mardi 7 juillet 2009 par Le Patriote

L'organisation de la présidentielle le 29 novembre prochain demeure la préoccupation de la classe politique dans son ensemble. Si une partie de l'opinion y croit, cela ne semble pas être le cas pour l'Union pour la démocratie et la paix (UDPCI). Pour son 3e Secrétaire général adjoint en charge de la mobilisation, Jean Blé Guirao, pas de doute: si Gbagbo n'y est pas forcé, il n'organisera pas d'élections.

Le Patriote: Vous avez affirmé récemment que l'assassinat du général Gueï était l'?uvre des hommes du colonel Dogbo Blé, de la Présidence de la République. D'où tenez-vous ces révélations?
Blé Guirao: Je voudrais vous rappeler que la crise que vit la Côte d'Ivoire et dont elle est en train de sortir, a commencé le 19 septembre 2002. Ce jour-là, tout le monde a entendu sur les antennes des radios et télévisions nationales et internationales, les propos d'Affi N'Guessan, alors Premier ministre, de Lida Kouassi Moïse, ministre de la Défense et d'Alain Toussaint, chargé de mission du Président Laurent Gbagbo. Tous disaient de manière récurrente que le président Gueï, en route pour les locaux de la télévision ivoirienne, a eu des altercations avec les forces républicaines qui l'ont éliminé. C'est sur cette version qu'ont voulait attacher l'opinion. Pourtant, le corps du président Gueï qui était exposé sur la Corniche, était habillé en jogging. La position du corps montrait déjà quelque chose d'anormal en ce sens qu'il a été mis dans le sens Cocody Adjamé. Tout le monde était donc attaché à cette version. Moi, j'étais dans la clandestinité d'où je suis sorti le 4 août 2003, c'est-à-dire 11 mois après. Dès cet instant, mon bureau et moi, avions commencé à travailler. C'est dans nos démarches qu'avec l'aide de nos aînés, nous avons obtenu un rendez-vous avec le sommet du clergé catholique, c'est-à-dire Monseigneur Agré. J'avais dit, ce jour-là aux journalistes, que le moment viendrait où j'allais parler et dire ce que notre hôte du jour nous a dit.

L.P: Que vous a-t-il dit en substance?
BG: Monsieur Agré nous avait dit de ne rien nous reprocher, et que le président Robert Gueï n'était ni de près ni de loin lié à la rébellion. D'après son témoignage, Robert Gueï se serait réfugié dans un carton à l'intérieur de la Cathédrale Saint Paul. C'est de là que les gens sont venus le prendre. Ces derniers ont dit aux prêtes qu'ils avaient l'information que Robert Gueï s'était réfugié à l'église.
Les problèmes qui se posent aux enquêteurs sont maintenant de savoir qui a donné l'ordre aux hommes de Dogbo Blé de venir prendre le général Guéi? Qui a informé le Président Laurent Gbagbo de la présence du général à l'église? Nous pensons qu'avec le retour de la paix, il est temps que la vérité éclate sur la mort du Général Gueï. C'est pourquoi, nous formulons le v?u que le Président qui sera élu le 29 novembre mette sur pied une commission d'enquête qui fera la lumière sur les grands assassinats que la Côte d'Ivoire a connus.

LP : En tant qu'homme politique à qui l'on fait des confidences, n'êtes-vous pas en train de trahir une confidence, notamment celle que Monseigneur Agré vous a faite?
BG : Non! Je ne pense pas que je sois en train de trahir une confidence. Vous savez, dans chaque chose, ce qui est important c'est l'opportunité. Notre rencontre avec Monseigneur Agré a eu lieu dans le mois de janvier 2004. Nous sommes aujourd'hui en juillet 2009. Cinq ans se sont écoulés. Il est aussi bon de temps en temps de le rappeler.
Je voudrais dire que l'histoire a une mémoire. Le Président Gbagbo vient d'une tournée à l'ouest du pays. Vous avez vu, tout ce qui a été fait autour, visant à faire croire aux populations que l'UDPCI voulait empêcher cette tournée. Cette tournée était organisée pour tuer l'UDPCI selon eux. On a présenté des gens qui, depuis 2003, ne militent plus à l'UDPCI comme militants de notre parti. Le moment est venu pour nous de rappeler de temps en temps, les gens pour leur dire que sur tel ou tel sujet vous êtes dans le vrai ou dans la faux. Nous n'avons pas trahi les confidences de quelqu'un. Au contraire, je pense que l'église catholique a un devoir de mémoire et de vérité. Il faut que la vérité se manifeste. Dieu étant la vérité. Il faut éviter qu'on continue de vivre dans le mensonge, dans l'hypocrisie. Ces mensonges font que le pays connaît plusieurs catastrophes. Je fais allusion aux 19 mors du stade Félix Houphouët et aux autres morts liés à la pluie. Les gens disent tellement de contrevérités que la Côte d'Ivoire n'est plus un pays béni de Dieu. C'est pour éviter que le pays continue dans le mensonge que nous rappelons de temps en temps certaines choses.

LP : Monsieur le chargé de la communication de la cathédrale, l'abbé Augustin Obrou que nous avons eu au téléphone, a indiqué qu'au moment des faits, Monseigneur Agré n'était pas à la cathédrale.
BG. Je n'ai pas dit que Monseigneur Agé était là. Je dis par contre, qu'il a reçu mon bureau et moi. Nous étions 10 y compris moi. A la fin de cette rencontre, nous avons organisé une conférence de presse pour faire le point à nos amis qui étaient restés dans la cour avant de quitter la cathédrale qui était barricadée de partout. Ce que je dis, a été un évènement public. Je dis simplement que Monseigneur Agré nous a indiqué le lieu où le général Gueï a été pris. Je n'ai pas encore avancé qu'il était là ou qu'il a été informé. Je le répète, l'église catholique a un devoir de vérité. Cette vérité peut consolider la paix. Nous sommes prêts à pardonner, nous avons d'ailleurs pardonné mais pour pardonner, il faut savoir.

LP : Ces révélations ne risquent-elles pas de réveiller les vieilles rancoeurs?
BG. Je ne veux pas réveiller quoique ce soit. Ce que je veux dire, c'est qu'avec la fin de la guerre, comme l'a déclaré le chef de l'Etat lors de sa tournée à l'ouest, tout se dise pour qu'on aille de l'avant. Pour nous, dire la vérité, permet aux gens de se soulager pour pardonner. Aujourd'hui, je peux dire que le peuple de l'ouest montagneux est un peu soulagé parce que leur fils qui a été présenté aux premières heures de la crise comme étant membre de cette rébellion, ne l'est plus, puisque des honneurs lui ont été rendus. Il a été réhabilité, avec lui, son parti politique. Parce que quand le président Gueï est décédé, les militants de l'UDPCI ont été indexés dans beaucoup de régions. Ils ont été accusés de tous les maux. Je pense que ce soit aujourd'hui ou après le 29 novembre, il faut qu'on sache un jour qui a tué notre président.

L.P. : Croyez-vous en la tenue des élections le 29 novembre 2009?
B.G : Nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas croire en ce que Laurent Gbagbo dit. Mais en même temps, quand nous voyons comment l'enrôlement s'est déroulé et comment la liste électorale se prépare, nous disons que c'est à nous de nous donner les moyens pour que Laurent Gbagbo respecte ce qu'il a dit. Si le 29 novembre, il n'y a pas d'élection la Côte d'Ivoire sera invivable. Parce que ceux qui nous aident au niveau international sont fatigués d'être tournés en bourrique. Ils risquent de nous lâcher. Or, s'ils nous lâchent, ce sera grave pour le pays. L'enrôlement est un processus parce que chaque jour que Dieu fait, il y a un Ivoirien qui est en âge d'être enrôlé. Je ne crois pas à ce que Laurent Gbagbo a dit. Mais c'est à nous de lui forcer la main pour qu'il organise les élections. Pour cela, nous devons parler d'une même voix.
Interview réalisée par
Yves-M. ABIET

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