mardi 15 septembre 2009 par Le Patriote



Il sera, le 26 septembre au Stade d'Abengourou et le lendemain au Palais de la culture de Treichville. Pour deux concerts qu'il annonce déjà époustouflants. De passage à Abidjan, Tiken Jah Foly explique ici les motivations de ces deux shows. Ensuite, il jette un regard sur la situation sociopolitique du pays et appelle à la tenue de vraies élections démocratiques et transparentes en Côte d'Ivoire. C'est à ses yeux, la seule condition pour une paix durable dans le pays.

Le Patriote : Qu'est-ce qui motive ces deux sorties ?
Tiken Jah Fakoly : La sortie d'Abengourou obéît simplement au fait, que j'ai été contacté par des organisateurs de spectacles qui m'ont confié que j'y ai beaucoup de fans et que même le roi d'Abengourou est un de mes admirateurs. J'ai donc décidé d'aller faire ce concert. Cela dit, après avoir beaucoup presté au Parc des sports, il est temps que j'aille faire un tour au Palais de la Culture. Car, il y a des gens qui aiment ma musique et préféreraient me voir au Palais de la culture, plutôt qu'au Parc des sports. J'y serai à l'initiative de Canta Productions. Enfin, ces concerts sont une façon pour moi de souhaiter une bonne fête de ramadan à tous les musulmans.

L.P : Qu'allez-vous proposer concrètement au public ?
T.K.J : Ce sera deux grands concerts et, avec à la clé un autre répertoire de Tiken Jah Fakoly. Il est vrai que le public du Parc des sports m'a déjà vu plusieurs fois, mais je vous assure que celui du Palais de la Culture découvrira un nouveau Tiken Jah, qui a énormément évolué. En tout cas, je garantis à tous ceux qui effectueront le déplacement deux shows époustouflants.

LP : Votre prochain album, c'est pour quand exactement ?
T.K.J : C'est précisément pour septembre 2010. La semaine prochaine ( ndlr : cette semaine), je rentre en studio à Paris pour réaliser la maquette. Du 14 au 18 septembre, je vais enregistre 10 morceaux. J'en ai déjà composé 10. Sur les vingt chansons, on choisira quinze qui figureront sur l'album, qui s'intitulera Africa Revolution . Je vais travailler avec l'équipe qui a réalisé l'Africain .

LP : On vous sait éveilleur de conscience. Les élections auront bientôt lieu en Côte d'Ivoire. Et il semble que vous vous êtes engagé à inciter les gens à aller voter
T.K.J : Effectivement. Je vais d'ici peu exhorter les Ivoiriens à aller aux urnes, tout simplement parce que c'est le peuple qui a le pouvoir. Mais en Afrique, on a l'impression que le pouvoir appartient aux politiques. Mais c'est nous qui faisons d'eux ce qu'ils sont. Si Alassane Ouattara n'a pas de militants aujourd'hui, il sera malheureux. Si Gbagbo n'a pas de militants il sera malheureux, si Bédié n'a pas de militants il sera malheureux. La décision de faire d'Alassane un président, de faire de Bédié un président ou de reconduire Laurent Gbagbo au pouvoir, appartient au peuple ivoirien. Donc, il faut les amener à se rendre compte de cette réalité, cela est très important. Le jour où, le peuple est très important, c'est le jour même des élections. Ce jour là, tous les candidats donnent la latitude au peuple de décider de son sort. Va t-il être président ? Ne va t-il pas être président ? C'est à nous de décider. C'est le seul jour où on nous donne la parole, et il faudra qu'on s'exprime. Je vais solliciter les institutions en charge d'organiser les élections telle que la Commission électorale indépendante (CEI), certaines chancelleries occidentales mais également les organisations des Nations Unies notamment l'ONUCI, le PNUD pour que nous mobilisions les populations afin qu'elles sortent massivement le jour des élections, parce que, au risque de me répéter c'est ce seul jour où on leur donne la parole.

L.P : Justement, pensez-vous que l'élection présidentielle va réellement se tenir le 29 novembre prochain comme annoncé ?
T.J.F : On a tous intérêt que les élections se passent bien, on a tous intérêt que la mobilisation soit au top, pour que ces élections qui seront véritablement les premières élections démocratiques de ce pays, se déroulent bien. Cela dit, j'ai des doutes sur le délai. Selon certaines indiscrétions, tout ne semble pas prêt. Il y a encore des choses à régler. J'aimerais qu'on soit véritablement prêt pour que ces élections soient historiques. S'il faut repousser la date d'un ou deux mois, pour qu'on soit véritablement prêt, il faut le faire. Mais pas plus. En fait, je ne veux pas de fausses élections. Je veux des élections, libres, transparentes, avec une mobilisation totale. Depuis son indépendance, notre pays n'a jamais connu de vraies élections, démocratiques, libres et transparentes. Les gens arrivent au pouvoir, soit de façon concessionnelle, soit de façon calamiteuseJe souhaite que ces élections à venir soient historiques. Pour une fois, il faut qu'il y ait de vraies élections en Côte d'Ivoire.

L .P : Si l'échéance du 29 novembre n'est pas respectée, faudra t-il alors désespérer des élections en Côte d'Ivoire ?
T.J.F : S'il n'y avait pas de volonté manifeste d'aller aux élections on pouvait alors désespérer. Ces élections sont l'occasion pour les différents acteurs de la scène politique de démontrer leur amour pour la Côte d'Ivoire. Il ne sert à rien de dire à la télévision, j'aime mon pays, je suis un patriote et de tirer le processus électoral vers le bas. C'est dans les actes que cela doit se voir, et donc on doit tout faire pour que ces élections se passent bien et maintenant. Cela fait neuf ans qu'il n'ya pas eu d'élections. Depuis 2000, le mandat du président de la République n'a pas été renouvelé ? Il en est de même pour celui des députés, des maires, et des conseils généraux. Il est temps qu'on arrête cette anomalie. Il faut montrer le bon exemple à la nouvelle génération de politiciens qui arrive.

L.P. Si les élections ne se tiennent pas maintenant, la Côte d'Ivoire court-elle un risque ?
T.J.F : Si les élections ne se tiennent pas, la Côte d'Ivoire court des risques, des risques d'embrasement, de troubles. Il serait vraiment dommage que ces élections ne se tiennent pas le plus rapidement possible.

L.P : Pensez-vous que la guerre a changé la mentalité des gens ?
T.J.F : Oui. La guerre a considérablement changé la mentalité des gens. Quand je suis revenu de mon exil en 2007, c'était encore difficile, mais je crois que les choses ont évolué. Aujourd'hui partout où je passe, les gens sont agréables, accueillants. On ne voit aucune trace de haine. Cette guerre, que j'ai appelée guerre d'explication , a permis aux uns et autres de se rendre compte que nous étions tous des Ivoiriens.

LP : Vous étiez, il y a quelques mois, chez Dadis Camara l'actuel homme fort de la Guinée Conakry. On a l'impression aujourd'hui qu'il ne vous a pas écouté
T.J.F : Dadis, jusqu'à preuve du contraire, n'a pas encore annoncé qu'il sera candidat à la présidentielle en Guinée. Je préfère vous répondre le moment venu. Le Dadis que j'ai rencontré ne voulait pas être président. Vous savez l'Afrique est un continent hors-la-loi et c'est facile de copier les mauvais exemples, notamment la Mauritanie, ou encore le Niger. Dadis a dû peut-être cru que si cela est toléré en Mauritanie, au Niger, pourquoi ne serait-il pas le cas en Guinée. A partir du moment où, il ne s'est pas encore prononcé, je préfère attendre. C'est un de mes fans, il a beaucoup de respect pour moi, le moment venu, on en parlera.

L.P : Où en êtes-vous avec votre projet Un concert, une école ?
T.JF : Il continue, malgré les difficultés. Le 19 septembre prochain, je donne un concert à Anemass en France. Les recettes serviront à construire une école au Burkina Faso. La tournée que nous avons faite en mars ne nous a pas apporté grand-chose. En Guinée, on n'a pas eu assez d'argent bien que Dadis Camara ait acheté 7000 tickets pour l'armée. En Côte d'Ivoire, j'étais face à 20 000 personnes, mais seulement 3000 avaient acheté leur ticket. La sécurité a lâché, les gens ont sauté la clôture. Même pour une ?uvre humanitaire, ils sont sans pitié. C'est au Burkina Faso qu'on a été soutenu par les autorités. La présidence nous a aidés, le ministre de la Culture a mis un bus à notre disposition. Celui de la Jeunesse et des Sports nous a donnés le stade à un tarif réduit. C'est là-bas qu'on a eu un peu d'argent. Mais comme on avait des dettes en Guinée et en Côte d'Ivoire, pour la sono et la lumière, on a dû les rembourser avec cet argent. Le concert du 19 septembre va me permettre de construire une école dans la région de Worodara précisément dans le village de Nialé, au Burkina Faso. Aussi l'école de Biafra sera t-elle réhabilitée, le Pnud m' en a donné l'assurance. Pour la Guinée, je suis entrain de réfléchir si je sois faire un autre concert pour y honorer mes engagements. Rassurez-vous, le projet se poursuivra toute l'année 2009 parce que j'ai décidé d'apporter ma contribution à l'éducation en Afrique. L'école c'est la lumière, c'est elle qui va pousser les gens à réfléchir autrement sur ce continent et surtout à ne pas suivre aveuglement les hommes politiques.

L.P : Comment expliquez-vous, à propos, que les autorités africaines, surtout celles de Côte d'Ivoire, ne soient pas sensibles à un projet aussi noble ?
T.K.F : En Côte d'Ivoire, nous n'avons eu aucun signe des autorités. C'est peut-être parce que je n'ai pas la bonne couleur (rire).

L.P : Est-ce votre engagement qui dérange ?
T.K.F : Effectivement. C'est pourquoi je dis que je n'ai peut-être pas la bonne couleur. C'est dommage, mais ce ne sont pas des choses qui me font baisser les bras, je suis un guerrier. Je suis en mission pour l'Afrique, et l'éveil des consciences. Même si les dirigeants ne me soutiennent pas, je ne baisse pas pour autant les bras. Car je me bats toujours pour atteindre mes objectifs.

L.P : Quel regard jetez-vous les inondations en Afrique de l'Ouest, singulièrement au Burkina Faso ?
Le climat est perturbé. En 100 ans, nous avons fait plus de dégâts que nos ancêtres en plusieurs siècles. Et l'Afrique subira les pires conséquences, les scientifiques l'ont démontré. Il est temps que nos dirigeants prennent conscience que nous devons, en Afrique, préserver notre l'environnement. Et il faudrait qu'on essaye de donner un coup de main au Burkina Faso. Il faudrait une solidarité africaine, pour aider ce pays à traverser cette période difficile.
Par Y. Sangaré

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