vendredi 9 octobre 2009 par Le Temps

Au moment où les autorités ivoiriennes s`apprêtent à rendre publique la liste électorale que toute personne pourra consulter, l`on peut y constater des anomalies ou autres fantaisies. Ako Eloi, Magistrat, Sous-directeur de la Législation au ministère de la Justice et des Droits de l`Homme, explique tout.

Une fois des bizarreries constatées sur la liste électorale provisoire affichée par la Commission électorale indépendante (Cei), il faut bien y remédier. Pour ce faire, la loi (code électoral) donne aux personnes intéressées, des voies de recours qui sont aussi bien administratives (devant la Commission chargée des élections) que judiciaires (devant les tribunaux). C`est cette phase de saisine des organes compétents, en vue de rétablir dans l`ordre, ce qui mérite de l`être, qui est qualifiée de "contentieux". Il est relatif à l`inscription sur la liste électorale, le contentieux, c`est-à-dire ce qui est contesté, ou refusé, doit être analysé sous deux angles que sont le contentieux civil et le contentieux pénal. Le contentieux civil est règlementé par le code électoral -et le décret n°2008-136 du 14 avril 2008, fixant les modalités d`établissement de la nouvelle liste électorale-, et se caractérise par deux éléments fondamentaux.
Selon, le Magistrat Ako Eloi, Sous-directeur de la Législation au ministère de la Justice et des Droits de l`Homme, le contentieux ne peut s`ouvrir sans un recours, préalable, devant la Commission électorale indépendante(Cei), chargée des élections en Côte d`Ivoire. Ce principe résulte de l`article 16 alinéa 3 du, décret n°2008-136 du 14 avril 2008. Fixant les modalités d`établissement de la nouvelle liste électorale, qui dispose que "la réclamation devant la Cei est préalable à tout recours devant les juridictions compétentes". Ensuite, il se déroule "exclusivement" devant les juridictions de premier degré comme les Tribunaux de première instance et sections détachées de tribunaux. Cet autre principe résulte de l`article 12 alinéas 6, du code électoral, disposant que " ... Les décisions rendues par ces juridictions (tribunaux) ne sont susceptibles d`aucun recours.
Le contentieux judiciaire civil relatif à l`inscription sur la liste électorale se présente sous deux formes: les recours contre les décisions de la Cei en matière d`inscription ou de radiation; les recours suites aux constatations par la Cei, d`omissions ou irrégularités portant sur certains éléments d`identification de l`électeur.

Les décisions de la Cei qui peuvent être mises en cause

Aux termes de l`article 12 nouveau alinéa premier du code électoral, " tout électeur inscrit sur la liste de la circonscription peut réclamer l`inscription d`un individu omis, ou la radiation d`un individu indûment inscrit. Ce même droit peut être exercé par chacun des membres de la Commission chargée des élections. Les demandes émanant des tiers ne peuvent avoir pour objet, que des inscriptions ou des radiations éventuelles et doivent préciser le nom de chacun de ceux dont l`inscription ou la radiation est réclamée". Quels sont donc les différents types de décisions de la Cei en cette matière, qui peuvent être portés devant les Tribunaux ?
Ces types de décisions susceptibles de recours devant les juridictions sont celles rendues par la Cei. Mais qui n`ont pas donné satisfaction à une personne, à la suite d`une réclamation par elle adressée. Elles concernent aussi les individus qui, bien qu`ayant accompli les formalités d`enrôlement, sont curieusement absents de la liste électorale. Elles concernent également ceux qui ne remplissent pas les conditions pour figurer sur la liste électorale. Ces mêmes décisions touchent aussi des personnes qui ne méritent plus de figurer sur la liste électorale.

Les points à examiner par les juridictions

Le rôle du tribunal dans cette phase consistera donc à se prononcer sur le bien-fondé de la décision de la Cei. Pour ce faire, le tribunal aura à vérifier trois types d`éléments qui portent d`abord sur primo : la compétence. Il s`agit pour le tribunal saisi, de vérifier qu`il est compétent pour statuer sur la demande. Selon l`expert, seul, le Tribunal de Première instance ou la section détachée dans la circonscription électorale du lieu, où est affichée la liste électorale et qui porte la mention erronée, est compétent. Pour les Ivoiriens enrôlés hors du territoire national, la juridiction compétente est le Tribunal de Première instance d`Abidjan Plateau.
Ils portent secundo, sur la recevabilité de la demande. Ici, le requérant doit produire un document de la Cei, attestant l`accomplissement de cette formalité. C`est-à-dire, sa requête.
La Cei pour sa part, s`est engagée à transmettre à cette fin, le dossier du contentieux en double exemplaire au greffe de la juridiction saisie. Pour les décisions portant sur les demandes d`inscription d`individus omis, ou de radiation d`individus indûment inscrits, sont habilités à saisir le tribunal: tout électeur inscrit sur la liste de la circonscription électorale; les membres de la Cei. Il s`agit aussi bien des membres de la Commission centrale, que de ceux des Commissions départementales et locales et les tiers, c`est-à-dire, tout sachant. Pour les décisions relatives à la radiation de personnes décédées, ayant perdu la qualité d`électeur, ou dont la radiation a été ordonnée par décision de l`autorité compétente, tout électeur, quel qu`il soit, est habilité à saisir le tribunal. La seule condition pour saisir une juridiction, c`est que le demandeur doit, en principe, être majeur, c`est-à-dire avoir l`âge de 21 ans révolus. Mais le Code électoral ayant ramené la majorité électorale à 18 ans, est capable pour agir l`électeur intéressé âgé de 18 ans révolus. La requête est présentée par simple déclaration au greffe, donc devant les tribunaux, sans frais. L`article 12 nouveau alinéa 2 du code électoral dispose que: " Les omissions et irrégularités constatées par la Commission chargée des élections (Cei), en ce qui concerne la mention des nom, prénoms, sexe, profession, résidence ou domicile des électeurs, pourront faire l`objet d`un recours devant les juridictions de première instance sans frais, par simple déclaration au Greffe du Tribunal. Les décisions rendues par ces juridictions ne sont susceptibles d`aucun recours".
Qui ne peut être exercée par les personnes intéressées que dans les délais fixés par la Cei.
Les décisions de la Cei portent enfin, sur l`examen du bien-fondé de la demande. Sur ce point, le recours est exercé exclusivement contre les décisions de la Cei, ordonnant l`inscription d`un individu omis, ou la radiation d`un individu indûment inscrit sur la liste électorale. Aussi, pour apprécier le bien-fondé de la requête, l`examen du tribunal ne peut porter que sur des éléments précis qui diffèrent, suivant l`objet de la demande.
Le recours pour l`inscription d`individus omis ou la radiation d`individus indûment inscrits est justifié par l`article 3 alinéa 1 du Code électoral, portant sur plusieurs questions. En effet, cet article dispose: "sont électeurs les nationaux ivoiriens des deux sexes et les personnes ayant acquis la nationalité ivoirienne, soit par naturalisation soit par mariage, âgés de dix-huit ans accomplis, inscrits sur une liste électorale, jouissant de leurs droits civils et civiques et n`étant dans aucun des cas d`incapacité prévus par la loi". La question peut donc porter sur l``âge ; la nationalité. S`agissant d`un recours contre une décision de la Cei, qui aura refusé d`inscrire une personne omise ou de radier une personne qui serait indûment inscrite, en raison de la nationalité, le tribunal se contentera de vérifier l`apparence, au vu des pièces justificatives. Et sa décision ne saurait avoir autorité de la chose jugée, en matière de nationalité. En clair, la décision du Tribunal n`interviendra pas sur le fond. Quant à reconnaître ou contester la nationalité ivoirienne à un individu. Mais consistera plutôt à dire, au vu des éléments produits, si la Cei était fondée ou non, soit à inscrire ou refuser d`inscrire telle personne soit à radier ou refuser de radier telle personne. Le recours peut ainsi porter, aussi bien sur la nationalité elle-même, que sur les incapacités auxquelles sont soumis les naturalisés ivoiriens, conformément aux dispositions de l`article 43 du code de la nationalité. La question peut aussi porter sur les droits civils et civiques. Aux termes de l`article 66 du code pénal, "lorsqu`une personne est condamnée pour crime (obligatoire) ou délit (facultatif) le juge peut priver le condamné du droit: d`être nommé aux fonctions de juré, d`assesseur, d`expert ainsi qu`aux emplois de l`Administration et autres fonctions publiques; d`obtenir une autorisation de port d`arme; d`exercer des charges tutélaires, de porter des décorations, d`ouvrir une école et de façon générale, d`exercer toutes fonctions se rapportant à l`enseignement, a l`éducation ou à la garde des enfants. La privation peut porter sur l`ensemble ou sur partie desdits droits". Les cas d`incapacités ou d`indignité sont aussi prévus par l`article 4 du code électoral. Ses dispositions excluent les personnes condamnées à une peine d`emprisonnement, sans sursis pour vol, escroquerie, abus de confiance, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, corruption, trafic d`influence et attentat aux m?urs ; les faillis non réhabilités ; les individus en état de contumace ; les interdits judiciaires ; les individus auxquels les tribunaux interdisent les droits de vote et plus généralement, ceux pour lesquels les lois ont édicté cette interdiction.

Les éléments de l`article 10 du code électoral

L`article 10 du code électoral pose le principe selon lequel, nul ne peut être inscrit dans plus d`une circonscription électorale. Cet article proscrit également les inscriptions multiples sur des listes électorales de la même circonscription. En ce qui concerne les décisions relatives à la radiation des personnes décédées, soit le tribunal se prononce sur le refus de la Cei de faire droit à une demande de radiation de la personne décédée, soit il statue sur un recours contre la décision favorable de radiation de la personne, au motif qu`elle serait décédée. Pour les décisions relatives à la radiation de personnes ayant perdu la qualité d`électeur, le tribunal vérifiera la pertinence de la preuve, justifiant que les personnes en cause, ont perdu la qualité d`électeur. Quant aux décisions relatives aux personnes dont la radiation a été ordonnée par décision de l`autorité compétente, le tribunal vérifiera les preuves apportées par le requérant. Tout ce travail est fait dans un délai de huit (8) jours au tribunal, à compter de sa saisine pour statuer. Et ce, conformément à l`article 12 nouveau, du code électoral impartit dans son dernier alinéa. Il est à retenir de la forme, que la décision rendue par le Tribunal de première instance ou la section de tribunal, est un jugement. Ce tribunal statue en formation collégiale et la section de tribunal en juge unique.

Nécessité de constatations préalables de la Cei

Il s`agit de formalités qui doivent précéder la requête. Aux fins de réparation ou de rectification de l`omission ou de l`irrégularité. En effet, comme l`indique l`alinéa 2 de l`article 12, ce sont les omissions et irrégularités constatées par la Cei, qui peuvent être réparées ou rectifiées par la juridiction saisie. Ce constat doit être matérialisé par un procès-verbal ou une attestation délivrée par la même Cei. "Ici, il ne s`agit pas pour la Cei, de rendre une décision de réparation ou de rectification d`omission ou d`irrégularités. Mais plutôt de constater le fait signalé par l`intéressé", précise le magistrat. Ajoutant que la requête doit avoir pour objet unique, la réparation ou la rectification des omissions ou irrégularités constatées par la commission, sur les éléments énumérés de façon expresse à l`alinéa 2 de l`article 12, nouveau du Code électoral. Il s`agit notamment du nom ; les prénoms ; le sexe ; la profession ; la résidence ou le domicile. "Les erreurs ou omissions portant sur ces éléments peuvent être rectifiées ou réparées par la juridiction compétente, si elles sont avérées". Sans oublier les éléments essentiels non énumérés que sont : les dates et lieu de naissance de l'intéressé ; les noms et prénoms des père et mère de l`intéressé ; les dates et lieu de naissance des père et mère de l`intéressé. "Ces renseignements ne semblent pas avoir été pris en compte par l`alinéa 2 de l`article 12 nouveau. Alors même qu`ils font partie des éléments d`identification de l`électeur tels que prévus par l`article 7, nouveau du code électoral. En conséquence, les erreurs ou omissions les concernant peuvent être rectifiées où réparées par la juridiction compétente", à en croire le magistrat Ako Eloi.
Sur ce chapitre, les juridictions compétentes restent toujours, le Tribunal de Première Instance ou de la section détachée de la circonscription électorale concernée. Quant aux Ivoiriens enrôlés hors du territoire national, ils s`adresseront au Tribunal de Première Instance d`Abidjan Plateau. Les délais impartis à la juridiction pour statuer demeurent toujours les huit (8) jours, à compter de sa saisine pour rendre sa décision. La forme de la décision rendue par le tribunal de première instance ou la section de tribunal ne change pas. C`est un jugement. Quand le tribunal de première instance statue en formation collégiale et la section de tribunal en juge unique.

Le contentieux pénal

Le code électoral prévoit en son article 41 nouveau, une infraction qualifiée de délit d`inscription frauduleuse sur les listes électorales. Les éléments de ce délit sont ceux qui, lorsqu`ils sont réunis, permettent de dire que l`infraction est commise et conduisent à retenir la responsabilité pénale de celui qui participe à sa commission (auteur, complice ou coauteur). En la matière, le code électoral retient qu`il faut que la personne qui participe à l`infraction ait utilisé certains moyens comme l`utilisation de faux noms, de fausses qualités, de fausses déclarations, de faux certificats ; dissimulation d`une incapacité électorale. Et ensuite, qu`il ait atteint certains objectifs tels que : se faire inscrire sur une liste électorale; obtient une inscription sur plusieurs listes électorales ; faire inscrire ou rayer indûment un électeur d`une liste électorale.
Il est a noter aussi que la tentative est punissable. Il apparaît en conséquence, nécessaire d`établir " l`acte impliquant sans équivoque, l`intention irrévocable de son auteur de commettre l`infraction".

La répression

Comme répression, Ako Eloi, Magistrat, Sous-directeur de la Législation au ministère de la Justice et des Droits de l`Homme, informe que ce délit est puni des peines suivantes: 5 à 10 ans d`emprisonnement et 5000000 à 10000000 de Fcfa d`amende. Le sursis et les circonstances atténuantes ne sont pas applicables. En cas de récidive, les peines sont portées au double. Pour la mise en mouvement de l`action publique, les faits sont portés à la connaissance du Procureur de la République, par toute personne ayant annoncé publiquement sa décision d`être candidate et par la Cei. La seule procédure imposée en la matière par le code électoral, est celle du flagrant délit. Ici, la juridiction compétente est le Tribunal correctionnel qui statue en matière de flagrant délit.

Frimo K. Djipro
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