mardi 8 septembre 2009 par Le Quotidien

La Commission électorale indépendante (CEI) est au pied du mur. C'est à elle qu'incombe l'organisation de l'élection présidentielle. Son rôle pour le retour à la paix est donc immense. Pour cette raison, elle doit se montrer à la hauteur de l'espoir que le peuple de Côte d'Ivoire a placé en elle. Pour réussir, la structure dirigée par Beugré Mambé ne peut faire l'économie du désarmement avant les élections.

Afin de contribuer à rétablir la sécurité des personnes et des biens sur l'ensemble du territoire national, le gouvernement de réconciliation nationale organisera le regroupement des forces en présence puis leur désarmement. Il s 'assurera qu'aucun mercenaire ne séjourne plus sur le territoire national. L'article 9 de l'Accord de Linas-Marcoussis (Annexes), issu de la table ronde qui s'est tenue le 16 janvier 2003, a posé le désarmement des forces antagonistes de la crise ivoirienne, comme un des points clés de sa résolution. Tous les autres accords qui ont été signés après celui du centre de rugby français, auxquels il faut ajouter le compromis politique de Ouagadougou, qui a fait naître des espoirs réels quant au retour de la paix définitive, ont également fait état du désarmement des forces en présence. Aussi, est-il stipulé clairement dans l'Accord d'Accra II que la table ronde réaffirme la nécessité de préserver l'intégrité territoriale de la Côte d'Ivoire, le respect des institutions et la restauration de l'autorité de l'Etat. Quant à l'Accord d'Accra III, il va plus loin pour dire que les parties se sont engagées à commencer le DDR au plus tard le 15 du mois d'octobre 2004, le processus sera conduit sur la base d'un calendrier spécifique en conformité avec les dispositions pertinentes de l'Accord de Linas-Marcoussis et les décisions adoptées à cet effet à Grand-Bassam et à Yamoussoukro. Celui signé le 6 avril 2005 à Pretoria souligne qu'il a été convenu que les chefs d'état-major des Forces armées nationales de Côte de Côte d'Ivoire (FANCI) et des Forces armées des Forces nouvelles (FAFN) se rencontrent immédiatement en vue de s'assurer de la lise en ?uvre du Plan national de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (PNDDR) Pour ce faire, un chronogramme a même été établi. Mais les choses sur cette question cruciale n'ont pas bougé. Jusque-là. De fait, le désarmement, depuis les multiples tentatives de règlement de la crise ivoirienne, est devenu une sorte de fétiche auquel il ne faut pas toucher. Chaque fois qu'il a été évoqué, l'on a assisté à une poussée d'urticaire chez ceux qui n'ont jamais accepté que la Côte d'Ivoire retrouve une situation normale qui sonne la fin des privilèges acquis indument sur les souffrances des Ivoiriens. On se souvient que quelques semaines après que la président de la République avait signé le décret appelant les Ivoiriens aux urnes le 29 novembre 2009, des délégués des Forces nouvelles avaient appelé le Premier ministre et secrétaire général de ce mouvement à démissionner pour protester, avaient-ils dit, contre les attaques répétées contre Guillaume Soro. Le Premier ministre était, selon eux, l'objet d'attaques injustifiées de la part du Front populaire ivoirien (FPI). Par la suite, Sékongo Félicien, conseiller du secrétaire général des Forces nouvelles, n'avait pas fait de mystère sur la question cruciale de la cession de l'autorité des fameux commandants de zones aux préfets. Il s'était dit fermement opposé à cela. Et avait même indiqué que les Forces nouvelles ne déposeront les armes que dans les mains du nouveau président qui sera élu à la suite du scrutin du 29 novembre 2009. Une position pour le moins maximaliste qui n'avait pas manqué d'inquiéter tous ceux qui ?uvrent au retour de la paix en Côte d'Ivoire. Mais sur la question, le Premier ministre s'était voulu rassurant au sortir d'un conseil des ministres. Le chef du gouvernement ivoirien avait indiqué à l'occasion que le processus concernant le dépôt des armes par les éléments des Forces nouvelles avait démarré et qu'il atteindrait sa vitesse de croisière en très peu de temps. Mais la réalité est autre aujourd'hui. Malgré les progrès réels qui ont été enregistrés par rapport au retour de la paix, les hommes de Soro Guillaume demeurent toujours en armes. S'agrippant à la question des grades, certains d'entre eux affirment nettement qu'ils ne peuvent se défaire de leur arsenal qui représente pour eux un moyen de pression et/ou de chantage. Pendant ce temps, la Commission électorale indépendante (CEI) observe un mutisme coupable sur une question qui fait partie intégrante de l'Accord politique de Ouagadougou (APO). Toutes choses qui ne sont pas sans susciter de réelles inquiétudes quant la sincérité du vote du 29 novembre 2009. Est-il possible, alors que tout le monde est d'accord pour dire que la présidentielle prochaine est importante en ce qu'elle ouvrira grandement les portes de la paix, que les populations vivant dans les zones dites CNO puissent exprimer leurs suffrages le pistolet sur la tempe ? N'y a-t-il pas de crainte que ceux qu'on appelle aujourd'hui de manière pudique les ex-rebelles prennent en otage les votes des populations de ces zones, du fait de la crainte qu'ils inspirent par la force de leurs armes ? Cela est indéniable, c'est pourquoi il urge d'interpeller Beugré Mambé, le président de la CEI, sur sa responsabilité historique quant à un blocage du processus électoral. Le président de la République a joué sa partition pour que le vote ait lieu. En tout état de cause, de tous les candidats, il est celui qui est le plus pressé pour que l'élection se tienne. La guerre ne lui a pas permis de dérouler tout son programme de gouvernement, malgré les succès évidents de ses actions politiques en faveur des populations ivoiriennes. Il lui faut un nouveau mandat pour parachever ce qu'il a entrepris. C'est le sens des concessions les plus inimaginables qu'il a faites pour que la paix revienne. On ne peut le soupçonner aujourd'hui de retarder le scrutin présidentiel, alors que tous les sondages réalisés le donnent gagnant. Chaque acteur du processus politique ivoirien doit alors jouer sa partition pour l'organisation des élections. Dans ce processus, le désarmement ne doit pas être occulté. En aucune façon.

Charles Coulibaly
Journaliste-consultant

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