samedi 1 août 2009 par Le Temps

Après les successifs échecs des dirigeants français dans leur dessein de "faire le nettoyage nécessaire" à Abidjan, les pièces du puzzle se mettent petit à petit en place. Nous allons vers la mise en place d'un deuxième axe du mal contre la Côte d'Ivoire après celui de Chirac.

"Je crois qu'il faut se garder de polémiquer sur ces affaires. Vous savez, quand il y a des entretiens qui sont rapportés par des personnes tierces, il y a forcément des exagérations des propos non-conformes qui peuvent être rapportés. Je crois qu'il faut garder un petit peu de mesure ; je crois que le président Sarkozy a beaucoup d'estime pour le président Gbagbo et qu'il y a certaines choses qui n'ont pas été dites ". L'exercice ne sera pas du tout aisé pour Sem. Jean-Marc Simon, comme il ne l'a d'ailleurs été pour ses prédécesseurs Gildas Le Lidec et tout récemment André Janier dont on parie sur son éventuel retour sur les bords de la lagune Ebrié. L'Ambassadeur de France en Côte d'Ivoire qui n'est pas à sa première tentative de replâtrage, s'époumone à arrondir les angles des relations franco-ivoiriennes. Des relations qui continuent de souffrir des incontinences des différents présidents qui se succèdent au palais de l'Elysée. Y parviendra-t-il, quand on sait les incertitudes qui peuplent le processus électoral en Côte d'Ivoire, trame de cette volée de bois vert de Paris en direction d'Abidjan ? Une chose reste sûre, c'est que Jean-Marc Simon peut toujours s'évertuer à faire ce qui convient le mieux pour un diplomate, sans chercher à voir le sexe des anges dans le ciel des relations entre les successifs chefs d'Etat français de ces neuf dernières années et le président ivoirien Laurent Gbagbo.
Pour ainsi dire, tant que les gros intérêts qui lient les deux pays seront menacés par les agissements d'une partie contractante ou de l'autre, intérêts qui vont au-delà des querelles de personnes, il ne faudra pas s'entendre à des étreintes d'amour entre les hauts dirigeants de ces deux pays. Côté ivoirien, l'accord de coopération et de défense signé dans les années coloniales avec l'ancienne métropole et dont les dirigeants à Abidjan attendaient son application intégrale lors de l'attaque rebelle de septembre 2002, auquel sont venues s'ajouter les tueries massives des manifestants civils aux mains nues par l'armée française, les 4, 5, 6, novembre 2004, constituent un réel motif de méfiance du pouvoir ivoirien vis-à-vis de la France. Cette dernière, on le sait plus que jamais, s'est convaincue que le départ de Laurent Gbagbo de la tête de son ancienne colonie rime avec le retour aux grâces. La France n'a de cesse de multiplier les partenaires, dans un tout sauf Gbagbo, dont l'objectif est d'isoler le chef d'Etat ivoirien. D'abord, il y a eu des fonctionnaires internationaux Kofi Annan, Albert Tévoédjré, Pierre Schori, Gérard Stoudman, mais aussi des chefs d'Etat qui, à un moment donné, ont été utilisés pour cornaquer l'éléphant malade, avant d'accepter de servir comme seconds couteaux dans la guerre de la France contre le pouvoir démocratique d'Abidjan. Au cours d'une rencontre de chefs d'Etat de la Cedeao tenue à Abuja en novembre 2004, Laurent Gbagbo se fait représenter par le Pr Koulibaly Mamadou. Erreur d'appréciation ou ras-le-bol d'un dirigeant mal aimé conscient du jeu trouble de ses ''frères'' de la sous-région ? Toujours est-il que la Côte d'Ivoire se souviendra pendant longtemps encore de la cinglante humiliation qu'elle subit à travers son président de l'Assemblée nationale. Ce dernier est prié de sortir de la salle de la réunion sans autre forme de protocole. Les heures qui suivent, les Ivoiriens apprennent que les chefs d'Etat de la sous-région se sont liés à la France pour recommander des sanctions ciblées de l'Onu contre la Côte d'Ivoire et certains acteurs de la crise. Une trahison rondement menée par la France qui se donnait ainsi des coudées franches en vue d'une résolution onusienne qui sanctionne la Côte d'Ivoire. Chaque pays de la Cedeao y trouvera son compte. Pour certains comme le Nigeria, il s'agit tout simplement d'empêcher cette très ambitieuse Côte d'Ivoire de se doter d'une redoutable armée dont l'hégémonie lui aurait fait prendre ombrage. C'est aussi le cas du Ghana de John Kufuor, grand rival portuaire de la Côte d'Ivoire à qui la crise ivoirienne ouvrait des grandes opportunités d'affaires appuyées par la France dans les instances financières internationales. Pour d'autres conduits par le Sénégal dont le président Wade avait manifesté une réelle aversion pour son homologue ivoirien Gbagbo, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une question de leadership régional. Malgré tous ces coups bas, Laurent Gbagbo demeure au pouvoir, mieux ses propositions de sortie de crise contenues dans le dialogue direct sont en passe de sortir son pays de l'ornière. La France qui a tout fait pour revenir dans le jeu, après le deuil de Linas-Marcoussis, a d'abord tenté de calmer le jeu. A travers plusieurs missions d'abord officieuses de ses go be tween, ensuite de ses officiels en Côte d'Ivoire, missions appuyées par des sortis fortement médiatisées comme par exemple le discours du Cap en Afrique du Sud. Discours dans lequel Nicolas Sarkozy qui a, entre temps, remplacé Jacques Chirac à l'Elysée, appelle son homologue ivoirien à refermer la parenthèse de novembre 2004, à tourner la page et à regarder l'avenir de la coopération franco-ivoirienne qu'il souhaite de partenariat et empreinte de courtoisie. Chasser le naturel et il revient toujours au galop. La France n'a jamais renoncé à son option de mettre à la tête de la Côte d'Ivoire un président prêt à être " le sous-préfet de la France ", à servir les yeux fermés les intérêts de l'hexagone. C'est à Libreville que le vieux démon se manifeste et refait surface. Les obsèques de feu Omar Bongo Ondimba devaient servir de cadre informel de réconciliation entre Chirac et Gbagbo et permettre de passer définitivement l'éponge sur les tragiques évènements de novembre 2004. Sous les auspices de Nicolas Sarkozy, les regards médusés de Paul Biya nouveau doyen des chefs d'Etat et nouveau parrain local de la Francafrique. Encore une erreur d'appréciation ou simple bouderie de la part du chef de l'Etat ivoirien ? Toujours est-il que ce rendez-vous sera boudé par Laurent Gbagbo qui se fera représenter par son épouse et son Premier ministre à la tête d'une " forte délégation ", insiste-t-on du côté d'Abidjan. Dans son dos tout va se décider, comme à Abuja en 2004. Le premier axe du mal qui constituait le tout sauf Gbagbo va donc céder la place à un nouveau pacte. Un new deal solidement fixé à l'Elysée, dont la France continue de chercher la tête de ponte au Secrétariat des Nations unies et qui prend à son compte outre la filière camerounaise qui remplace le Gabon, les satellites traditionnels de l'Afrique francophone. Si les anciennes colonies françaises sont d'ores et déjà acquises, le cas de l'Onu pourrait contrarier le plan. En effet, alors qu'il s'agissait d'un dîner tout particulier avec le Secrétaire général de l'Onu le Coréen Ban Ki-moon, les propos " non-conformes " de Nicolas Sarkozy qui a pourtant " beaucoup d'estime pour Gbagbo " auraient été " exagérément rapportés par des personnes tierces ". Par qui ? Selon un diplomate en poste à Abidjan, Paris verrait d'un mauvais ?il la fuite d'informations et se serait promis de tout faire pour trouver celui qui a commis l'impaire. Sans pour autant renoncer à la filière coréenne qui serait docile contiennent à la Chine, selon les autorités françaises. A Paris, on espère tirer grand profit du nouvel axe du mal qui se met peu à peu en place pour bouter hors Gbagbo et le remplacer par un affidé local, en s'appuyant comme l'avait fait Chirac, sur la respectabilité de la fonction du Secrétaire général de l'Onu et sur la notoriété de l'institution mondiale. Cette fois-ci, qu'en souffre la présence des casques bleus, parce que Nicolas Sarkozy ne démord pas, il compte envoyer ses " gars prêts à faire le nettoyage ".
Simplice Allard
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