Son absence, qu'il corrige maintenant, sur le terrain politique a placé le Rdr loin derrière son allié dans la conquête du pays profond.
Les actions politiques individuelles caractérisent les deux hommes, actifs à des degrés divers. Henri Konan Bédié revenu d'un long exil le 11 septembre 2005, se pose d'emblée en rival de Laurent Gbagbo qu'il titille en ces termes : « La Constitution dit que le mandat est de cinq ans. Un point un trait. Il n'est pas question pour les gouvernants actuels qu'on leur donne au-delà de cinq ans ». Il embouche ainsi la trompette de la « transition sans Gbagbo », prônée par le G7. En plus, Bédié crée le face-à-face idéal avec Laurent Gbagbo. Constant, le « Sphinx » corse ses attaques. A son premier meeting à la « Maison du parti » à Cocody le 12 septembre 2005, il fait un réquisitoire contre le régime. Il l'accuse de bloquer le processus de paix, d'encourager l'impunité et d'entretenir des milices. Pis, en des propos vifs, l'homme traite son rival d' « usurpateur » à toutes les tribunes : presses étrangères, audiences avec les diplomates. A Abidjan comme sur les bords de la Seine. En octobre 2008, HKB porte plainte à l'Elysée contre son rival dont il doute de la sincérité à aller aux élections.
L'enfant de Daoukro a 74 ans révolus. Mais lui, dit respirer la pleine forme comme s'il en avait 22. Son défi, il démontre à travers ses tournées, entamées en 2008, qu'il peut encore tenir la route. Il est le premier à investir le terrain de la pré-campagne. Dans le seul mois d'août 2008, il a parcouru successivement les localités de Brobo, Sakassou, Béoumi, Katiola, Dabakala, Djébonoua, Bouaké, M'Bahiakro. Depuis, il n'a plus cessé. Onze localités seront visitées dans le Sud-Comoé en janvier et onze autres dans les régions du Moyen-Comoé et du Zanzan en mai.
Le palmarès d'Alassane Dramane Ouattara (ADO) est loin d'être comparable à celui de Bédié. Le président du Rdr est rentré nuitamment, vers 19 h 30, un 5 décembre 2005, de trois ans d'exil. Endeuillé par la perte de sa génitrice, il s'est enfermé dans un silence. Les supporters du ''brave-Tchè'' qui avaient scandé, à l'aéroport « ADO est là, Gbagbo a chaud » resteront longtemps sur leur faim. Car l'ancien Premier ministre qui connaît le pays, pour l'avoir parcouru en son temps, ne reprendra pas le bâton de pèlerin de sitôt. Préoccupé par la redynamisation du parti, il appelle un bureau politique en mars 2006 à l'hôtel du Golf et un congrès ordinaire en janvier 2008 à l'hôtel Ivoire. Entre ces deux dates, le leader s'est rendu en juin 2007 aux Etats-Unis où il a animé un meeting à Washington. Il était également dans l'Hexagone, où il a rencontré ses militants à Paris le 25 août. En janvier, une autre crise interne liée à l'élection des secrétaires départementaux ébranle le Rdr. Ouattara est obligé de travailler encore à la cohésion, se détournant pratiquement des grands sujets d'actualité. On peut dire qu'il a souventes fois renvoyé l'opinion nationale et ses proches vers le directoire du Rhdp, quand il s'est agi de l'entendre sur la politique nationale. Prudent, il semble se garder d'écorcher son « aîné » Bédié à qui il a toujours réservé la priorité, pour toute déclaration de l'opposition. Bien plus, c'est le bureau politique, le secrétariat général où, individuellement, ses « lieutenants » qui, fréquemment affichent la position du Rdr. Rarement on a connu l'effet de surprise ADO, en qui on pourrait voir un opposant discret. Il accepte même une invitation à déjeuner chez le président Laurent Gbagbo. Ce n'est que récemment, l'élection présidentielle approchant, que le candidat déroule le rouleau compresseur. Il a lancé ses tournées, sans répit, de pré-campagne. La direction de campagne du mentor a rallié en un rien de temps le district d'Abidjan (Abobo et Yopougon), une dizaine de localités dans chaque région du Bas-Sassandra, de la Vallée du Bandama, des Lacs, du Moyen Comoé, du Haut Sassandra et du Fromager. Réussira-t-il à refaire son retard ?
Bidi Ignace