mardi 28 juillet 2009 par Le Patriote

Question : Monsieur le président, vous envisagez donner un statut particulier aux Rois et chefs traditionnels. Ne pensez-vous pas que ce soit là un contre-pouvoir à celui de l'Etat ? Autrement dit, n'est-ce pas sortir la chefferie traditionnelle des règles de la République ?
ADO : Pour le statut des Rois et chefs traditionnels, c'est vraiment une question d'expérience. Cela existe dans de nombreuses Constitutions, que ce soit au Nigeria ou au Ghana, surtout dans les pays anglophones. Nous, nous avons hérité du système napoléonien. Ce système français que nous avons plaqué sur nos traditions, alors que nous ne sommes pas sortis réellement du traditionnel. Je pense donc qu'il faut un accompagnement. Et les Rois et chefs, fort heureusement, ont joué un rôle positif pendant cette crise. On l'a vu, peut-être pas toujours, mais en tout cas, sauf manipulation, je crois qu'intrinsèquement, les populations leur font confiance. Et ils font partie de la République. Si nous avons des Institutions comme les Communes ou les Conseils généraux, il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas une décentralisation plus forte au niveau des villages et autres. C'est la méthode qu'utilisent les anglophones. Cela marche très bien et permet de régler beaucoup de choses à la base, entre les populations. Les problèmes de litige foncier, par exemple, qui sont réglés au niveau villageois. Mais sans reconnaissance réelle d'un statut qui donne des devoirs et des responsabilités, ainsi que des avantages liés à ces responsabilités. J'aurai l'occasion de développer tout cela. Nous avons l'étude en cours. Mme Diabaté a fait l'annonce à l'occasion du séminaire intitulé La route des Rois et chefs traditionnels , du Pr. Amoa Urbain. Et, dans notre programme de gouvernement, nous avions déjà envisagé des éléments de ce genre. Parce qu'il ne s'agit pas d'avoir une idée, mais il faut d'abord voir comment intégrer cela dans toute la République, comme vous l'avez dit. Parce qu'il ne s'agit pas d'avoir une idée, il faut voir d'abord comment cela s'intègre dans toute la République, comme vous l'avez dit, de sorte qu'il n'y est pas d'incompatibilité. Deuxièmement, il faut voir quelle doit être la place des rois et chefs dans les institutions, mais également dans les budgets de l'Etat. Parce qu'il ne faudrait pas avoir quelque chose qui coûte extrêmement cher, sans contrepartie. Donc on regarde également les sources de financement, pour être sûr que tout cela est compatible avec nos projections de recettes et de dépenses, mais également des dépenses courantes et des dépenses d'investissement.

Monsieur le président, vous avez au cours d'une rencontre, je cite : Notre pays a un régime totalement présidentiel, je ne veux pas m'étaler là-dessus , fin de citation. Qu'avez-vous contre le régime présidentiel ?
En réalité, ce n'est pas que j'ai quelque chose contre le régime présidentiel, mais nous avons un régime présidentiel plus marqué que partout d'ailleurs. Vous savez, le Président Houphouët a bâti notre Constitution et nos Institutions sur les Constitutions de trois pays. C'est-à-dire les Etats-Unis, la France et la Suisse. Les Etats-Unis, en ce qui concerne le régime présidentiel. La France, pour l'aspect parlementaire. Et en ce qui concerne les modifications et l'appel au peuple, comme cela se fait en Suisse, c'est la possibilité de faire un référendum. Quand on regard notre Constitution, en réalité, depuis la mort du Président Houphouët Boigny, les Premiers ministres n'ont pas de pouvoir institutionnel. Bien sûr que moi j'ai fait l'exception parce que le Président Houphouët était absent sur toute la moitié de l'année et compte tenu de son âge, j'étais un Premier ministre avec les pleins pouvoirs. Durant une bonne partie de l'année, c'est moi qui l'informais, car, j'allais très souvent le voir en France. Les Premiers ministres sont donc nommés par le Chef de l'Etat et ils sont révoqués par lui. Ils n'ont pas de compte à rendre au Parlement. Il y a donc tous ces aspects qu'on pourrait critiquer. Mais je ne suis pas non plus pour un régime parlementaire. Parce qu'on a vu les incohérences des régimes parlementaires. Regardez les pays comme le Niger, en son temps, où tout était bloqué. Le Président de la République ne pouvait même pas utiliser l'avion présidentiel sans l'accord du Parlement, il y a de cela dix ans. Ceci a conduit à des drames, y compris l'assassinat du Président Barré Maïnassara. Ce n'est donc pas que j'ai quelque chose contre le régime présidentiel, mais j'estime que les Premiers ministres n'ont pas eu les pouvoirs qu'ils auraient dû avoir dans l'exercice de leur fonction. C'est surtout ce que je voulais dire, le fait que tout remonte au Chef de l'Etat. Et comme c'est une période de gouvernement de transition, sans réelle définition des pouvoirs et des contre-pouvoirs, un Chef d'Etat peut s'entourer de conseillers et il décide tout seul, sans que les ministres compétents n'aient leur mot à dire. Madame le ministre d'Etat Henriette Dagri-Diabaté a été ministre de la Justice, elle pourrait disserter sur les difficultés qu'elle a connues quand elle a voulu nommer des présidents de tribunaux ou des procureurs. C'est la même chose pour le ministre de l'Agriculture, en ce qui concerne les responsables de toutes ces nombreuses caisses qui avaient, quand bien même, un contact direct avec la Présidence. Ils considéraient qu'ils n'avaient même pas de compte à rendre à leur ministre de tutelle. C'est un peu une centralisation du pouvoir sans contre-pouvoir, sans recours. Cela ne peut donc pas être démocratique.

Q : Après avoir parcouru à nouveau la région, peut-on dire que le président Ouattara et le RDR sont davantage acceptés par les populations ?
ADO : Pour ce qui concerne l'implantation de notre parti, il faut dire que c'est vraiment quelque chose d'impressionnant. L'adhésion des populations aux idéaux du RDR m'a beaucoup frappé. Je n'ai rencontré l'hostilité nulle part. Et j'ai vu partout des responsables de sections et de comités de base, des directeurs locaux de campagne qui sont effectivement de diverses origines. Effectivement, avant, cela était difficile pour certaines populations autochtones d'affirmer qu'elles appartenaient au RDR. Elles l'ont d'ailleurs dit elles-mêmes Quand on disait qu'on était RDR, on nous frappait tout de suite . Et là, vous avez vous-même été témoin de la diversité que caractérise la présence du RDR partout. Moi, j'ai été fort impressionné. Et je peux dire que les informations que nous avons, nous confirment que le RDR a bien amélioré sa place dans ce département, bien sûr, comme dans tant d'autres. C'est une bonne nouvelle pour nous. Et j'en profite pour féliciter mes responsables locaux, que ce soit Cissé Salif (DDC Abengourou), Ali Ouattara (DDC Agnibilékrou) ou Koffi René (DDC Koun-Fao).

Il y a aujourd'hui, le débat sur un sondage qui donnerait le Président Laurent Gbagbo et le président Bédié comme favoris pour le deuxième tour. Quel commentaire?
ADO : C'est Mme Diabaté qui m'a informé de ce sondage ce matin (ndlr, vendredi 24 juillet). Je trouve cela très amusant. Je ne voudrais pas faire de commentaire. Je suis d'ailleurs surpris par ce sondage, parce que je pensais que selon certaines personnes, le chef de l'Etat devrait passer au premier tour parce qu'il aurait plus de 4 millions de personnes enrôlées sur les 6,5 millions. Je suis donc surpris que malgré cela, il n'a que 40%. Nous, nous sommes sur le terrain. Nous connaissons notre force. Et nous nous faisons confiance.

Q : Monsieur le Président, récemment, au cours de votre tournée à Bouaké, vous auriez tenu des propos qui ont appelé à des réactions dans l'opinion, surtout avec une sortie du chef d'Etat-major, le général Philippe Mangou. Aujourd'hui, assumez-vous encore ces propos ?
ADO : Je ne voudrais pas blâmer qui que ce soit. Mais évidemment, il est difficile de concentrer les choses. D'abord à Bouaké, les Forces Nouvelles ont parlé de leur combat pour la citoyenneté, l'égalité, la lutte contre l'injustice, etc. Ma réponse a été, tout de même, de dire que nous aussi avons mené ce combat avant eux. Je ne vais pas vous faire l'historique, le RDR a quand même mené le combat contre l'injustice, l'exclusion, etc. De ce fait, j'ai dit aux Forces Nouvelles : Vous, vous avez choisi la voie des armes et nous, nous avons choisi la voie des urnes. Et moi, je condamne l'utilisation des armes et de la violence pour obtenir ce que nous considérons comme un combat indispensable . Alors, j'ai vu qu'il y a tout un plat qui a été fait autour de ça. Cela ne m'émeut point. Ma conviction est que l'exclusion doit être vraiment combattue. Mais, en s'appuyant sur la loi et en faisant en sorte que nous ayons un pays démocratique et un pays qui respecte les lois démocratiques de la République. La démocratie, ce n'est pas seulement pour arriver au pouvoir. Mais c'est de continuer de l'appliquer après qu'on soit au pouvoir.

Sur le deuxième point concernant les Forces de défense et de sécurité, c'est un débat qui est clos. Puisque Mme Diabaté a dirigé une délégation qui est allée voir le Général Mangou et lui a situé, également, le contexte de ces déclarations. Les militaires n'ont rien à avoir avec cela. Pour moi, les militaires sont des exécutants. Ils exécutent les instructions du pouvoir politique. Un pouvoir politique ne doit donc pas demander qu'on bombarde une partie de son territoire. Mais si le pouvoir politique le demande, le militaire n'a d'autre choix que d'exécuter. Je ne pensais donc pas aux éléments des Forces de défense et de sécurité à cette occasion. Ils l'ont mal pris. Je regrette que cela ait créé un incident inutile. Parce qu'en mon sens, l'armée est républicaine. Elle doit être soumise effectivement à l'autorité politique. C'est ce qu'elle a manifesté en faisant ce qu'elle a fait. Ce débat étant clos, je ne souhaite pas l'ouvrir à nouveau.

Q : Au cours de vos rencontres avec différentes corporations, vous avez déballé vos solutions. Aujourd'hui, vous rencontrez les journalistes. Alors quelles solutions pour améliorer la situation des journalistes qui travaillent dans des conditions très difficiles ?
ADO : Pour ce qui est de la solution pour la presse, je crois qu'on en a parlé longuement au cours de mes visites dans certains organes de presse, il y a de cela quelques mois. Souvenez-vous déjà que beaucoup de choses qui sont présentement en place ont été faites par mon gouvernement de 1990 à 1993. C'est de notre temps qu'il y a eu la libéralisation de la presse. C'est de notre temps qu'il y a eu la libéralisation des ondes, que ce soit RFI, BBC, la Voix de l'Amérique, etc. C'est mon gouvernement qui a créé le Conseil national de la communication audiovisuelle (CNCA). C'est nous qui avons transformé la RTI en établissement public autonome. Je pense fondamentalement que la presse doit avoir son autonomie de pensée et de gestion. Est-ce parce que je suis allé aux Etats-Unis ou que j'ai grandi dans un monde où la presse est totalement libre ?
Mais, il faut dire qu'à mon temps, la presse était plus libre que maintenant. Et même quand mes conseillers venaient me voir pour me dire qu'il y a tel article ou tel autre, je leur disais : Laissez-les faire leur travail . Nous avons effectivement des solutions pour la presse. Vous verrez dans notre programme de gouvernement les détails. Certains éléments d'ailleurs ont commencé à être mis en ?uvre par le ministre Sy Savané. Je veux parler du Fonds d'aide, de la dépénalisation et de bien d'autres aspects. Tout cela est très bien, je partage et je félicite le ministre de la Communication et le Gouvernement. Mais je pense qu'il faut aller au delà de tout cela. Nous prenons note de ce qui existe et nous voyons comment faire pour pouvoir améliorer. Nous ne pouvons pas dire tout simplement que tout ce qui a été fait est mauvais. Il faut évaluer et voir les possibilités d'application de ces mesures, avant d'améliorer ce qui existe.

Ensuite, étant de l'AIP, il faut dire que nous sommes un EPN (ndlr, Etablissement public national). Alors, selon vous, que faut-il pour améliorer les conditions de vie et de travail des autres structures comme l'AIP ?
ADO : Concernant le statut de l'AIP, bien entendu, si on l'a fait pour les autres, on peut le faire pour l'AIP. J'ai d'ailleurs rencontré le Directeur général, à l'occasion d'une réception, je crois le 4 juillet dernier, à l'Ambassade des Etats-Unis. Et il m'expliquait ce problème. Je lui ai dit que pour moi, c'est évident que le statut de l'AIP, qui est une structure importante, change. Regardez comment l'AFP (Agence France Presse, ndlr) est aujourd'hui considérée dans le monde. Quand je vais sur l'Internet, souvent entre 22H et 23H, on a déjà toutes les dépêches sur la Côte d'Ivoire. C'est vrai que l'AIP a quelques fois des dépêches. Mais par manque de moyens, elle pas la même capacité de réaction.

Tout à l'heure, des jeunes vous qualifiaient d'Obama d'Afrique . Quel commentaire ?
ADO : Je ne sais pas exactement ce que voulaient dire ces jeunes. Je ne sais pas si c'est le changement qu'ils attendent ou autre chose. En tout cas, je me posais moi-même la question (Rires). En quoi je suis l'Obama de l'Afrique ou de la Côte d'Ivoire ? Est-ce parce que je prône le changement ? En tout cas, je crois au changement. Et je crois aussi que les hommes politiques doivent dire la vérité à leur peuple. Moi je suis très heureux de cette precampagne. Nous avons déjà fait quatre régions sur les 19. Nous ferons trois autres d'ici fin août. Je suis particulièrement content de la réception que je constate. Parce qu'il faut arrêter la langue de bois et les promesses fallacieuses. Je considère que cela est important. Peut-être que c'est en cela aussi qu'on pourrait comparer ma campagne à celle d'Obama. Nous allons dire les problèmes qui se posent et les solutions que nous proposons. Cela peut plaire à certaines personnes et pas à d'autres, mais c'est l'intérêt national. Si nous sommes élus c'est tant mieux, si nous ne sommes pas, écoutez, nous attendrons une prochaine fois. Ce n'est pas un malheur de ne pas être élu. Mais il faut que ces élections soient apaisées et qu'elles se passent dans de bonnes conditions pour le bien-être de nos concitoyens et pour notre pays.

Q : Vous venez de boucler votre tournée dans le Moyen-Comoé, une région reconnue comme un bastion du PDCI-RDA qui est votre allié au sein du RHDP. Ne craignez-vous pas qu'on vous accuse de gêner cette alliance ?
ADO : Ecoutez, partout où je suis passé, j'ai parlé du RHDP. Je suis d'accord avec vous que c'est une région où tous les élus sont PDCI. Et partout où je suis passé, ils étaient présents à nos côtés. Que ce soit les maires, les présidents de Conseils généraux ou leurs représentants, ils étaient présents. Il y a même des délégations du PDCI qui venaient me voir, avant ou après mes rencontres. Alors nous, nous croyons beaucoup au RHDP. Nous considérons que c'est ensemble que nous allons gagner ces élections. Pour revenir au sondage, le RHDP est donc sûr de gagner. Puisqu'on dit que Bédié fait 29 % et moi, 28 %. Donc, 29 plus 28, cela fait 57 (Rires). Nous, nous avons comme politique d'aller expliquer aux populations ce que nous pouvons faire et comment nous allons le faire. Maintenant, si nous en bénéficions pour les présidentielles, c'est tant mieux. Mais aux législatives et aux autres élections, nous serons ensemble. C'est vrai qu'au premier tour, nous sommes tous adversaires, car nous avons des idéologies différentes. Le RDR est un parti libéral comme le PDCI. De ce point de vue, nous partageons nos politiques et nos ambitions économiques. Nous sommes tous deux des partis houphouétistes. Nous avons donc beaucoup de choses en commun. Pour ce qui est des différences, ce sont les populations qui jugeront en fonction de nos passages et de nos discours. Mais fondamentalement, nous disons que ce n'est pas la politique du FPI qui est appropriée pour la Côte d'Ivoire.

Ma deuxième question concerne la situation au Niger, présentement. Nous remarquons que beaucoup de leaders africains refusent de se prononcer sur cette question. Alors vous, quel est votre pont de vue sur cette question ?

Je suis attristé par ce qui se passe là-bas. Je le dis avec la plus grande sincérité. Je connais tous les acteurs politiques au Niger. Quand j'étais Directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI), c'était au moment de la transition avec le Président Barré Maïnassara, j'étais allé à la demande des grands pays, avant l'adoption du programme par le Fonds monétaire, parler au Président, mais également aux opposants, pour les ramener à une situation modérée. Je me souviens, après le Président Barré Maïnassara, j'ai rencontré les opposants Tandja, Mahamane Ousmane et bien d'autres. Ce sont des gens que je connais bien. Je suis donc vraiment attristé. Je pense qu'il ne faut pas mettre de l'huile sur le feu. C'est peut-être ce qui explique la position de beaucoup de chefs d'Etat africains. Il faut plutôt les encourager à trouver une solution médiane. Rien ne sert de créer des tensions inutiles. Nous avons vu ici, dans notre pays, ce que les tensions ont donné comme résultats. Il faut donc éviter cela. Il faut que les Nigériens, surtout les hommes politiques se ressaisissent, afin de sortir le Niger de cette situation. Cela ne peut se faire que par les Nigériens. Nous, nous devons avoir comme attitude de les encourager à trouver une solution, plutôt qu'à condamner à droite et à gauche.

Q : Un membre de votre alliance, le ministre Anaky Kobena soutient que si le RHDP ne présente pas un candidat unique, le Président Laurent Gbagbo va remporter les élections. Pouvez-vous nous dire aujourd'hui, si oui ou non le RHDP présentera un candidat unique ?
ADO : Pour moi, c'est une question qui se pose plus. Puisque nous avons tranché cette question depuis mai 2005. Nous avons signé un pacte. Nous avons créé ce rassemblement. Nous avons dit les conditions dans lesquelles nous allons être ensemble. Nous avons exclu, dès le départ, la candidature unique. A moins qu'on ne se retrouve pour dire autre chose. Mais la question n'est pas d'actualité. Je ne vois donc pas quelle est la cohérence de ce raisonnement. Je ne partage pas cette analyse. Je suis désolé, je n'ai pas vu cette déclaration du président Anaky. Mais s'il l'a faite, je suis en désaccord.

Q : Monsieur le président, ma question concerne l'affaire du journaliste Guy-André Keiffer. Pendant que nous assistons à de nouveaux témoignages, on nous parle d'évasion de l'un des principaux témoins de la MACA. Alors, quel commentaire.
ADO : () C'est un procès qui est en cours. Et je pense que tout le monde a intérêt à ce qu'il y ait la lumière sur cette affaire. Ce n'est pas du tout bon pour l'image de notre pays, que chaque trois mois ce problème rebondisse et qu'on mette en cause les autorités politiques au plus haut niveau. Cela ne nous fait pas honneur. Il faut donc que la lumière soit faite, pour qu'on sache clairement ce qui s'est passé. Si à chaque fois on a le sentiment qu'il n'y a pas la vérité, évidemment, cela complique les choses pour tout le monde.

Q : Vous avez dit qu'une fois élu, vous serez plus regardant dans les programmes du FMI et de la Banque Mondiale qui seront appliqués à votre pays. Venant de vous, cela surprend, dans la mesure où vous avez été DGA du FMI. Est-ce à dire en toute franchise que des mauvais programmes sont souvent adoptés au FMI et à la Banque mondiale pour des pays ?
ADO : Non, je ne l'ai pas dit ainsi. Peut-être que je me suis mal exprimé. Vous savez les discussions de ces programmes sont des négociations. Moi, j'étais directeur Afrique de 84 à 88. Quand une mission part dans un pays, pendant un mois, on fait ce qu'on appelle un briefing-paper. C'est-à-dire un document dans lequel on dit dans la première partie, voici la mission qui va partir, elle va séjourner de telle date à telle autre, elle va rencontrer telles ou telles autorités y compris le chef de l'Etat. La deuxième partie dit, voici la situation économique et financière du pays. La troisième partie fait cas de l'état des relations avec le FMI. Et en quatrième partie, voici les objectifs de la mission. Vous savez, dans une négociation, tout dépend de ceux qui négocient. C'est ce que je voulais dire. Si on est responsable de son pays, on doit avoir des positions fermes sur un certain nombre de choses et convaincre les partenaires. C'est ainsi que le Ghana a réussi à maintenir son cocoa-baord . Ici, pourquoi avons-nous accepté toutes ces caisses dans la filière café-cacao ? A ma connaissance, ce n'est pas le Fonds monétaire ou la Banque mondiale qui les ont imposées à la Côte d'Ivoire. Si la Côte d'Ivoire n'en voulait pas, elle n'avait qu'à le dire. Nous avons restructuré la caisse de stabilisation de 92 à 93. Mais nous avions maintenu la Caisse et nous avions demandé qu'elle joue un rôle équivalent aux grandes structures. C'est-à-dire qu'elle soit, non seulement dans l'exportation et la cotation sur le marché international, mais qu'elle puisse également acheter, qu'elle fasse comme les sociétés. Cela met, d'ailleurs, la pression sur la Caisse pour qu'elle soit mieux gérée et plus compétitive. Moi, je n'aurais jamais accepté la dissolution de la Caisse de stabilisation. C'est ce que j'ai voulu dire.
Ceci étant, ayant vu moi-même dans l'exercice de mes fonctions, la faiblesse de beaucoup de gouvernements dans nos négociations, j'ai créé l'Institut International pour l'Afrique (IIA) à Washington, où j'ai avec moi, des anciens du FMI, de la Banque Mondiale et de d'autres Institutions. Ally Coulibaly, ici présent, m'a accompagné plusieurs fois à Washington. Il connaît nos bureaux là-bas. Nous faisons de l'assistance aux gouvernements pour mieux négocier avec les Institutions. C'est donc une question de capacité de négociation. Evidemment, je suis tout de même mieux placé pour négocier avec ces Institutions. Cela ne veut pas dire que ces Institutions ont de mauvais programmes. Tout dépend de ce qui est proposé. Mais si on accepte ce qui est proposé, cela devient automatiquement notre programme et non le programme du FMI. Parce que les experts qui viennent ne connaissent pas forcément certaines réalités du pays. C'est donc aux gouvernants de les convaincre. Je peux vous dire aussi que quand je suis arrivé au Fonds comme Directeur général adjoint et que je partais dans un pays, j'ai été le premier à vouloir rencontrer aussi bien les gouvernants que l'opposition, les syndicats et bien d'autres structures de la société civile. Je vous avoue qu'au début cela n'a pas été facile avec certains pays que je ne nommerai pas. Par exemple, je suis arrivé dans un pays voisin au nôtre. Le chef de l'Etat m'a reçu et m'a demandé pourquoi, je voulais aussi rencontrer ses opposants. Je lui ai dit tout simplement qu'il fallait aussi que je les rencontre pour savoir ce qu'ils pensent. On ne peut pas négocier uniquement avec ceux qui sont au pouvoir. C'était la première fois, mais j'ai tenu et j'ai rencontre l'opposition à l'Assemblée nationale. Et cela a été une première dans ce pays. Egalement au Ghana, là je peux en parler plus facilement, j'ai rencontré l'opposition en 95, au cours d'un déjeuner qui avait été offert par ceux qui viennent de quitter le pouvoir. Cela a été ainsi dans tous les pays où je suis allé. Le Fonds est donc beaucoup ouvert aux pays. Ces derniers doivent donc se doter de système de négociation plus fort, pour ne pas accepter n'importe quoi. Je pense pour ce qui a été de la création de ces multiples structures, cela a été du n'importe quoi.

Q : Monsieur le président au cours de vos meetings, vous insistiez sur la tenue effective des élections le 29 novembre 2009. Qu'est-ce qui explique une telle détermination ?
ADO : Vous savez, quand on aime son pays, on est aussi préoccupé de son image. Moi je ne suis pas fier que les gens nous ridiculisent tout le temps sur la date des élections. A force de reporter, on devient finalement ridicule. Je crois que c'est un problème de gestion. Mais pourquoi avoir fixé une date si on n'est pas sûr de la tenir. Par contre, j'estime que la date du 29 novembre est raisonnable. Je pense que pour cette datte les conditions sont maintenant réunies. C'est pour cela que j'insiste pour dire qu'il n'y aura pas de glissement. En réalité, la plus importante chose à faire, c'était d'arrêter l'opération de l'enrôlement. Cela a été fait le 30 juin. Nous nous sommes mis d'accord là-dessus au CPC. C'est pourquoi, j'ai été d'ailleurs surpris de voir des gens dire que l'enrôlement doit continuer. Alors que le chef de l'Etat, le Premier ministre, l'ancien président et l'ancien Premier ministre se sont mis d'accord pour dire que l'enrôlement s'arrête le 30 juin. Qui sont donc ces gens-là ? Que représentant-ils ? La Commission électorale, elle, voulait même arrêter l'enrôlement le 15 juin. Mais après discussion et pour faire plaisir, nous avons accepté d'ajouter un délai de 15 jours, qui était définitif. Nous nous sommes mis d'accord pour dire qu'il faut avoir la liste électorale en septembre. Et que ceci devrait permettre de faire les élections le 29 novembre. Ces temps-ci, il y a un chronogramme qui a été publié par la CEI. Mais ce chronogramme, nous, nous l'avons depuis le mois de mai. C'est un chronogramme crédible. Il n'y avait que le problème du financement de la CEI et la Sagem. Pour ce qui concerne la CEI, nous avons entendu le ministre de l'Economie et des Finances qui nous a donné toutes les assurances. Ensuite, pour le financement de la Sagem, le président de cette structure avait lui-même fait le déplacement à Ouagadougou. Nous l'avons reçu à huis clos. Il a posé ses conditions. Et je pense que chacun de nous est intervenu. Moi, je suis intervenu personnellement, auprès de mes amis du gouvernement français, afin qu'ils nous accordent certaines facilités de remboursement. Même si on ne peut pas tout payer maintenant, il faut dire que la Côte d'Ivoire est éternelle. Elle ne va pas disparaître après les élections dans six mois. Il faut donc qu'on soit raisonnable. Quand on prend l'exemple du Ghana, c'est deux mois après les inscriptions qu'il y a eu les élections. Or le Ghana a tout de même beaucoup plus d'électeurs que nous. Ce pays a entre 9 et 10 millions d'électeurs. Le Nigeria avait 70 millions d'électeurs. Quand ils ont fini les inscriptions, c'est seulement trois mois après qu'il y a eu les élections. Alors que l'électorat du Nigeria fait près de dix fois celui de la Côte d'Ivoire. Il n'y a donc aucune raison objective pour ne pas faire les élections le 29 novembre. Ce qui me surprend, c'est qu'a un moment donné des gens veulent aller aux élections, après ils disent autre chose. Cela n'est pas reluisant pour l'image de notre pays. Je pense que quand on a arrêté quelque chose, qu'on l'applique. Souvenez-vous que la CEI avait arrêté la date du 11 octobre pour les élections. Mais on s'est dit qu'il fallait qu'on se donne encore un mois pour être sûr que tout sera réglé et qu'il n'y aura plus de report. Honnêteté, il n'y a pas de raison pour qu'il y ait un nouveau report.

Q : Monsieur le président, depuis un mois, deux propos ont été attribués au président Français Nicolas Sarkozy. Il les aurait tenus à Libreville et ensuite à New-York. A cet effet les jeunes patriotes, ont fait un communiqué pour appeler au calme. Les Forces nouvelles également. N'y-a-t-il pas là un risque de regain de tension entre la France et la Côte d'Ivoire qui pourrait créer à nouveau des sentiments anti-français dans les rues, manifestation qui pourrait conduire à un report des élections ?
ADO : Mais en quoi les populations que nous sommes, sommes concernées par tout cela. Honnêtement, je ne comprends pas. Moi, je suis pour la liberté d'expression. Le président Sarkozy dit ce qu'il veut. Nous nous disons ce que nous voulons. Et quoi cela est un problème ? Obama est allé au Ghana. Il a fait un discours. Certains l'ont apprécié et d'autres pas. Nicolas Sarkozy a fait un discours en Afrique du Sud. Certains l'ont apprécié et d'autres pas. C'est la liberté d'expression. Si nous nous muselons, nos concitoyens, ne pensons pas tout de même que nous pourrons museler le monde. Je ne comprends donc pas l'appel au calme. A moins qu'ils ne veillent s'appeler eux-mêmes au calme. (Rire). Sinon, je ne comprends vraiment pas leur logique.

Q : A Bettié, vous avez dit, concernant les prisonniers de la filière café-cacao, qu'il faut soit les juger, ou soit les libérer. Est-ce encore une manière pour vous de décrier la justice ivoirienne ?
ADO : Comme je vous le dis, je crois à la liberté d'expression. Moi, je suis pour l'Etat de droit. On ne peut pas enfermer des gens comme cela. Il y a tout de même des procédures. Ce sont des personnalités qui sont quand même connues en Côte d'Ivoire. Alors pourquoi ne pas leur accorder une liberté conditionnée ou provisoire, jusqu'à ce que la justice les entende. On va les mettre dans des conditions dégradantes et humiliantes, alors qu'ils ne sont pas encore jugés coupables. Il faut quand même respecter la présomption d'innocence. Cela ne veut pas dire que je partage ce qu'ils auraient commis comme crime économique. Mais, je dis qu'il faut respecter les procédures de droit. Tout cela est prévu par la loi.

Q : Monsieur le président, après le Moyen-Comoé, quelle sera la prochaine étape de vos tournées à l'intérieur du pays ?
ADO : A partir de vendredi prochain, nous allons dans le Haut-Sassandra, où nous passerons une semaine. Nous ferons Daloa, Issia, Oumé, Gagnoa, Divo et Lakota. Après, nous aurons une semaine de repos et on repart. Ce sera ainsi jusqu'au 15 novembre.

Q : Le ministre de l'Agriculture est de votre bord, il est même votre Directeur National de Campagne. Ne craignez-vous pas que cette procédure que vous demandez l'atteigne ?
ADO : Non, pas du tout. Déjà, quand j'étais en France, le ministre de l'Agriculture m'envoyait beaucoup d'informations sur les saisines qu'il a eu à faire aux autorités en place. Mme Diabaté aussi. Et je leur disais chaque fois, écrivez et envoyez-moi copie. Il l'a fait. Il a écrit plusieurs lettres au chef de l'Etat et aux différents chefs de gouvernement, concernant la filière café-cacao. J'ai toute cette documentation. Il a toujours écrit pour dénoncer un certain nombre de choses. Mais, comme je l'ai dit, il n'avait pas la décision. Je n'ai donc aucune crainte sur cette question.

Q : Parlant de l'initiative PPTE, la Côte d'Ivoire est en phase de bénéficier des retombées de cette initiative. Alors quel commentaire faites-vous de cela ?
ADO : Je crois que j'en ai longuement parlé au cours de mon entretien avec les journalistes de Fraternité Matin. C'est une bonne chose que nous ayons atteint ce niveau. Vous savez, la date limite c'était le 31 mars. Souvenez-vous, le FMI l'a approuvé le 28 mars et la Banque mondiale, le 31 mars. Cela nous donne quand même des perspectives de pouvoir effacer cette dette. Mais, il faut savoir que ce ne sera pas aussi facile qu'on le croit. Il faudra une gestion rigoureuse. Et il faudra d'abord des élections. Le Directeur général du FMI, Dominique Strauss-khan l'a dit quand il est venu en Côte d'Ivoire : S'il n'y a pas d'élection, il n'y a pas de point d'achèvement . C'est donc pour toutes ces raisons que je suis confiant que nous ferons les élections. Parce que personne ne veut qu'il y ait une crise financière en Côte d'Ivoire. Quand je dis cela, des gens disent que je suis un opposant bizarre. Parce que, selon eux, ce sont des choses que l'opposition devrait souhaiter pour faire partir le régime. Mais, je leur réponds qu'en le faisant, c'est la Côte d'Ivoire qui partirait avec le régime. Nous ne pouvons donc pas accepter cela. Même si on est opposant, la Côte d'Ivoire doit être notre priorité. Quelque soit la situation, nous devons aider notre pays à avancer vers l'obtention de cette facilité. Je souhaite vraiment qu'on puisse faire les élections pour que les choses se passent bien pour la Côte d'Ivoire.
DS

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