mardi 7 juillet 2009 par Nord-Sud

Le chef d'état-major des armées, le général de division Philippe Mangou, a accepté de nous recevoir hier à son cabinet pour dire un mot sur sa récente colère dirigée contre le président du Rassemblement des Républicains.


?Mon général, l'Armée qui sous votre commandement avait retrouvé le chemin du légalisme, semble s'aventurer à nouveau sur le chemin politique, pourrait-on dire. A titre d'exemple, il y a eu l'interpellation de M. Anaky Kobenan, un président de parti politique, par la DST sur plainte de l'Armée. Il y a ensuite votre récent coup de colère publique contre M. Ouattara, un candidat à la présidence de la République. Ne sommes-nous pas en train d'assister à un retour de l'Armée sur la scène politique ?

Pas du tout. Il ne s'agit aucunement d'une immixtion de l'Armée dans le jeu politique. Il s'agit simplement de mises en garde. Parce que nous avons été instruits par certaines situations. Vous vous rappelez qu'avant que n'intervienne la crise ivoirienne que nous connaissons actuellement, à l'époque déjà, un journal de la place avait divisé la Côte d'Ivoire comme elle l'a été plus tard, lors de la crise. Personne n'y a eu à redire. Et aujourd'hui, nous avons des politiques qui font référence à ce qui s'est passé à Madagascar et qui lancent des appels, sous forme voilée, à l'Armée. Quand il dit : faisons comme ce qui s'est passé à Madagascar , moi je vous demande : à Madagascar, quels sont ceux qui ont fait partir le président élu ? . C'est bien l'Armée. Donc nous avons réagi pour dire à cet homme politique que l'Armée ne fera pas comme à Madagascar. Notre mission est de protéger les institutions de la République. Et le président est une institution de la République. Je voudrais ajouter ceci : il faut que les uns et les autres comprennent qu'on ne peut pas injurier le président de la République comme cela. Le président de la République est au-dessus de nous, c'est notre chef à tous. Il n'appartient à personne, quels que soient les griefs que cette personne nourrit contre le président, de l'injurier. Nous ne pouvons pas l'accepter. Et surtout, nous ne pouvons pas accepter que des hommes politiques lancent des appels voilés au soulèvement à l'Armée. Voilà ce qui nous a amenés à réagir. C'est notre manière à nous de lui dire que, contrairement à ce qui s'est passé à Madagascar, les choses ne se passeront pas ainsi en Côte d'Ivoire.


?L'on a quand même été surpris d'entendre les propos musclés que vous avez tenus en réponse à M. Alassane Ouattara lors de votre récente tournée dans les casernes. L'Armée ne va-t-elle pas prendre parti pour un candidat dans le jeu politique ?

Je réponds clairement à votre question : l'Armée restera neutre dans le débat politique. Nous allons garantir la sécurisation des élections. Et cette sécurisation nous la mènerons de manière mixte avec nos frères des Forces nouvelles ainsi qu'avec les forces impartiales. Je le répète : notre mission consistera en la sécurisation des élections de manière à ce qu'il y ait un vote libre, transparent et non entaché d'irrégularités. Voilà !


?Mais c'est bien après le meeting de M. Alassane Ouattara à Béoumi au cours duquel il a qualifié les bombardements opérés par vos hommes de stupides et honteux que vous avez fait une tournée des casernes. N'êtes-vous pas en train de dresser l'Armée contre ADO ?

Les raisons qui nous ont amenés à faire cette communication dans les casernes sont bien simples. Nous n'apprécions pas que l'on nous dise que nous avons été stupides sur le terrain, que nous avons posé des actes honteux. Comme je l'ai précisé, l'Armée a des missions. Et quand nous combattons, il y a certaines missions que nous confions aux unités du Génie. Elles ont pour missions d'une part de construire pour faciliter la progression rapide des amis et d'autre part, de détruire pour retarder ou empêcher l'avancée de l'ennemi. Donc nous disons, si des politiques ne veulent pas que nous détruisions notre pays - et notre souhait n'est pas de détruire notre pays - qu'ils ne nous importent pas la guerre ! Si on nous importe la guerre, eh bien nous la ferons. Et chacun sait que la guerre est synonyme de destruction. Ce que je déplore chez nos autorités politiques, c'est que ces personnalités-là sont aujourd'hui gardées, escortées par des frères d'armes qui sont venus d'ailleurs. Malheureusement ces personnalités oublient peut-être que toute chose a une fin. Toute chose a une fin. Un jour, ces hommes partiront. Et en ce moment, elles auront recours aux Forces de défense et de sécurité pour les protéger. Donc qu'elles fassent attention à ce qu'elles disent maintenant. Et surtout, nous leur demandons d'avoir du respect pour les éléments des Forces de défense et de sécurité de Côte d'Ivoire. Ces hommes et ces femmes, qui de jour comme de nuit, dans des conditions extrêmement difficiles, assurent leur sécurité et font en sorte que la paix règne en Côte d'Ivoire, pour leur permettre de sillonner le pays pour faire campagne. Voilà l'appel que nous leur lançons.


?Mon général, on comprend assez difficilement que c'est lorsque M. Alassane Ouattara a tenu les propos incriminés que vous avez piqué un coup de sang. Pourtant, il est notoire que M. Konan Bédié fait campagne et tient des propos plus durs que ceux de M. Ouattara. Pourtant à lui, vous ne dites rien. A quoi est-ce dû, cette tolérance ?

Des deux que vous citez, le second cité ne s'en est jamais pris à l'Armée. Tant que vous faites votre campagne politique et que vous ne parlez pas de l'Armée, nous ne disons rien. Nous sommes neutres. Nous observons. Mais dès l'instant où vous vous en prenez à nous, nous allons répondre. Ah oui ! Vous savez, les gens oublient très vite, malheureusement. Ils ne trouvent l'Armée républicaine que lorsqu'ils sont au pouvoir. Tant qu'ils sont au pouvoir et que nous nous mettons à leur disposition, ils nous trouvent républicains. Mais quand ils passent dans l'opposition, alors pour eux l'Armée cesse d'être républicaine. Il faut qu'ils comprennent que nous, nous avons une mission : servir, protéger et défendre les institutions de la République. Si demain, c'est eux qui incarnent les institutions de la République, nous allons nous mettre à leur disposition pour travailler. Il ne faudrait pas que les uns et les autres pensent que, s'ils viennent au pouvoir, ils vont balayer tous les hommes et toutes les femmes de l'Armée actuelle pour mettre des hommes et des femmes neufs à la place. C'est nous encore qui serons là. Donc quand on parle de l'Armée, il faut faire attention. C'est tout ce que j'avais à dire. Je vous remercie.

Entretien réalisé par Touré Moussa

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