mardi 27 octobre 2009 par Nord-Sud

Le lycée moderne de Dabakala connaît un déficit criant d'enseignants. L'établissement ne compte au total que neuf professeurs pour plus de 35 classes. Certaines disciplines n'ont aucun enseignant. Faute de profs, des élèves passent plusieurs jours sans suivre un seul cours. Notre enquête.

La ville de Dabakala fait partie des cinq départements de la Vallée du Bandama. Elle est située à 132km au Nord de Bouaké en passant par Katiola. La ville du maire Jean-Louis Billon est dans une mauvaise passe. L'école ne se porte pas bien à Dabakala. Les élèves, leurs parents et les représentants de l'administration sont désemparés. Karidiola Tofo Jean-Paul, élève en 5e au lycée moderne, est encore pensif ce matin du 21 octobre. Depuis trois jours, il se rend à l'école sans recevoir le moindre enseignement. L'apprenant erre donc toute la journée entre sa salle de classe et la cour de l'école, son emploi du temps en main. Fofana Talnan est lui plus chanceux. Depuis le début de la semaine, nous avons nos emplois du temps. Mais, seul le professeur d'anglais nous a dispensé des cours , révèle un peu découragé, un élève de la 3e. Les témoignages de ce genre sont multiples dans l'unique établissement public de la ville. A 8 heures, le visiteur se croirait à la récréation tant les élèves sont nombreux dans la cour. Ouvert depuis 1977, le lycée moderne de Dabakala compte à ce jour 2.220 élèves. Selon le proviseur Tié Bi Toh, à la date du 20 octobre, 861 personnes étaient régulièrement inscrites. Comme le sous-préfet, N'Guessan Ahoutou Vincent qui nous a reçu en l'absence du préfet, le chef l'antenne pédagogique soutient que l'école rencontre de véritables problèmes à Dabakala depuis le redéploiement de l'administration en mars 2004. Nous avons toujours eu des difficultés depuis 2002. Mais, cette année, la situation est plus grave . L'ex-censeur du lycée rappelle qu'en 2002 et avant cette date, son établissement fonctionnait avec une soixantaine d'enseignants. Mais, à ce jour, il n'en a que neuf dont deux censeurs. Aucun conseiller d'orientation ni d'éducation. Alors que la ''Pyramide'' totalise 35 classes : cinq classes de 6e, cinq de 5e, sept de 4e et six classes de 3e. Au second cycle, il y a deux classes de 2nde A et deux de 2nde C. S'y ajoutent deux classes de 1ère A2, deux de 1ère D, deux de Terminale A2 et deux de Terminale D. Les effectifs varient entre 55 et 65 élèves. Certaines disciplines n'ont pas d'enseignant.

Des chiffres alarmants

Il s'agit de l'anglais, de la philosophie, de l'Eps de l'espagnol, des arts plastiques et de musique. Le lycée dispose en ce moment d'un seul professeur de mathématiques (Capes), de deux en histoire géographie (Capes), deux en français (Capes), un en allemand ( Capes), deux en sciences physiques (Cap-CM) et d'un professeur de niveau Capes de Sciences de la vie et de la terre(Svt). Face à ce déficit, le proviseur a recours à des enseignants volontaires. Sur 18 enseignants volontaires qu'il avait sous la main l'année écoulée, seuls cinq sont aptes à enseigner au lycée après le recrutement en cours. Ils n'ont que la licence avoue-t-il. Ces cinq membres du Mouvement des enseignants volontaire de Côte d'Ivoire (Mevci) appuyés par les neuf enseignants titulaires dispenseront les cours en français, espagnol, anglais (2 professeurs) et Hist-géo. Malgré ce recrutement, le lycée n'a aucun enseignant en philosophie et en Eps. Les enseignants affectés refusent de se rendre à Dabakala, laissant le lycée de cette ville avec 14 enseignants pour 35 classes et 2.220 élèves. Le proviseur, envisage outre le recrutement des bénévoles, de faire venir des enseignants du collège moderne de Boniérédougou distant de 35 km et du lycée moderne de Katiola à 65 km. Les élèves fuient donc le lycée de Dabakala pour des établissements plus sûrs. Touré Kayafa, enseignant de français sur place, reconnaît cet exode. Des élèves n'ont pas fait de cours de français, ni d'anglais depuis la 6e jusqu'en classe de 3eme. Comment voulez-vous qu'un tel élève réussisse au Bepc une fois en classe de 3e ?. Le maire résident, Bakary Diaby, en tant que parent d'élèves, en a une expérience. Mes deux filles en classe de 1ère que j'ai fait venir d'Abidjan pour rester auprès de moi m'ont signifié que si la situation perdure, elles repartiraient sur Abidjan pour continuer leurs études , rapporte-il. Il n'y a pas assez d'enseignants pour encadrer les enfants. C'est la difficulté majeure de notre cité depuis le retour de l'administration. Sur la soixantaine d'enseignants qu'il y avait avant la guerre, à peine 10 sont présents, explique le sous-préfet N'guessan Ahoutou Vincent.
La seule satisfaction vient du primaire. Il n'y a pas de problèmes d'enseignants. Chaque année, des stagiaires affectés viennent combler le déficit , rassure le sous-préfet. Mais le taux de couverture en établissements scolaires dans la zone reste faible.

Les raisons d'un recul

L'inspection de Dabakala compte 66 écoles primaires. Mais, 12 de ces écoles sont des établissements communautaires avec des classes en baraque. 54 écoles sont en dur. La quasi-totalité des établissements est concentrée en ville. Sur les 14 villages de la commune, seuls 5 sont dotés d'une école. Le maire Jean- Louis Billon, soucieux de ces difficultés, a entrepris à Kenguélédoudou la construction d'une école de 6 classes dotée d'une cantine. Les enseignants refusent de se rendre à Dabakala pour plusieurs raisons. La voie menant dans cette cité est certes en bon état mais l'axe est très peu fréquenté. La nuit tombée, Dabakala baigne dans l'obscurité. Aucun lampadaire ne fonctionne correctement. Il y a toujours une baisse d'intensité malgré les efforts de la Cie qui a repris service. L'eau a aussi cessé de couler dans les robinets. Quand elle vient, l'eau est de mauvaise qualité. Depuis que j'ai mis pied à Dabakala je n'ai jamais vu de l'eau couler du robinet de la douche. Il n'y a pas d'eau courante de façon régulière se souvient le sous-préfet central de Dabakala. La capacité du château, rapportent les populations, est largement dépassée. Dabakala est la seule cité qui jouit de l'eau de la Sodeci. Dans le périmètre rural des forages ont été construits. Mais nombre de ces forages sont en panne. Le maire Jean Louis Billon a entrepris la réparation de certaines pompes dans la commune. Il a aussi fait 3 nouveaux forages dans les villages de Tindikandjoulasso, Lamandadougou et Djamonon. En plus de l'eau qui fait défaut, se soigner est difficile à Dabakala. Hormis l'hôpital général qui est sous équipé il n'y a aucun centre de santé dans le périmètre communal. Il n'y a pas de service de radiologie, ni d'ophtalmologie et de laboratoire d'analyses. Pour faire une échographie il faut se rendre à Bouaké. De plus l'ambulance est tout le temps en panne. Il n'y a pas de Trésorerie sur place. Seul la Coopec est en voie de réouverture. Les locaux de la poste sont dans la broussaille à l'image des locaux de la préfecture et de la sous-préfecture. Le sous-préfet est obligé, en ce moment, de squatter les locaux de la mairie. Pour les communications, seuls trois opérateurs cellulaires facilitent la tâche. Mais, il y a toujours des perturbations de réseaux. Face a cette situation l'équipe de communication du maire Jean Louis Billon a pris attache avec les structures nationales éducatives. Une mission du ministère de l'éducation nationale est attendue pour se pencher sur le problème. En attendant la ville se déserte des ces fonctionnaires.

Allah Kouamé Envoyé spécial à Dabakala

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