Discours pour le moins étrange au Rhdp. Dans ce club cosmopolite et très fermé des houphouétistes amusants, les propos de repositionnement font souvent sourire. Passe encore que Mabri Toikeusse présente comme seul programme de gouvernement, l'enterrement de feu Guéi Robert. On peut également se contenter de faire un rictus quand le bout-en-train Anaky ne rêve que de candidature unique. Mais on est vraiment déconcerté en entendant Bédié et Ouattara. Le premier se plaint très souvent de la refondation. Ce qui est du reste légitime. Il a une idée du pouvoir et depuis 1999, il sait ce que c'est que l'opposition. En revanche, le contenu de son discours intrigue : " ce sont des incompétents, des imbéciles heureux " a-t-il l'habitude de marteler. Des propos renchéris par ses caisses de résonnance. Konan Kouassi Bertin ou encore Venance Konan avec plus de morgue. Mais ni le président du Pdci, lui-même, ni ses ouailles ne disent jamais ce qu'il vaut. Peut être par stratégie. Il est tout de même surprenant que quelqu'un qui négocie le suffrage des électeurs dans un environnement ultra concurrentiel rechigne à décliner ses atouts. Surtout que ces atouts devraient contribuer à faire pâlir les adversaires. En plus, ses marabouts en communication n'auraient pas à solliciter leur imagination. Bédié ayant déjà eu sept ans de pouvoir pour faire ses preuves. Mais chez les " vieux ", on préfère se contenter de revendiquer l'héritage d'Houphouët, sans grand frais. Au risque d'éclipser l'image du promu. Au Rdr, c'est le même tempo. Quand on doute de la nationalité de leur champion, ils n'osent même pas le nier. Ils préfèrent trouver des pays d'origine aux autres candidats, avec à la clé, un récit sulfureux s'achèvant toujours par le fameux : " tout le monde est étranger en Côte d'ivoire ". Argument massue des théoriciens et génies républicains. Rappelez-leur donc les graves violations des droits de l'homme constaté sous l'ère Ouattara avec l'invasion de l'ancienne cité universitaire de Yopougon toit rouge par les militaires, ils répondront sans sourciller que Gbagbo est l'auteur du charnier de Yopougon. Au Rhdp, on claironne plus facilement que le régime des enseignants est nul. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, les têtes pensantes de cette nébuleuse n'ont jamais pu dire ce qu'a apporté la succession des technocrates issus de leur rang, au chevet de la Côte d' Ivoire. Pourtant, à coup sûr, cela permettrait de juguler, les mauvais scores enregistrés à chaque sondage. Où alors Ouattara, Bédié et leurs laudateurs malhabiles savent qu'ils ne valent pas un pet. La stratégie consisterait donc à tirer tout le monde vers le bas. Dans une sorte de nivellement des compétences pour orienter le débat politique sur un terrain moins objectif. Le tribalisme, par exemple. Un terrain sur lequel ils se sentent beaucoup plus à l'aise. Se sentant malmenés ailleurs. Aussi les surprend-on souvent à compter les populations de leur tribu d'origine pour déclarer leur popularité. " Les malinké représentent 41% de la population ivoirienne, nous avons donc la majorité sociologique. " ; " On ne veut pas que je sois candidat parce que je suis du Nord ". Parole forte d'un Ouattara que tous les sondages font mentir et chuter. En tout cas, dans les discours sur la tribu majoritaire, ils sont sûrs de ne pas être pris à défaut. Ils n'ont pas besoin de se montrer particulièrement intelligent et ils n'auront pas à bafouiller sur leurs bilans calamiteux, lors de leurs passages à la tête du pays. Il faut avouer que c'est très malin. Mais tout de même désespéré.
Emmanuel Fofana