mardi 18 août 2009 par Le Temps

Le directeur des Ressources humaines de l'Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny (Inphb) de Yamoussoukro, Dr Ahondjo Mathieu, fustige dans cet entretien, les déclarations du président français, non sans porter un regard critique sur la tenue de la présidentielle prochaine en Côte d'Ivoire.

Récemment, un sondage a donné le candidat du camp présidentiel populaire, et donc en passe d'être élu au scrutin prochain. Comment aviez-vous perçu ce sondage ?
Les commentaires dont fait l'opposition de ce sondage, témoignent que ces gens ne savent pas que la politique est liée au sondage. Ils tombent dans la négation. Le sondage a été réalisé sans contrainte par ceux-là mêmes qui nous combattent. Et le résultat est là plausible. Que veut encore l'opposition ? La victoire de Gbagbo est sans ambiguïté. Que ceux qui dorment se réveillent. L'opposition constate avec étonnement sa défaite. C'est tout. Elle pleure sur son sort. Puisqu'il n'y a plus rien à craindre. Le sondage est pour moi, un début important de victoire. Ce sont des pesanteurs à ne pas négliger. Le sondage de Sofrès ne trompe pas.

Que pensez-vous des déclarations du Président français à l'endroit de Laurent Gbagbo ?
Voilà quelqu'un qui s'immisce dans les affaires intérieures d'un Etat. La Côte d'Ivoire est un Etat indépendant. Et comme tel, la Côte d'Ivoire est un pays souverain qui n'a pas de compte à rendre à quelqu'un. Donc, qu'un chef d'Etat homologue d'un autre pays puisse tenir des propos aussi désobligeants, je trouve ça scandaleux. Je pense que c'est un manque d'intelligence. Sarkozy pense que nous sommes encore à l'époque coloniale. Gbagbo n'a pas de leçons à recevoir de qui que ce soit. En tous cas, pour ces leçons-là, ma réaction est une réaction d'amertume. Je considère comme je l'ai dit tantôt, que cette réaction de Sarkozy est malvenue.

D'aucuns disent que les autorités françaises usent de leur position au Conseil de Sécurité de l'Onu pour agir ainsi
On ne doit pas coller sa réaction à sa position devant le Conseil de Sécurité. C'est une question de souveraineté. Chaque pays indépendant est souverain. On ne peut pas utiliser ce chapeau de puissance pour écraser les autres. C'est inadmissible et inacceptable. Nous jouissons des privilèges que nous confère notre souveraineté. En tant que tel, devant le Conseil de Sécurité, tous les Etats enregistrés sont souverains. Nous avons aussi droit à la vie. Au même tire qu'eux. Notre Président est leur homologue, et pas leur subalterne. La Côte d'Ivoire est un Etat indépendant. Et doit fonctionner selon les principes qui régissent l'ordre international et non sur des principes de colonisés.

Si vous aviez à donner un conseil au Président de la République, dans ce cas de figure, que diriez-vous ?
Je demanderai tout simplement au président Laurent Gbagbo de ne pas répondre. Qu'il traite cette réaction avec mépris. Il faut qu'il montre à Sarkozy que lui Gbagbo, il est au-dessus de lui. Et qu'il n'est pas un président voyou. C'est un Président voyou qui peut répondre à un président voyou. Le Président de la République n'a même pas à s'occuper des propos qui sortent de la bouche d'un président qui ne sait quoi dire. Qui feint de connaître les réalités ivoiriennes. De surcroît, un Président d'une puissance. Qu'il nous laisse tranquille, s'il n'a rien à proposer de positif dans le processus de sortie de crise. Nous n'allons pas nous éterniser dans cette crise. Un jour ou l'autre, nous y sortirons et sans lui. Déjà, les preuves sont là. Marcoussis nous a apporté quoi de plus concret. Si ce n'est de tourner les ivoiriens en bourriques. Que le chef de l'Etat garde donc son calme. Et que nous autres, donnions une réplique à Sarkozy. Gbagbo a mieux et plus à faire. Les élections approchent à grands pas. Qu'il se consacre à cela au risque de se détourner de l'essentiel.

Justement, la présidentielle est prévue pour le 29 novembre prochain. Croyez-vous au respect de cette date ?
Je vous rappelle et vous le saviez mieux que moi, que ces élections auraient pu avoir lieu depuis 2005. Mais compte tenu de ce que vous savez, elles n'ont pas eu lieu. Si des personnes de mauvaises intentions n'avaient pas mis les bâtons dans les roues du pays et du chef de l'Etat, tout serait fait à l'époque. L'enrôlement et l'identification de la population ainsi que le croissement des données si tout cela aboutit, il n'y a plus de raisons que les élections n'aient pas lieu. A la date annoncée. Gbagbo le dit, parce qu'il sait que tout sera prêt, en ce moment. Les ivoiriens eux-mêmes le savent. Les sceptiques doivent changer de position. Car, les élections auront lieu cette année pour faire taire les bavards politiques. Qui à chaque sortie, promettent des milliards aux populations. Tout cela doit finir. Gbagbo et le Fpi seront confortés dans leur fauteuil et plus besoin de gouvernement "n'zassa".

Mais le désarmement tarde à être effectif
Là, je pense que le Centre de Commandement intégré (Cci) a son travail à faire. Il doit être vite fonctionnel. Car c'est l'ossature même de l'armée nouvelle. Il doit faire en sorte qu'on n'aille pas aux élections tandis que l'adversaire est armé. C'est impossible. Donc, qu'il fasse en sorte que le désarmement ait lieu le plutôt possible. Et il aura lieu le plutôt possible. Pour ne pas qu'on accuse Gbagbo de retarder les élections. Et d'ailleurs que gagnera Gbagbo ? Je suis convaincu que les élections auront lieu le 29 novembre. Le principe de la restauration de l'autorité de l'Etat est acquis, ainsi que celui du désarmement des ex-rebelles. Rien ne doit bloquer l'effectivité de ces principes. Nous avons besoin d'un pays réunifié avec tous ses fils. Trop c'est trop. Nous avons beaucoup perdu pendant cette crise. Il urge d'amorcer inéluctablement le chemin du développement. Nous devons aller aux élections sans qu'une arme ne soit planquée sur la tempe de qui que ce soit.

Le ministre ivoirien de la Défense, Michel Amani N'Guessan a prévenu récemment et craint que le syndrome de la Somalie ne gagne la Côte d'Ivoire. Vu certainement des positions tranchées et la précipitation avec laquelle nous voulons organiser les élections ?
Je ne crois pas qu'un jour, on n'en arrive au cas de la Somalie. Nous sommes quand même un Etat civilisé. Les crises sont des incidents de parcours. Et chaque Etat se doit de les surmonter, s'il aspire à être une nation forte. Les réalités en Somalie sont loin d'être celles de la Côte d'ivoire. Il faut juger les choses selon les contextes. Ici en Côte d'Ivoire, des mains occultes nous ont précipités dans une crise. Aujourd'hui, chacun de nous regrette d'avoir fait la guerre. Je dis que la Côte d'Ivoire sortira la tête haute de sa crise. La "somalisation" n'aura pas lieu en Côte d'ivoire. Et j'en suis convaincu.

Nous sommes à l'étape des croisements des données. Alors que des langues se délient sur la fiabilité des résultats escomptés, vu des non Ivoiriens qui se sont faits enrôlés.
Je pense que toutes les structures qui ont été désignées pour faire le travail ont la qualification requise. Et partant de là, je leur fais toujours confiance. Je suis optimiste. Ces croisements informatiques des données permettront de voir clair dans ce qui s'est passé. Et tout le monde sera témoin de ce qui s'est réalisé par ces structures. S'il y a eu fraude, on le saura tous. Ou si le nombre de personnes enrôlées peut permettre la tenue des élections, on le saura également. Je crois qu'il n'y a pas lieu de s'alarmer. Dès lors que toutes les formations politiques ont pris part à l'opération. Si les choses ne vont pas dans le sens voulu, je pense que le peuple est là pour réagir. En mettant hors d'état de nuire, tous ceux qui auront fraudé. Nous voulons des élections libres et non entachées d'irrégularité par la faute de ceux qui pensent que nos frères de l'espace Cedeao peuvent voter librement. Les ivoiriens viennent de traverser une crise. Je pense qu'aucun vrai ivoirien n'est encore prêt à connaître une autre crise. Soyons suffisamment sereins et faisons confiance à ceux qui ont la charge de réaliser le travail. Pour nous conduire à des élections.

Des blocages techniques existent toujours. Notamment dans les ex- zones rebelles. L'Accord politique de Ouagadougou (Apo) peut-il vraiment nous apporter la paix ?
C'est déjà un pas de fait. Contrairement à Marcoussis, l'Apo est bien parti pour résoudre le problème de la Côte d'Ivoire. Cela, est d'autant plus possible, que nous avons demandé que désormais, les problèmes de l'Afrique se résolvent entre les Africains eux-mêmes. Aujourd'hui, le maître du jeu est tout près de nous, Blaise Compaoré, le Président burkinabé. Il joue pleinement sa partition. C'est pourquoi, je crois que le président Gbagbo, Bédié, Alassane Ouattara et Guillaume Soro, doivent voir l'intérêt du pays. C'est ce qui est important. Nous n'avons que ce pays. Dans ces conditions, nous devons réunir nos forces. Pour le protéger. Si nous avons le sens du patriotisme. Faisons en sorte que l'Apo soit une réussite pour le pays et soit une leçon à l'Afrique et au monde entier.

L'on parle plus de symboles que d'actes concrets.
C'est vrai. Quand on n'a pas le résultat d'une situation, on n'a l'impression que c'est de la théorie. Alors que non. Ce que Marcoussis nous a imposé jusqu'à présent, on ne peut pas dire que l'Apo est un conglomérat de symboles. Les choses avancent. Positivement.
Interview réalisée par
Toussaint N'Gotta
Correspondant régional

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