jeudi 30 juillet 2009 par Le Repère

Nous avons rendu une visite aux populations de Agban Attié au Banco I. Ce vendredi 10 juillet 2009, sous une pluie diluvienne. Nous étions au c?ur du quotidien des personnes résidant dans ce ghetto considéré comme une zone rouge, une zone à risque, un quartier sinistré, un quartier précaire Au dire du chef de Banco I, M. Ako Yapo Jean-Baptiste, ce quartier qui est sous son contrôle, abritant environ 1000 âmes, a été créé en 1910. Pour lui, c`est le tracé de l`autoroute qui serait à la base de la dégradation de Banco I. Notre séjour à coté de ces hommes, femmes et enfants nous aura permis de nous tremper de leur sombre vécu de tous les jours.


Lecture de la vie au Banco I : Tableau noir

Il est 11h 25 mn, la pluie bat son plein. Quelques jeunes gérants de cabines téléphoniques ont trouvé refuge sous un hangar qui peut s`écrouler d`un moment à l`autre. Après les salutations d`usage, nous avons demandé à l`un d`eux de nous conduire au domicile de M. Zamblé. Ce qu`il fit non sans avoir vérifié notre identité. Notons qu`il n`y a ni routes, ni pistes, ni ruelles dans ce bidonville. Plusieurs parades dans les eaux boueuses, nous nous faufilons entre les baraques. Après plusieurs détours, nous arrivons à la "villa" de deux chambres de M. Zamblé qui était absent. Les membres de sa famille nous ont reconnu pour y avoir effectué plusieurs reportages. Dans la maison, tout est dessus dessous. Deux nattes jonchent le planché. L`une est pliée, l`autre est dressée et occupée par une jeune nourrisse. Elle répond au nom de Carine. Carine tient un biberon qu`elle porte à la bouche de son bébé. Dans un coin de la maisonnette, une télévision aux images brouillées est posée sur une table handicapée d`un pied. Des pots vides d`eau minérale, des chaussures, un vase de nuit, des seaux, des bouts de pagnes, deux tabourets, une chaise meublent le décor. L`horloge sur le mur semble ne plus afficher le temps depuis de longues années. Pendant que nous échangeons avec Irié, assis près de Carine, Lydie, étudiante dans une grande école de la cité, nullement gênée par notre présence, noue un pagne à la taille et fonce dans une douche de fortune. Deux feuilles de tôles rouillées et trouées servent de porte. Dehors, les averses font rage. Nous commençons à perdre notre sérénité. Car dans ces quartiers, les maisons s`effondrent au moindre vent comme dans un film de science fiction. A la question de savoir combien de personnes vivent dans cette maison, Irié, sans emploi répond : "Nous sommes 20, si l`on tient compte de toute la cour. Mais, la maison où nous sommes assis, 14 personnes y vivent. Toutes les filles dorment au salon pendant que les garçons occupent les chambres." Vu le nombre pléthorique des habitants de la cour, nous avons voulu nous informer si ces personnes mangeaient à leur faim. "Les matins, il y a du" riz couché" (la nourriture préparée la veille) au menu quand il y en a. Souvent quand chacun a son "jeton ", il va payer son garba. C`est seulement les soirs que nous faisons une cuisine normale pour toute la famille. Mais, parfois, nous n`arrivons pas à joindre les deux bouts. Dans ce cas, chacun est livré à lui-même. " A déclaré veuve Zamblé qui a perdu son époux depuis des années alors qu`il était enseignant retraité. Plus loin dans une autre cour, chez la famille Dembélé, la petite Kadidiatou active le feu pour la cuisson du dîner. La cuisine est à proximité des toilettes. Dans la cour, trois pneus couvrent un puits perdu. Une fillette, assise dans une cuisine attire notre attention. Nous avons voulu lui arracher quelques mots. - Qu`est ce que tu prépares ? Elle rétorque. " Je ne prépare rien. Veux-tu me donner du riz ou quoi ? " - Je lui réponds: " Je n`ai rien pour vous. A ma prochaine visite, je vais penser à vous ". " Si tu n`as rien pour moi, ne me poses plus de questions. Vous les journalistes, tous les jours vous venez nous interroger. Or, vous savez que nous sommes pauvres et que nous vivons dans ce quartier où certains d`entre nous sont nés. Dites au gouvernement que s`il veut nous déguerpir, qu`il nous indemnise", a-t-elle déclaré. C`est une lapalissade, les conditions de vie des populations des bidonvilles sont misérables. Mais, les pluies constituent un facteur très aggravant, voire mortel.


Galère +misère +Maladie +Pluie = La mort

A Agban Attié, la majorité des habitants sont sans emploi. Banco I est peuplé par des travailleurs à faibles revenus. Ceux qui ont la chance d`exercer une activité sont étouffés financièrement par les "parasites". Dr Ibrahim est étudiant, et dispense des cours d`histoire et de géographie dans un établissement privé à Yopougon. Son géniteur a quitté le monde des vivants. L`aîné de sa famille, Daouda a quitté le domicile familial depuis 1996 pour une destination inconnue. Est-il décédé ou est-ce une simple disparition ? Le jeune professeur est dans l`obligation de prendre en charge sa mère, ses neuf frères et s?urs sans oublier ses neveux. Que vaut le salaire d`un enseignant du privé en Côte d`Ivoire ? Pour l`heure, en attendant des lendemains meilleurs, la grande famille Dembélé dévore le maigre revenu de leur fils. Dans une cour commune, nous avons pu dénombrer 36 habitants pour 7 maisons. Dame Yvonne vit avec son mari dans un "appartement" de deux pièces. Selon elle, son homme est conducteur d`un véhicule de ramassage d`ordures ménagères. Notre interlocutrice a failli nous faire dire que Banco I était le nid des belles filles, vu sa beauté frappante. Nous étions en train de sortir du quartier afin de nous mettre à l`abri de la forte pluie. Soudain, sous nos yeux, un éboulement entraîne la chute d`un arbre occasionnant la destruction des toilettes de M. Kouyaté, absent au moment des faits. Joint au téléphone par son épouse, il a dans un premier temps cherché à se rassurer s`il n`y avait pas de perte en vies humaines. L`habitation voisine du lieu de l`accident est inondée. Les occupants à l`aide de seaux vident la maisonnette. Des personnes grimpent sur la charpente, pour évacuer l`eau stagnée sur la toiture. Pendant que nous discutions avec le chef Ako Yapo Jean Baptiste et son conseiller Seka Damas, le téléphone du premier cité sonne. Son correspondant vient de lui apprendre que la maison d`un de ses administrés venait à peine de s`écrouler. Arrivé sur les lieux, nous sommes face à la triste réalité. Il était 16h 45 mn. La femme du sinistré, Koné Mariam, nous reçoit. Visiblement elle n`est nullement abattue par cet accident comme si elle s`y attendait. L`enfant qu`elle porte au dos est très malade. "L`humidité rend tout le monde malade ici", réplique un badaud sans qu`il ne soit interrogé. Tout porte à croire que Dieu a abandonné ces quartiers qui sont bien malheureusement nombreux dans la capitale ivoirienne. Le lot quotidien de ces populations est la galère, la maladie, la misère et la pluie. Les averses ont déjà fait plusieurs morts dans ces zones depuis quelques années déjà.

Foumséké Coulibaly

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