jeudi 6 août 2009 par Le Temps

Le Pr. Saliou Touré, Président de l`Association mathématique Côte d`Ivoire (Smci), lève un coin de voile sur la fuite des cerveaux et rassure sur la compétence de la relève. Interview.

Vous venez de prendre la tête de l`Union mathématique africaine (Uma) au cours du dernier congrès de cette organisation tenu, il y a quelques jours, à Yamoussoukro. Quel est l`état des lieux à présent ?
C`est avec beaucoup de fierté que j`ai été élu comme Président de l`Union mathématique africaine. Cette union a beaucoup d`activités à l`heure actuelle. Nous allons continuer à développer et à amplifier. Nous avons plusieurs commissions au sein de cet organe. Il y a la commission enseignement des mathématiques, la commission femme et mathématique en Afrique puis, il y a l`histoire des mathématiques en Afrique et il y a le journal Africa Mathématica. Toutes ces activités seront poursuivies. Mais, ce que je me propose de faire surtout c`est de développer la coopération entre les mathématiciens africains d`une part, et aussi entre les mathématiciens africains et les mathématiciens du monde entier. Beaucoup d`activités existent, nous allons les poursuivre et nous allons en ajouter d`autres, dans le cadre de la formation, de la recherche en Mathématique, et de la diffusion des résultats de la recherche.

Concernant la formation. Existe-t-il un programme spécifique à chaque pays de l`Union ?
Ces activités qui sont générales et que nous avons définies, au sein de l`Union vont être déclinées au niveau de chaque pays. Mais, il appartiendra aux ressortissants de chaque pays (c`est ce qui a été fait jusqu`à maintenant), de définir des activités spécifiques, que nous allons soutenir par des moyens financiers, par un soutien moral effectif. En Côte d`Ivoire, nous avons pris l`initiative de faire le concours Miss Mathématique, qui est soutenu et encouragé par le chef de l`Etat, le Président Laurent Gbagbo.

Alors, peut-on savoir la contribution réelle des Mathématiques dans le développement d`un pays, tel que la Côte d`Ivoire ?
Vous savez que les mathématiques interviennent dans tous les compartiments de développement d`un pays. Le Professeur Koua Konin, vous a cité quelques exemples, mais on peut en citer bien d`autres. Il a cité l`informatique qui est la fille des Mathématiques. Car, l`informatique est basée sur ce que nous appelons l`Algèbre de Boule qui est basé sur le système binaire. Le système binaire, il est zéro (0) ou il est un (1). Mais nous savons que dans les banques, les mathématiques interviennent énormément. Par exemple, le calcul des taux d`investissements, des taux d`intérêt, des taux d`amortissement des prêts dans les banques, les mathématiques interviennent. En un mot, en Agriculture, en Médecine par l`intermédiaire de la statistique et même en Géographie, les Mathématiques sont présentent. Donc, tous les domaines de développement économique, social et culturel, sont sous-tendues par les activités mathématiques.

Cette année, on a constaté une régression des admis au Bac série scientifique en Côte d`Ivoire. Comment interprétez-vous cela. Alors qu`on nous dit que le pays regorge de cracks dans ces filières ?
Je dois dire que les mauvais résultats que nous avons connus récemment dans les différentes séries de Baccalauréats, peuvent être qualifiés de phénomènes épisodiques. J`insiste là-dessus. Parce que, les jeunes gens que nous envoyons en France et en particulier aux Etats-Unis et au Canada se comportent très bien. Nos jeunes filles qui se trouvent à présent à Angers en France, sont parmi les meilleures. Si, les enfants n`ont pas bien réussi dans une série, moi, je mets cela au compte d`un phénomène épisodique. C`est parce que la formation est de qualité dans nos établissements. On s`en rend compte, quand nos enfants vont aux Etats-Unis, au Canada, ou en France, ils sont parmi les meilleurs. Il ne faut donc pas se décourager. Il ne faut non plus pas lancer la pierre aux formateurs et aux enseignants. Ils font ce, qu`ils peuvent et ils font beaucoup pour la qualité de la formation scientifique dans notre pays.

On nous parle de la fuite des cerveaux africains vers d`autres cieux. Quelles sont les stratégies pour arrêter cette hémorragie ?
Dire que nous avons à faire face à la concurrence des grands pays développés. Parce que, nos jeunes scientifiques formés en Côte d`Ivoire, sont les meilleurs lorsqu`ils se retrouvent dans des universités étrangères. Les conditions de vie et de travail qu`ils trouvent là-bas sont les meilleures. Les équipements des laboratoires, des bibliothèques sont nettement en avance sur les nôtres ici. C`est ce qui fait que certains de nos enfants, quand ils vont aux Etats-Unis, en France, au Canada et ailleurs en Europe, hésitent à venir et restent là-bas après leur formation. Nous sommes les pays en voie de développement. Nous n`avons pas les mêmes moyens que ces pays développés. Ce que nous faisons et ce que nous pouvons faire concrètement, c`est d`encourager les jeunes formés à rentrer au pays. C`est ce que j`ai commencé à faire depuis un certain temps. Il y a le doyen Silué qui est là. Il était grand Mathématicien en Angleterre où il dirigeait une équipe d`ingénieurs. Je l`ai vu en 2001. Je lui ai dit de venir. Il a été nommé Doyen à la faculté des Sciences et technologies de l`Université internationale de Grand-Bassam. Le jeune Lokpo Ibrahim était à Toulouse à l`Ecole internationale polytechnique. Il était très bien là-bas. Je l`ai obligé à venir. Parce que, je le considère comme mon fils. Je lui ai dit de venir à l`Institut polytechnique. Et quand j`ai fait des réformes en 1996, c`est lui que j`ai mis comme Directeur de la formation et des perfectionnements des cadres, pour donner l`exemple à la jeunesse. Il a fait un beau travail. Aujourd`hui, il travaille avec le ministre d`Etat, M. Paul Antoine Bohoun Bouabré qui a découvert en lui, un jeune de valeur très compétent.

Quels sont les moyens que vous disposez pour attirer ces cadres de haut niveau ?
Il appartient à nous tous, aussi bien aux individus qu'au système formateur, au gouvernement, de trouver les voies et les moyens pour les retenir. Parce que, nous avons la concurrence de ceux qui ont les moyens financiers extraordinaire en Europe et en Amérique. Ces gens, même s`ils viennent, ils vont retourner. Ce que je fais à mon niveau. C`est d`aller les trouver et essayer de les attirer pour faire des conférences ici. Il nous est difficile, car nous ne pouvons pas leur offrir les mêmes conditions matérielles qu`aux Etats-Unis et en Angleterre. Mais, nous essayons de les faire venir pour participer à la formation de nos étudiants en Côte d`Ivoire.

Interview réalisée par Jean-Baptiste Essis
lorgbellelesouab@hotmail.fr

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