jeudi 20 août 2009 par Le Temps

Au commencement était donc une préparation des esprits et des consciences à cette guerre que livre la France à notre Pays. En dehors des moyens médiatiques audio-visuels déployés par le pouvoir politique français actuel, une production littéraire, aussi française, a conduit et soutenu cette préparation à la guerre. Ainsi cette production littéraire de combat a-t-elle procédé à la diabolisation des Institutions de la deuxième République de Côte d'Ivoire et de ceux qui l'incarnent, les faisant passer aux yeux de la communauté internationale pour des hommes et des femmes dangereux qui manipulent des concepts exclusionnistes et ethniques. Je ne reviendrai pas sur les différents aspects de cette diabolisation qui sont connus de tous les Ivoiriens. Une diabolisation que les Ivoiriennes et les Ivoiriens ont subie comme une humiliation et une atteinte portée à leur honneur et à leur dignité. Une diabolisation qui déstructure les fondements de ce en quoi ils croient : l'hospitalité et la fraternité entre les peuples, eux qui ont reçu sur leur sol plus de 26% de non nationaux d'origines africaine et non-africaine, qui y ont trouvé un havre de paix. Havre de paix que ces frères et ces s?urs, venus d'ailleurs, n'ont jamais voulu quitter, même au pire moment de cette crise. Aucun pays, aucune nation au monde, ne peut afficher un tel taux d'immigration qui, jusqu'à ce que des gens estiment l'heure venue pour diluer la nationalité ivoirienne dans le but de pérenniser leurs intérêts, n'a jamais constitué un problème pour les nationaux.
Je voudrais, pour étayer cette hypothèse de la diabolisation, proposer aux ivoiriens des morceaux choisis tirés d'un livre qu'un ami français, et pas n'importe qui, m'a dédicacé, le 28 avril 2003, lors d'un voyage que j'ai effectué à Paris. Que l'on me comprenne bien : mon intention n'est pas de faire la publicité de ce livre. Il s'est imposé à moi comme une nécessité de mettre à la connaissance de mes compatriotes, certains aspects qui y sont contenus, pour les amener à comprendre les fondements de la guerre qui est faite à notre pays, et surtout la longue procédure qui a conduit à cette crise que nous vivons. Ce livre que je conseille donc aux Ivoiriens, a pour titre : "De la mauvaise conscience en général et de l'Afrique en particulier". (1)
Les passages que je propose dans cette contribution révèlent la complexité du combat que nous menons pour notre libération. Car en face, les méthodes utilisées, défient et injurient la raison, seul paramètre qui rend compte de notre humanité.
Voici donc ces passages !
Que les Ivoiriens qui ont un sens de l'humour très poussé, et qui rient de tout, comme ce philosophe grec, Démocrite, s'en inspirent pour trouver des expressions de dérision qui atténueraient nos maux !
Au chapitre du prologue, intitulé "Le rêve calciné d'Houphouët-Boigny", il est écrit ceci :
"Les légendes meurent aussi. Celle de la Côte d'Ivoire, vitrine de l'Afrique, n'aura pas résisté deux ans à Laurent Gbagbo. Déjà ébranlé par la chute des cours du cacao dont il est le premier producteur mondial, cet ancien fleuron de l'Afrique occidentale française a vu, en quelques mois, se déliter l'héritage de son premier président, Félix Houphouët-Boigny (disparu en 1993) : celui d'un Etat unitaire (faisons la mise au point suivante pour information : la Côte d'Ivoire n'a jamais été un Etat fédéral ou confédéral, et sous le régime des refondateurs du Président Gbagbo, l'économie ivoirienne est passée d'une situation de récession, héritée des gouvernements précédents, de -2,3% de croissance à +3% en deux ans, soit un bond positif en valeur absolue de plus de 5% de croissance) qu'il avait su protéger, trois décennies durant, de la malédiction du racisme - entre Blancs et Noirs, mais aussi et surtout entre ethnies locales et ressortissants des pays voisins, venus concourir, par leur travail, au miracle économique des années soixante et soixante-dix". (Nous ne pouvons pas en dire autrement des italiens, des portugais, des magrébins, et des africains au sud du Sahara qui ont participé à leur manière, par leur travail et leur sacrifice, y compris le sacrifice de leur vie, au développement et au rayonnement de la France).
"Avec ''l'ivoirité'' pour tout programme écrit-il, Laurent Gbagbo, élu en 2000 après avoir obtenu l'élimination de son principal concurrent, Alassane Ouattara, pour cause ''d'Ivoirité douteuse'', a transformé son pays en un champ de ruines, immolant le rêve de paix d'Houphouët sur l'autel d'une post-modernité meurtrière".
"Gbagbo a raté sa présidence, affirme-t-il. Bien élu ou mal élu, peu importe, mais il a raté. Son pari de l'Ivoirité s'est révélé un échec sanglant. Il a semé l'ethnicisme. Il a récolté le racisme, la guerre civile et l'invasion".
"Gbagbo a fait ce qu'aucun régime n'a osé faire depuis Vichy : exclure des fonctions d'Etat et pénaliser dans l'exercice de leur citoyenneté des Ivoiriens qui avaient pour seul tort de ne pas appartenir à son ethnie. Là-dessus, la rébellion allait l'emporter et la France est intervenue". (Rappelons que la rébellion a été extirpée d'Abidjan dès le 19 septembre 2002 par les Forces armées nationales, pendant que le Président Gbagbo était en Italie ; par deux fois, elle a été mise hors de combat à Bouaké, et par autant de fois l'Armée française, prétextant l'évacuation des ressortissants occidentaux et la destruction, à Bouaké, d'un campement du contingent français de la Licorne au cours de l'opération Dignité, l'a réinstallée dans cette ville du centre qui deviendra sa base).
"Quand les opposants irakiens, s'indigne-t-il, prennent des armes pour combattre leur gouvernement depuis l'étranger, les gouvernements occidentaux les subventionnent et les arment. Mais quand des opposants s'insurgent, en Côte d'Ivoire même, contre un gouvernement qui prône ouvertement la xénophobie, pas un de nos ''droits-de-l'hommisme'' ne cite le plus bel article de la Déclaration des droits de l'homme qui fonde la résistance à l'oppression !..."
L'auteur de ces passages, le Professeur Bernard Debré, poursuivant dans son analyse, annonce ce qui a toujours été la volonté de la classe politique française de droite, faire de la Côte d'Ivoire le Kosovo de l'Afrique, en plus de l'humiliation qu'elle fera subir à son Peuple.
"Pour la Côte d'Ivoire, dit-il, comme pour le reste de l'Afrique, nous aurons l'occasion de le redire, il n'y a pas d'autre solution que d'absorber dans une démocratie unitaire, et à l'intérieur de frontières qui sont ce qu'elles sont, mais qu'il serait criminel de remettre en cause toutes les populations présentes, quelle que soit leur origine".
Il enfoncera le clou en affirmant que :
"La logique profonde d'Houphouët-Boigny, c'était d'ouvrir la Côte d'Ivoire, de traiter chaque ethnie sur un pied d'égalité, bref, de constituer un Etat africain moderne fondé sur l'abjuration des vieux démons tribaux Vous avez raison de parler de l'impéritie de ses successeurs car ce n'est pas seulement Gbagbo qui a donné le signal de l'ethnicisme : c'est Konan Bédié, qui avait pourtant la confiance d'Houphouët, et qui, pour éloigner du pouvoir l'opposant Ouattara, trop panafricain à son goût - il avait une carte d'identité voltaïque - a allumé la mèche de la régression tribale, conclut-il. (1)
Devant la gravité de tels propos, c'est avec beaucoup d'insistance mêlée de respect que je me sens dans l'obligation d'interpeller tous les acteurs politiques nationaux qui ont été, d'une manière ou d'une autre, collaborateurs et/ou proches du Président Houphouët-Boigny, pour qu'ils parlent ou écrivent. Chers aînés ! Votre honneur puisse en souffrir, vous êtes moralement et patriotiquement condamnés à le faire afin que les Ivoiriens et les Ivoiriennes sachent la vérité sur les choix politiques et comprennent la philosophie politique du Président Houphouët-Boigny. Cette jeunesse patriotique vous en saura infiniment gré et vous sera éternellement reconnaissante. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l'histoire ! De la guerre que nous subissons depuis 2002, nous sortirons vainqueur, car nous ne pouvons pas la perdre ! Alors mettons-nous ensemble à rassembler le puzzle pour l'écriture de notre histoire !
Oui ! Parce que même si Houphouët-Boigny l'avait voulu et avait, de ce fait, pris des décrets à cet effet, au dire de certains de ses anciens collaborateurs que j'admire pour leur engagement dans ce combat de l'honneur de ce pays pour le développement duquel ils ont consacré leur jeunesse, au lieu de se perdre dans le luxe et la facilité des organismes internationaux comme l'ont fait certains ressortissants de la sous-région, il a fini par annuler son projet de dilution de la nationalité ivoirienne par l'institution de la double nationalité au bénéfice des ressortissants ouest-africains, le peuple souverain de Côte d'Ivoire ne l'ayant pas suivi dans cette voie. D'ailleurs, je soupçonne la France et Foccart d'avoir suggéré ce projet au Président Houphouët pour des raisons que nous pouvons comprendre aisément, aujourd'hui
Le Président Houphouët parti, la France veut, à coup de canon, réinstaurer la double nationalité au bénéfice des étrangers qui seront naturellement prêts à lui céder la Côte d'Ivoire au franc symbolique. Les hommes passent, la Nation et le peuple demeurent. Et c'est cette Nation et ce peuple qui refusent aujourd'hui, comme ils l'ont fait hier, que la droite française réussisse ce qu'elle n'a pas pu obtenir hier du peuple de Côte d'Ivoire avec l'aide d'Houphouët-Boigny. Le Président Houphouët-Boigny, lui, ne pouvait rien leur refuser, cerné qu'il était de toute part, et dramatiquement affaibli par des rapports de forces qui ne lui étaient pas favorables. (A suivre)

Pr Gnagne Yadou Maurice
*Agrégé de Médecine
Directeur Stratégie et Communication Fpi
Ddc Dabou-Sikensi

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