jeudi 10 septembre 2009 par Le Temps

Certes, Houphouët-Boigny était parvenu à ce qu'il voulait. C'est-à-dire, l'acquisition d'un dossier conçu par une expertise locale, en l'occurrence sa Garde des Sceaux. Mais il fallait le rendre bien meilleur, l'entourer de toutes les précautions et faire en sorte qu'il ne présente aucune faille juridiquement attaquable, qui pourrait profiter à l'opposition. Cette touche personnelle ne tardera pas. Le grand jeu ! Le Président Houphouët-Boigny fait photocopier toutes les pièces. Curiosité des curiosités. Il prend les photocopies qu'il signe, laissant de côté les originaux qu'il classera top secret. Les photocopies quant à elles vont se retrouver, une poignée de jours plus tard, entre les mains de ses conseils juridiques français et suisses. Rémunérés à grands frais, ces juristes occidentaux ont pour tâche d'aseptiser tous les aspects litigieux qui éventuellement pourraient porter ombrage à la nationalisation la plus rondement menée du pays. Des indiscrétions vont jusqu'à dire que le dossier est arrivé au cabinet juridique en Suisse dans la deuxième semaine d'avril 1991, avec la mention suivante : " Ceci est la photocopie d'un document officiel dont j'ai refusé de signer l'original ". Pourquoi cela ? L'on n'en saura rien. C'est plus tard que la Garde des Sceaux saura que les documents signés par le Président de la République, en fait, ne sont pas les originaux mais il s'agit des photocopies. Dans le même temps, le Premier ministre Alassane Dramane Ouattara a pu se procurer, on ne sait aussi trop comment, les originaux de la demande de naturalisation sur lesquels il n'y avait pas de signature du chef de l'Etat. C'est-à-dire, des documents exploitables à souhait. Sacré pot ! Il réussira également dit-on, à contrefaire la signature officielle du Président de la République, Félix Houphouët-Boigny signature qu'il apposa au bas des originaux. L'imitation de la signature d'Houphouët-Boigny est si parfaite que les graphologues les plus outillés y ont perdu leur latin. Le tour était parfaitement joué, Alassane Dramane Ouattara était désormais Ivoirien au même titre que les " authentiques ", sans que le Président de la République n'ait pu intervenir directement. Le ''Vieux'' n'y vit que du feu. Aucun son discordant ne se fit entendre, tant le " Vieux " ne voulut désavouer son " oiseau rare ". Des années plus tard, on continue d'épiloguer sur le fait que le Président Houphouët-Boigny avait commis l'imprudence d'ouvrir son c?ur à un " homme venu d'ailleurs " fut-il Premier ministre qu'il connaissait à peine. A la direction du parti, le Pdci-Rda, on s'arrachait les cheveux à l'idée que ''le Vieux'' avait ouvert un boulevard d'accès aux documents d'Etat classés top secret à un " inconnu". Les pessimistes expliquent que cette confiance aveugle était à l'origine de bien d'infortunes que la Côte d'Ivoire va continuer de payer pour encore longtemps. S'étant rendu compte qu'elle n'avait pas pris suffisamment de précautions pour baliser le terrain, ce qui aurait permis d'éviter que la signature du Président de la République soit falsifiée, ''l'imprudente'' Garde des Sceaux, ministre de la Justice tente de se ressaisir. Certes, M. Ouattara est son patron en tant que Premier ministre, Mme Oble Lohoues pouvait se dire que les fameux documents devaient transiter par elle en tant que Gardes des Sceaux, comme cela a pu se faire avant leur arrivée sur le bureau du président de la République. Elle était convaincue que le Président qui était d'une finesse dans la collaboration avec ses ministres n'irait pas jusqu'à occulter le fait que sa ministre de la Justice soit consultée en dernier ressort sur un tel dossier délicat qui plus est porte sur la naturalisation de son Premier ministre.
On raconte que plusieurs fois elle sera reçue par son patron pour tirer cette affaire au clair, plusieurs fois elle a essuyé des échecs, le Premier ministre usant toujours d'artifices pour se débarrasser poliment de sa ministre de la Justice. Celle-ci abandonnera à force d'être tournée en bourrique. La faute, si faute il y a, est déjà commise et elle se devait de gober à jamais cette réalité.

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