lundi 3 août 2009 par Le Quotidien

A l`instar de nombreux leaders de la galaxie patriotique, Damana Pickas a été quelque peu éloigné de la lutte politique directe par ses nouveaux habits d`administrateur civil. Aujourd`hui assistant du directeur général de la Décentralisation, l`homme affirme être toujours resté en première ligne du combat. Dans cette interview, Pickas, le citoyen, le militant FPI, le conseiller d`Affi N`Guessan évoque sans détours le processus électoral, ses rapports avec Laurent Gbagbo .

On ne vous entend plus sur les sujets d`actualité. Qu`est ce qui a changé ?
Je ne suis pas dans la même position. A l`époque, j`occupais de hautes fonctions au sein de la Fesci. J`y occupais les fonctions de secrétaire général adjoint de Guillaume Soro Kigbafori. J`étais de la jeunesse du Fpi, secrétaire national. Ces positions exigeaient de moi des prises de positions fréquentes sur l`évolution de la situation socio-politique à travers des meetings et autres déclarations. Nous étions donc sous les feux de l`actualité. La situation est bien différente aujourd`hui. Voilà 8 ans que j`ai quitté la direction de la jeunesse du Front populaire ivoirien. Je suis maintenant conseiller du président du parti. Un conseiller, ça ne parle pas beaucoup. C`est ce qui explique qu`on ne m`entend plus comme par le passé. Néanmoins, nous continuons nos activités politiques certes sans grande médiatisation, mais toujours avec la même efficacité. Nous choisissons de travailler discrètement parce que l`efficacité ne
s`accommode pas toujours avec le bruit.

Beaucoup de jeunes de la galaxie patriotique se sont embourgeoisés. On affirme même que beaucoup ont abandonné la lutte. N`est-ce pas le cas de Damana Pickas qui, maintenant, occupe de hautes fonctions au ministère de l`intérieur ?
Non, je n`ai jamais abandonné la lutte. Je crois qu`on ne se connaît pas bien. Si chacun savait ce que l`autre était en réalité, on n`avancerait pas de tels propos. Je demeure toujours à la pointe du combat. Ce genre de propos ne s`adresse donc pas à moi. Je continue de recevoir des gens et donner des orientations par rapport à la lutte. En tant qu`administrateur civil, je suis assistant du directeur général de la décentralisation. Cette fonction exige de moi quelques réserves. Sur certaines questions pointues, mes positions sont désormais nuancées. Ce sont les exigences de fonctionnement de l`administration

Vous êtes donc d`accord que votre nouvelle fonction vous a éloigné du combat
Non, je dis que nous n`avons jamais abandonné le combat comme certains semblent le penser. Nous sommes toujours dans le combat. Nous demeurons au fait des réalités des populations car nous sommes en définitive dans la population. Peut-être que notre fonction actuelle nous a un peu confiné dans une sorte de réserve. Ca ne signifie pas que nous avons abandonné. Parce que de temps en temps, vous observez quelques réactions de notre part.

Vous ne pouvez pas nier que certains jeunes de la galaxie patriotique ont aujourd`hui un train de vie qui laisse penser que le combat est derrière eux
Je n`en ai pas connaissance. Je ne peux donc pas confirmer de telles affirmations. Je peux en revanche vous dire que j`appartiens à une génération qui se bat pour le maintien des institutions de la République et la réélection du président Laurent Gbagbo. Ces jeunes là sont toujours aussi déterminés que par le passé.

Pensez-vous que le combat pour le maintien des instituions est toujours d`actualité ?
Non, dès le début de la crise, il s`agissait de faire obstacle à la rébellion et à la désintégration de l`Etat et de ses institutions. Bien évidemment, nous ne sommes plus à ce stade. Nous travaillons aujourd`hui pour la réélection du président Laurent Gbagbo. C`est par sa victoire que nous aurons gagné la guerre qu`on nous a injustement imposée.

Comment avez-vous accueilli les dernières attaques du président français Nicolas Sarkozy contre son homologue ivoirien ?
J`ai accueilli les propos de Sarkozy avec beaucoup d`amusement. Je crois que c`est une tentative de sabotage du processus électoral. Sarkozy veut perturber le processus parce qu`il sait que Gbagbo va gagner les élections. Dans tous les cas, nous avons vécu pire ici

Ne craignez-vous qu`il tente de rééditer ce pire ?
Au même pire, les mêmes solutions. Nous sommes prêts à défendre ce pays comme nous l`avons déjà démontré. Il ne faut pas que les gens se méprennent sur l`accalmie actuelle et notre comportement nouveau. Nous sommes prêts à faire barrage à toute imposture avec la même détermination. Que le président Sarkozy garde donc son calme parce que la Côte d`Ivoire n`a que faire de telles déclarations. Nous avons plutôt besoin de partenaires et d`appuis notamment financiers pour faire aboutir cette chance formidable de sortie de crise que nous offre l`accord politique de Ouagadougou. Nous ne sommes donc pas ébranlés par les propos de Sarkozy qui nous confortent dans l`idée que Bédié et Ouattara, les relais français, ne peuvent pas tenir la route face à Gbagbo. Ce qui nous intéresse, ce sont les élections avec la victoire de Laurent Gbagbo qui s`annonce de plus en plus évidente. Voilà l`objectif. Dans tous les cas, nous aviserons si les
élections ne devaient pas avoir lieu le 29 novembre par la faute des Français.

Vous disiez que la lutte est à une autre étape. Quelle doit donc être la nouvelle attitude du combattant ivoirien ?
Nous sommes dans la réconciliation. C`est sur ce chemin que le président Laurent Gbagbo s`est engagé et je crois que les Ivoiriens doivent s`y engagés sincèrement. En outre, nous sommes dans la phase sensible des élections, il faut qu`on puisse contenir les passions pour réussir ce passage. Les élections sont un passage et non la fin de la Côte d`Ivoire. Nous sommes des adversaires et non des ennemis. Les Ivoiriens ont là une occasion de donner la preuve de leur maturité. Nous devons faire une campagne civilisée, empreinte de courtoisie mais aussi de vérité surtout.

S`appuyant sur les palabres qu`il y a eues au sein de la galaxie patriotique, certains affirment que les Français, s`ils voulaient tenter un autre coup, auraient la tâche facile parce que la démobilisation a gagné les patriotes. Qu`en pensez-vous ?
Cela serait une erreur d`appréciation très grave. Il n`y a jamais eu de divisons en tant que telle au sein de la galaxie patriotique. Celle-ci est un grand ensemble que traversent plusieurs courants de pensée. .

Vous considérez-vous comme étant de la galaxie patriotique ?
En tant que patriote ivoirien, je suis de la galaxie patriotique. Il y a plusieures organisations politiques et associatives qui appartiennent à la galaxie patriotique. Le FPI étant un parti patriotique, il appartient également à cet ensemble-là. En définitive, le FPI a toujours été à la pointe du combat patriotique. Il ne faut pas oublier que c`est le FPI qui a appuyé idéologiquement, matériellement et financièrement la galaxie patriotique et qui lui a conféré la place qu`elle occupe aujourd`hui sur l`échiquier politique nationale.

On entend dire que des personnalités politiques, notamment la Première Dame et le président du FPI, se battent à travers Blé Goudé et vous. Et que c`est cette querelle de positionnement qui explique la guéguerre dans les espaces de libre expression opposant la Fénopaci de Jean Marie Konin et la Fénaapci d`Idriss Ouattara
Excusez-moi, mais je trouve que certains Ivoiriens ont beaucoup d`imagination. Ce que j`entends est complètement surréaliste. Je n`en ai vraiment aucune connaissance. Retenez qu`il n`y a jamais eu de véritables divisions au sein de la galaxie patriotique. Il peut y avoir quelques contradictions ou des divergences d`approche sur certaines questions. Souvent, ça explose et dans ces cas, les gens pensent que nous sommes divisés. Les gens pensent qu`il s`agit d`une grave fracture. Pourtant quand le navire est menacé, on s`accorde sur l`essentiel. Et, l`essentiel, c`est notre projet commun pour la Côte d`Ivoire. Il n`y a jamais eu de problème de fond entre Blé Goudé et moi. Peut-être quelques frictions par le passé,qu`on ne doit pas dramatiser.

A propos de frictions, de quoi a-t-il été question exactement ?
La contradiction la plus ouverte aura été, celle née des audiences foraines de Banny. Nous n`étions pas d`accord lorsque notre camarade Blé Goudé a opéré le rapprochement avec les jeunes du RHDP sans nous informer. Nous nous sommes sentis frustrés et même trahis. Et nous avons tenu à le faire savoir. Car je pense qu`il aurait fallu que nous soyons informés simplement pour plus d`efficacité dans la prise en compte de la nouvelle donne née du rapprochement. Nous avons discuté et je crois que tout est rentré dans l`ordre depuis bien longtemps. Il faut qu`on arrête de dramatiser ces frictions entre nous. Ceux qui parlent de palabres entre nous ne savent pas d`où nous venons. Ils ne connaissent pas notre histoire

Quelle est cette histoire si méconnue ?
(Rires), nous en parlerons en temps opportun. Je pense que la situation socio-politique ne s`y prête pas. L`essentiel, aujourd`hui, c`est la marche de la Côte d`Ivoire vers une paix définitive. Notre histoire n`est donc pas une priorité.

On apprend que vous projetez d`animer conjointement une conférence de presse avec Blé Goudé dans le cadre de la réconciliation entre vous
Ah bon ! Je n`en suis pas informé. Je répète qu`il n`y a jamais eu de conflit pour qu`on pose un acte spectaculaire en guise de réconciliation. Si nous devons faire quelque chose ensemble, ce sera au nom de nos objectifs communs. Nous n`avons rien à démontrer à qui que ce soit. Nous sommes suffisamment matures et responsables .

Quel commentaire faites-vous du luxe ostentatoire dans lequel baignent certains membres de la galaxie patriotique et qui, de l`avis de nombreux observateurs, risquent de démobiliser tous les jeunes qui vous ont suivis?
Nous sommes dans une révolution populaire, incarnée par Laurent Gbagbo. C`est donc lui que nous devons suivre. Je pense que Laurent Gbagbo incarne les aspirations profondes du peuple ivoirien. Il incarne les souffrances des vieux, des jeunes, des femmes, des paysans, etcNous devons le suivre car il est resté dans la trajectoire de cette révolution-là. Et donc, toute autre considération, tout autre repère risque de nous détourner du combat. Il faut que le peuple suive Gbagbo qui n`a pas été grisé par le pouvoir qui est resté le même, modeste et sobre. Le pouvoir ne l`a pas rendu fou. Il est resté le même. C`est l`appel que je lance aux jeunes et au peuple de Côte d`Ivoire.

Un peu plus de d`un million d`Ivoiriens ne pourront pas prendre part à la prochaine élection présidentielle. Quelle est votre position dans le débat qui a eu lieu sur la poursuite ou non de l`enrôlement ?
Je condamne fermement la façon dont l`opération s`est déroulée. Je ne suis pas d`accord que des Ivoiriens soient exclus du processus décisionnel dans leur pays

Est-ce la position du citoyen ou celle du conseiller du président du FPI ?
C`est tout à la fois. Le citoyen, le militant, le conseiller du président et tout ce que vous savez.

C`est aussi la position du président du FPI ?
C`est ce que Damana Pickas pense. J`estime que c`est éc?urant voire ahurissant que des centres soient bondés de pétitionnaires et qu`on les ferme pour des motifs fallacieux

Le président de la CEI a pourtant clairement fait savoir qu`une éventuelle poursuite de l`opération nous exposerait à des contraintes financières et de temps ?
Je répète que c`est un argument fallacieux, grotesque et inopérant. On aurait pu enrôler tout le monde. J`ai l`intime conviction que l`enrôlement a été politisé.

C`est-à-dire ?
On prétexté le manque de moyens conséquents pour enrôler toute cette population parce qu`on a étiqueté certains citoyens. Je suis convaincu qu`on a certainement dit que l`opération de rattrapage ne concernait que les électeurs de GbagboLes tournées que nous avons effectuées dans plusieurs centres d`enrôlement aussi bien à Abidjan qu`à l`intérieur confirme cette conviction.

D`où tirez-vous cette certitude ?
Comment expliquez-vous qu`on puisse ouvrir seulement 42 centres pour tout le district d`Abidjan, alors même qu`une semaine avant les centres d`enrôlement avaient été réduits de moitié à l`intérieur du pays, ce qui rendait plusieurs valises disponibles pour Abidjan. Pourquoi n`a-t-on pas configuré toutes ces valises pour ouvrir encore plus de centres dans le district d`Abidjan de sorte à enrôler tout ce monde en quelques jours ? Pourquoi n`a-t-on pas exploré cette possibilité qui, selon des techniciens, était tout à fait possible ? Simplement parce que, la politisation de l`enrôlement a eu raison de cette logique salutaire pour les populations.

Qui a intérêt à cette politisation de l`enrôlement ?
Ecoutez, la CEI n`a jamais été une commission indépendante. C`est la commission la plus dépendante de l`histoire de l`organisation des élections

Et, selon vous, elle dépendrait de qui ?
Mais du RHDP ! Mambé est un militant du PDCI qui continue de participer aux réunions dudit parti. Toutes les CEI locales sont contrôlées par le RHDP. On sait comment les responsables manipulent de façon subtile l`opération. Beaucoup de considérations partisanes ont présidé à l`enrôlement. C`est grave et ce n`est pas sérieux. Les gens ne mesurent pas l`importance du processus dans lequel le pays est engagé. Des Ivoiriens qui bénéficient de tous leurs droits devront consentir le lourd sacrifice de ne pas voter pour éviter que le pays recule. Sinon, c`est très facile de bloquer net le processus en cours. Et contraindre Mambé à prendre en compte tous ces Ivoiriens. Nous avons les moyens de mener valablement une telle action. Mais, cela ouvrirait un autre horizon d`incertitudes. Voilà pourquoi nous laissons faire sans rien dire et nous appelons nos amis au calme. En tout état de cause, nous gagnerons les élections quelle que soit la
situation. Et, ils auront leurs papiers après la victoire de Laurent Gbagbo. Tous les sondages donnent Gbagbo vainqueur. Toutes les opinions tendent à confirmer que Gbagbo gagnera les élections

Et, les manipulations politiciennes du processus dont vous avez parlé ?
Elles n`y pourront rien. Même si on ne procède pas au croisement des listes, Laurent Gbagbo gagnera les élections. Nous avons travaillé sur les personnes enrôlées zone par zone, région par région, nous avons fait toutes les simulations possibles et le résultat, c`est que Gbagbo est imbattable. Nous sommes donc sereins. On sait que beaucoup de personnes qui n`y ont pas droit ont été inscrits sur les listes, mais Gbagbo gagnera.

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