mercredi 4 novembre 2009 par Le Temps

L'idée de création d'une nouvelle compagnie aérienne africaine, comme ce fut le cas du géant Air Afrique, s'éloigne de plus en plus des chefs d'Etat du continent. Explication avec M. Jules Gogoua, Chargé de programme principal transport à la commission de la Cedeao.

Il y a dix ans que les ministres à charges des transports ont signé la décision de Yamoussoukro, relative à la libéralisation de ce secteur. Quel bilan pourrait-on faire aujourd'hui ?
En terme de dessertes de la sous- région, bien que certaines compagnies d'une certaines dimensions aient disparu, il n'était pas évident pour une compagnie de desservir les liaisons qu'elle souhaite en cinquième liberté. Pour être concret, la zone Air Afrique était considérée comme une zone de cabotage. C'est-à-dire, qu'une autre compagnie, ne pouvait servir un point entre par exemple Abidjan et Dakar, sans qu'elle n'ait l'autorisation d'Air Afrique. Aujourd'hui, les possibilités de liaisons existent. Mais, l'autre contrainte, c'est la disponibilité de la capacité. C'est-à-dire, les flottes. Il y a beaucoup de compagnies qui ont disparu, du fait de la crise qui n'a rien à avoir avec la décision de Yamoussoukro. A cela, il faut ajouter la faiblesse de l'aviation civile à l'époque. Aujourd'hui, grâce à la décision de Yamoussoukro, les directions d'aviations civiles ont les administrations autonomes. Elles sont à même de conduire les programmes surtout de sûreté et de sécurité, qui sont aussi un volet de la décision de Yamoussoukro. Il y a eu une amélioration dans ce sens. Le troisième aspect, si vous remontez dix ans en arrière et que vous faites un parallèle sur le coût d'un billet d'avion, du fait du monopole sur certaines routes, vous trouverez que vous avez le choix d'aller vers la compagnie qui vous offre le prix le moins cher. J'en veux pour exemple sur la liaison Cotonou-Abidjan, vous avez Air Ivoire, Vergil et bien d'autres compagnies. A l'époque, ce n'était pas évident. Il n'y avait qu'Air Afrique pour venir sur Abidjan. Donc, c'est une bonne évolution. Il est vrai que les ministres ont constaté que cette évolution est minimale par rapport aux attentes, mais tout ce qu'on peut faire, c'est d'encourager les Etats à aller vers cette ouverture totale souhaitée dans la décision de Yamoussoukro. Je pense qu'à la suite de cette réunion, les Etats vont pouvoir insuffler une nouvelle dynamique à la mise en ?uvre de la décision.

Malgré ces efforts, d'autres problèmes sont latents, notamment la cherté des billets d'avion et la non certification de certains aéroports. Qu'est-ce que la Cedeao peut faire pour régler ces préoccupations ?
Il y a des projets Coscap qui visent à l'amélioration de la sécurité et de la sûreté de l'aviation civile. A terme, ces projets vont aboutir à la création d'agences de supervision de la sécurité de l'aviation civile. Qui, n'ont rien à avoir avec l'Ascena. C'est dans ce cadre-là, que nous travaillons avec les Etats au niveau de ces projets. Et les administrations, elles-mêmes compte tenu des audits réguliers de l'Oaci, font des efforts pour obtenir ces certifications. C'est vrai qu'il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu. C'est un processus qui prend assez de temps. Nous accompagnons les Etats dans la mise en ?uvre du projet Coscap. Qui, si ces agences sont créées, ouvriront la voie à une certification de ces aéroports.

La célébration des dix ans de la décision de Yamoussoukro fait apparaître que beaucoup de compagnies aériennes ont mis la clé sous le paillasson. Qu'est- ce qui explique cela et comment parer à ces situations dans les deux espaces Cedeao et la Cemac ?
Je dirais qu'il n'est pas du ressort ni de la Cemac, ni de la Cedeao de réhabiliter les compagnies. Le rôle des organisations comme les autres, c'est de déblayer le terrain et de mettre tout le monde sur un même pied d'égalité pour compétir. Si je veux investir dans l'aviation civile et que je vois qu'il y a une compagnie nationale qui a les privilèges, auxquelles je n'ai pas droit, je ne peux pas investir. Donc, c'est de faire en sorte que tous les compétiteurs soient sur le même pied d'égalité. C'est ce cadre juridique et institutionnel que les communautés économiques et régionales s'efforcent de mettre en place pour niveler le terrain pour tout le monde. Au niveau de la zone Cedeao, nous avons opté pour une autre solution quant à la mise en place d'un instrument régional. Nous voulons encourager le secteur privé à investir. On leur dit que de plus en plus, les Etats leur accordent le droit de la cinquième liberté, c'est-à-dire, le droit de trafics qui est le plus important et un cadre institutionnel. Il leur revient de saisir ces occasions. Mais, dire que les gouvernements vont encore s'impliquer dans la mise en place d'un instrument régional comme Air Afrique, n'est pas dans notre vision. S'agissant des compagnies qui ferment, je vous dirais qu'il y a toujours des revers à tout. Quand vous ouvrez le marché à la compétition, les plus grands mangent les plus petits. Mais, je pense que pour vous répondre en toute franchise, je dirais que pour toute une compagnie, qu'elle soit aérienne ou autre, si elle n'est pas bien gérée dans les règles de l'art, elle va tomber. Parce que, on ne peut pas comprendre que pour une compagnie qui a le portefeuille des droits de trafics de son Etat et qui doit desservir sur une base de réciprocité les destinations que les autres compagnies desservent dans son pays, ne puisse pas en profiter et se laisse aller à la faillite. Je ne veux pas citer de compagnie. Mais, je pense que si vous avez une bonne gestion qui a une vision, la compagnie peut marcher. Mais, comme je ne suis pas dans la comptabilité de ces compagnies, je ne peux pas vous dire exactement pourquoi elles tombent. Mais, je pense que c'est un manque de vision et une mauvaise gestion.

Entretien réalisé à Yamoussoukro par Joseph Atoumgbré
attjoseph@yahoo.fr

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