jeudi 8 octobre 2009 par Le Temps

Mao Glofiéi, le président des forces de résistance de l`ouest dit ses vérités après la visite de Ouattara dans la région montagneuse. Mais il parle aussi du processus de sortie de crise.

Pourquoi vous opposiez-vous à l`arrivée d`Alassane Ouattara dans le Moyen-Cavally ?

Tout a été dit dans l`actualité, et mon message continue de passer dans les médias ivoiriens. C`est donc un dossier que j`avais classé. Parce que j`ai lancé l`appel voulu par la population, dans un premier temps, en ma qualité de président du Conseil suprême de toute la chefferie du peuple Wê dans toute la Côte d`Ivoire. En plus, j`ai averti en ma qualité de président de toutes les forces de résistance de Côte d`Ivoire. J`ai parlé et j`ai averti. Mon souci en tant que président de la chefferie du peuple Wê, c`est de faire en sorte que tout se passe bien dans la région, comme cela s`est passé lorsqu`on était en guerre en ma qualité de général de toutes les forces. J`ai tout fait pour qu`il y ait la paix ici. J`ai tout fait pour qu`après la crise, il n`y ait pas de troubles susceptibles de transformer la Côte d`Ivoire en Rwanda. Parce que mes forces étaient les plus dangereuses de toutes les forces, et j`avais beaucoup d`armes. On a perdu beaucoup de parents au nord. Et mes combattants voulaient se venger. J`ai sensibilisé, j`ai expliqué, tout le monde a compris et personne n`a été touché. Au point d`être le parrain de toutes les mosquées de la région, précisément celles de Guiglo, chef-lieu de région. Si nous avons fait tout cela, c`est pour qu`il y ait la paix sociale.


C`est pourquoi, on a été surpris par cet accès de colère...
En tant que chef traditionnel, en tant que chef des résistants, notre mission, quand le peuple n`est pas content, quand les ex-combattants ne sont pas contents de quelque chose, nous avons le devoir de le signifier à la nation. Nous étions à une concertation sur la démobilisation, la réinsertion en passant par le démantèlement. Des jeunes sont venus de partout avec des chefs traditionnels qui ont dit que si Alassane Ouattara arrivait ici et qu`il repartait, les jeunes menaçaient de les démettre de leur fonction. Puis, des jeunes combattants ont exprimé leur désaccord sur l`arrivée de Ouattara dans le Moyen-Cavally. Je leur ai dit qu`on ne peut pas interdire qu`un parti politique s`exprime. Ils m`ont rétorqué qu`ils sont d`accord que l`ouest a payé le plus lourd tribut dans la guerre. Mais aucun délégué de ce parti n`est jamais venu apporter sa compassion au peuple de l`ouest. Ou encore, nous dire merci pour avoir été les premiers à désarmer en Côte d` Ivoire. C`est-à-dire débarrasser le terrain politique des armes pour permettre de parler librement. Sinon, si on était encore en arme, qui viendrait parler. Donc, les populations ne sont pas contentes


Mais qu`est-ce qui vous a fait reculer finalement ?

Il faut plutôt demander ce qui s`est passé. Moi, je n`ai pas reculé. Mao Glofiei ne recule jamais. Il n`y a pas plus puissant dans cette Côte d`Ivoire que moi. Aucun parti politique ne peut me faire reculer. Tentons l`expérience et vous verrez que certains seront interdits de battre campagne en Côte d`Ivoire. Je suis à la fois très dangereux et sympathique. Il faut donc plutôt chercher à savoir ce qui a fait que j`ai demandé aux populations de l`ouest de laisser Alassane travailler tranquillement. Et je l`ai laissé travailler parce que je soutiens les institutions de la république de Côte d`Ivoire. Nous sommes d`ailleurs en train de mettre en place un mouvement pour soutenir l`équilibre des institutions que nous défendions, hier. Mon devoir c`est donc d`informer le Rdr du danger qui venait. Et quand j`ai informé le Rdr, une délégation de ce parti conduite par Adama Toungara, à la demande d`Alassane Ouattara, est venue me rencontrer. Quand nous avons discuté, Adama Toungara qui est conseiller du président du Rdr et notre neveu, parce qu`originaire de Duékoué, a reconnu que ce que nous disons est vrai. Mais il a eu peur, sinon il serait venu présenter les condoléances à ses parents. Il en est de même pour la déléguée départementale du Rdr à Duékoué, Anne Ouloto, de Mme Bloadé et Sanogo Mamadou qui est d`ailleurs notre fils. Et ceux-là, qui ne sont jamais venus ici, se sont présentés en bloc, nous demander pardon. A partir du moment où on vous demande pardon, que faites-vous? Et au même moment, Charles Blé Goudé m`invite à Abidjan où il me demande d`apaiser la population afin qu`Alassane fasse sa tournée. De veiller à ce que chaque responsable de parti politique travaille sur tous les terrains. Quand on sait ce que représente Blé Goudé, même s`il est plus jeune que moi, je dois l`écouter. Et c`est grâce à lui que je suis allé faire la déclaration. Parce que quand tu soutiens les institutions de la république, il faut être en harmonie avec les partis politiques de Côte d`Ivoire. Sinon, personne ne m`a fait plier. Et personne ne peut me faire plier en Côte d`Ivoire.


A l`annonce de la formation de la nouvelle armée, il y a eu des levées de boucliers dans vos rangs. Vos hommes se sentiraient-ils floués ?

Ce que vous devez savoir, c`est que le Cci nous a appelés. Vous savez bien que le Cci est une création de l`accord politique de Ouagadougou. Mais voilà des messieurs qu`on a nommés à la tête de cette structure de commandement militaire et qui, extraordinairement, travaillent comme si c`étaient des gens préparés à cet effet. Le Col Kouakou Nicolas et tous ceux avec qui ils travaillent sont à féliciter à toutes les tribunes. Ils pensent réellement à la paix sociale. Lorsqu`à un moment donné, il y a eu des troubles à l`ouest, il a envoyé ses hommes pour avoir des informations fluides leur permettant de désamorcer les crises internes aux forces de résistances. Comme c`est la trouvaille de l'Accord politique de Ouaga, les politiques leur transmettent leurs desiderata. Et ils leur montrent leur chronogramme de travail. C`est d`ailleurs ce que disent les différents accords complémentaires, notamment l`accord 4 qu`ils sont venus nous dire. Et ils nous ont dit, comme vous êtes les premiers à comprendre, nous sommes venus vers vous pour qu`on en finisse. Il faut donc qu`on fasse un programme pour le démantèlement et le désarmement définitif. On a travaillé à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix à Yamoussoukro. On a donné une liste de 25000 personnes. Mais on nous a demandé de la réduire à 10000 noms. On nous a ensuite demandé de parler à nos hommes pour qu`ils rendent tout ce qui est militaire. Mais lorsqu`on leur a parlé, les parents nous ont demandé ce que l`Etat compte faire de mes hommes et moi. Puisque c`est cela en réalité la sortie de crise. En plus, l`accord 4 a décidé qu`on verse 500 mille aux combattants qu`en est il ? S`il y a l`argent, qu`on nous le donne, s`il n`y a en a pas qu`on nous le dise. Sinon, ce n`est pas bien.


Certains de vos hommes n`ont-ils pas reçu 500 mille Francs ?

Il y avait un budget qui avait été mis en place après Marcoussis. Et c`est le premier ministre Seydou Elimane Diarra qui a négocié avec la communauté internationale pour mettre ce budget en place. Ils avaient mis en place une structure qu`on appelait le Pnddr qui avait pris en compte 43000 forces rebelles. C`est lorsque en novembre 2004, ils ont refusé de désarmer que après enquête, Pierre Schori et Donwahi ayant constaté que, nous étions vraiment armés, ont décidé de nous prendre en compte dans le Ddr. Mais ils ont estimé qu`ils ne pouvaient prendre en compte que 2000 hommes, compte tenu de leur disponibilité budgétaire. On a discuté pendant trois mois, mais ils sont restés sur leur position. On a donc dû accepter les 2000 hommes. Dans la première opération qui a commencé avec le premier ministre Banny, on a servi 981 personnes qui ont eu chacune 500 mille Fcfa. Et ce, dans le cadre du Ddr qui est différent du Ddm. Donc dans le cadre du Ddr, il restait encore 1019 personnes à servir quand l`opération a été arrêtée, parce que la façon dont Banny gérait les choses n`était pas bien. On attendait donc que les choses soient mieux organisées pour achever l`opération, mais tout a été arrêté jusqu`à l`avènement de notre frère Soro. Donc ce que nous voulons savoir, c`est le cas des 1019 du Ddr. Nous ne sommes pas des gens seulement à démanteler. Nous sommes dans un premier temps dans le Ddr, comme toutes les autres structures, nous sommes à désarmer, à démobiliser et à réinsérer. En plus de cela, il y a les autres groupes d`autodéfense qui sont plus de 8000 qu`il faut démanteler et réinsérer. En clair, on n`est pas contre le travail du Cci, mais nous sommes en train de dire au Cci que la population n`est pas contente de la façon dont on nous traite. On n`est contre personne. On demande à rencontrer le Président Gbagbo et le Premier ministre puisque notre souhait c`est l`équilibre des institutions de la république.


Souhaiteriez-vous avoir des hommes dans la nouvelle armée et combien souhaiteriez-vous avoir ?

A ce propos, le ministre de la défense qui, répondant à une question d`un journaliste, avait dit que les milices n`étaient pas concernés, a suscité des mécontentements dans nos rangs. Je leur ai dit non. Puisqu`en réalité, l`accord de Ouagadougou ne parlait pas de nous. A Ougadougou, il s`agissait plutôt de faire en sorte que Gbagbo travaille tranquillement. Et l`accord a voulu qu`on prenne 5000 hommes chez les forces nouvelles dans la nouvelle armée. Et c`est ce qui est arrivé. L`accord ne dit pas que nous sommes dedans. Mais nous avons un Président de la république, tranquille dans sa peau, est chef suprême des armées, il est chargé de recruter des militaires. J`ai dit à mes hommes, ce sont des choses qui se négocient au lieu de faire des palabres. Ils m`ont compris. Je crois qu`il faut aider le président et le Premier ministre.


Mais vos hommes auront légitimement l`impression que vous occultez leurs intérêts ?

Nos hommes ne sont pas des incultes. Les forces de résistances ne sont pas des incultes. Les jeunes savent ce qu`ils font. Ils sont conscients que le pays a des problèmes. Mais leur colère aujourd`hui, c`est qu`il faut qu`on appelle leurs différents responsables pour leur expliquer les problèmes du pays afin qu`ils puissent proposer leurs solutions. Mais on ne m`a jamais associé. J`ai toujours interpellé ceux qui ont en main le suivi de l'Accord politique de Ouagadougou. Maintenant, on passe par le Cci pour dire : dites leur qu`ils seront démantelés. Nous estimons que ce n`est pas juste. Et c`est ce qui justifie le mécontentement de mes combattants. Et il ne s`agit pas de dix ou cent combattants, mais de plus de 10000 combattants. Et ça, ce n`est pas prudent ?

Entretien réalisé par Emmanuel Fofana

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