuisine des gens''. Or, tel n'est pas le cas du Droit applicable au Conseil constitutionnel qui est du domaine du Droit public, spécialement du Droit constitutionnel qui régit les modes d'organisation et de fonctionnement du pouvoir politique dans l'Etat. Dès lors , la base du raisonnement de ces juristes PDCI et de leurs alliés est chimérique. Ils devraient plutôt revoir leur copie. L'allusion faite par ces juristes PDCI à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en France est un mensonge grossier. N.V : Le Conseil constitutionnel avait ? il le pouvoir de prendre la décision rendue le 28 octobre 2009 ? R.T : La question est de savoir qu'est-ce que le Conseil constitutionnel et qu'a-t-il fait en rendant la décision dont il s'agit ? Le Conseil constitutionnel est une juridiction. C'est un Tribunal animé par des juges. Son rôle est de juger la loi comme le juge du tribunal juge des personnes physiques ou bien des sociétés. Il juge la loi. Déclare si elle est applicable ou non. La loi est applicable quand elle est conforme à la Constitution. Dans le cas contraire, elle est inapplicable. Le Conseil constitutionnel doit respecter la Constitution qui est sa seule boussole. Il n'a pas à se soumettre à une loi qui est contraire à la Constitution. Autrement dit, il n'applique la loi que si celle-ci respecte la constitution. C'est ce qu'il faut savoir. Or, il convient de préciser que pour rendre leur décision, et ceci est universellement admis dans les pays où règne l'Etat de droit, les juges ont une méthode de travail quasiment invariable, qui est encadrée par la jurisprudence, laquelle est définie comme la position des juges dans l'interprétation et l'application des principes généraux du droit et des textes juridiques en vigueur. Il y a lieu d'ajouter que pour les élections en Côte d'Ivoire, il appartient au Conseil constitutionnel de retenir en dernier ressort la liste des candidats jugés aptes à la compétition. N.V. : Que répondez-vous à ceux qui soutiennent que le Conseil constitutionnel n'a pas le droit d'exiger l'extrait de naissance et l'attestation de régularité fiscale aux candidats ? R.T : Comment veulent-ils alors avoir la preuve des nom et prénoms, de la date et du lieu de naissance ainsi que la filiation et la situation matrimoniale d'un citoyen si l'on a pas en possession le document administratif de base qu'est l'extrait de naissance ou le jugement supplétif en tenant lieu ? Comment va-t-on statuer sur la moralité d'un citoyen si on n'a pas la preuve par une attestation de l'administration que celui-ci paie ou non ses impôts ? Que les gens soient sérieux et fassent preuve de sens civique. La demande de pièces additionnelles devrait plutôt réjouir la classe politique car le Conseil constitutionnel aurait pu sans ordonner la production de ces pièces sanctionner les candidats. Ce qui aurait compliqué la situation. N.V: Que deviennent finalement les accords politiques qui indiquent que certains leaders sont d'office candidats s'ils le souhaitent ? R.T : Il faut éviter de faire de la surenchère ou de l'intox. Jamais les accords politiques n'ont voulu réduire le rôle du Conseil constitutionnel à celui d'un vaguemestre ou d'un coursier de service. N.V : Est-ce à dire que le Conseil constitutionnel peut écarter certains candidats, même ceux issus des accords de Linas-Marcoussis ? R.T : Je ne vais pas faire comme ceux qui veulent décider à la place du Conseil constitutionnel. Mais cette Institution est seule compétente en dernier ressort pour décider que tel postulant à l'élection présidentielle a bien la qualité juridique de candidat. Aucun leader politique, aucune instance internationale n'a jamais remis en cause le rôle irremplaçable du Conseil constitutionnel. Entretien réalisé Par Délon's Zadé delonszade@yahoo.fr

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