samedi 31 octobre 2009 par Nord-Sud

Le président du Parti ivoirien des travailleurs, candidat à l'élection présidentielle, était hier l'invité du patronat ivoirien. Au cours d'un déjeuner-débat, Francis Wodié est revenu sur les problèmes qui minent l'appareil productif et a révélé les grandes lignes de son programme économique.

Le patronat ivoirien a démarré l'audition des différents candidats à l'élection présidentielle. C'est vrai qu'à l'issue de son passage, aucune sanction pénale ne guette le futur président. Mais, toujours est-il qu'il devra convaincre les opérateurs économiques, quant à la pertinence de son programme de gouvernement, surtout dans son volet économique. Au risque de se faire sanctionner par le vote. Les patrons soutiennent mordicus qu'ils n'ont pas de candidat. Mais, ils devraient être à même de repérer le projet de société le plus pertinent, le plus réaliste. Voilà qui pourrait guider un choix éventuel. C'est le président du Parti ivoirien des travailleurs (Pit) Francis Wodié, premier invité de cette série de rencontres, initiée par la Confédération générale des entreprises de Côte d'Ivoire (Cgeci), qui a ouvert le bal hier. Il a vertement critiqué la déliquescence de l'environnement des affaires.

Une décade perdue

Mais avant, le secteur privé, pour plonger son hôte dans les réalités économiques, a dressé un tableau quasi-sombre de l'économie nationale. Selon Jean Kakou Diagou, président de la Cgeci, au-delà des avancées remarquables enregistrées pendant le miracle ivoirien (de 1960 à 1979), le volume de création de richesses est resté en deçà du niveau qui aurait permis un décollage économique définitif. Après une embellie des années d'après dévaluation, il s'est fortement dégradé pendant la crise que nous vivons encore et que nous pouvons qualifier de décade perdue , a déploré le patron du groupe Nsia. En effet, cette période est marquée par une détérioration vertigineuse des fondamentaux de l'économie et de la société ivoirienne. A telle enseigne que le secteur privé ne fonctionne plus de façon optimale et n'a plus la capacité d'absorber les nouveaux travailleurs. Quand, de l'autre côté, l'économie informelle prend des proportions alarmantes. Pour M. Diagou, l'appareil productif n'est plus suffisamment modernisé et l'Etat n'investit plus dans les infrastructures de base. L'investissement privé est passé de 15% du Pib en 1980 à 7% du Pib en 2008. Les investissements publics qui ont suivi cette tendance, ont chuté de 13 à 3% sur la même période. Résultats, plusieurs secteurs d'activités enregistrent des pertes de compétitivité tragiques. Situation fortement amplifiée par une déstructuration institutionnelle des filières, notamment celle des structures d'appui et du cadre réglementaire. La production d'ananas est passée de 213.000 tonnes en 1999 à 60.000 tonnes en 2008. Le bois a fléchi de 5 millions de mètre cube en 1979 à 1,4 million de mètre cube en 2008. Le café a chuté de 380.000 tonnes en 2000 à 171.000 tonnes en 2007. Même les bastions tels que le cacao voient leurs fondamentaux fortement entamés avec des vergers vieillissants , s'est inquiété Jean Kacou Diagou. Des problèmes qui, à ses yeux, ont eu pour conséquence, l'avancée de la pauvreté avec aujourd'hui un taux de 49,8%. Au regard de ce tableau déprimant pour le secteur privé, Francis Wodié a estimé que l'on doit avoir le courage de dénoncer les maux qui freinent la création et le développement des entreprises. L'environnement des affaires en Côte d'Ivoire est vraiment très pollué. Il s'agit, entre autres, de l'insécurité, de la corruption de certains de nos magistrats et du phénomène du racket , a fustigé le candidat du Pit. S'il est vrai que l'insécurité a été aggravée par la crise de septembre 2002, il se dit surpris de constater que parfois des agents des Forces de défense et de sécurité soient impliqués dans les affaires de braquages. Pour lui, tout est parti de leur mode de recrutement qui laisse à désirer. Au plan fiscal, le Pr Wodié s'indigne du fait que la Côte d'Ivoire a toujours été l'un des pays de la région ouest africaine, où la fiscalité est lourde. Que ce soit la Tva ou l'impôt sur les sociétés (Is). Ce qui pénalise la rentabilité des entreprises. Le ministre Wodié a indiqué que la corruption a dépassé le seuil du tolérable. C'est un problème majeur qui tend à devenir un phénomène normal. Nous stimulons la corruption : les parents d'élèves et d'étudiants, le domaine de la santé, l'administration. En banalisant un tel phénomène, on expose gravement l'économie nationale, a-t-il prévenu au cours des échanges avec les opérateurs économiques. Selon l'ancien Doyen de la faculté de droit de l'Université de Cocody, la gestion des ressources publiques baigne dans l'opacité à cause du manque de transparence et de rigueur. Les déficits budgétaires entraînent un effet d'éviction à travers une augmentation des taux d'intérêt. En guise de solution, le président du Pit précise que son parti a opté pour une économie mixte. Elle consacre la coexistence ou la cohabitation d'un secteur privé et d'un secteur public, en vue de renforcer le dialogue. Si je suis élu, il y aura dans les deux semaines qui suivront mon élection, une grande concertation avec le secteur privé. Je suis plus général dans les réponses à vos préoccupations. Cela veut dire qu'au sein du parti, il y a des services techniques, qui pourront aller plus loin, a lancé Francis Wodié. Convaincu qu'il faut au préalable moraliser le pays aux plans économique, social et politique. Avant de songer à toute forme de réforme.

Cissé Cheick Ely

www.225.ci - A propos - Plan du site - Questions / Réponses © 2023