samedi 4 juillet 2009 par L'intelligent d'Abidjan

Depuis le 15 juin 2009, neuf (9) syndicats de la santé exécutent dans les hôpitaux publics un mot d'ordre d'arrêt de travail. Dans cet entretien qu'il nous a accordé en sa qualité de porte-parole du collectif desdits syndicats, le Dr Ernest Atté Boka, par ailleurs secrétaire général du Syndicat National des Cadres Supérieurs de la Santé de Côte d'ivoire (Synacassci) fait le point de ce mouvement qui paralyse les hôpitaux. Pour sortir de l'enlisement et éviter une nouvelle grève sans service minimum , il interpelle le Président de la République SEM Laurent Gbagbo et l'exhorte à s'approprier les revendications des personnels de santé devant l'impasse constatée au niveau du Premier ministre. Cela fait maintenant 18 jours qu'à l'appel du collectif des syndicats des personnels de santé dont vous êtes le porte-parole, le fonctionnement normal des formations sanitaires publiques est contrarié par un mot d'ordre de grève. Quel est à ce jour le point du mouvement ? Le mouvement que nous avons lancé le 15 juin 2009 est largement suivi sur toute l'étendue du territoire national. Les formations sanitaires sont paralysées. Nous ne nous en réjouissons pas puisque notre mouvement n'est pas orienté contre les populations. C'est d'ailleurs pour les populations que nous avons concédé au gouvernement le service minimum. Nous avons même fait mieux en procédant à l'élargissement du minimum à tous les CHU, les CHR et hôpitaux généraux. Il s'agit par cet acte majeur, de montrer notre bonne foi. Hélas, ce signal fort de notre part n'émeut pas, à notre sens, le gouvernement. Pourtant le Premier ministre vous a reçu le 15 juin dernier Certes, nous avons été reçus par le chef du gouvernement qui nous a fait l'honneur d'être en phase avec notre lecture des problèmes de nos corps, mais à ce jour, nos dossiers n'ont connu aucune avancée notable. Il avait promis réglé nos problèmes dans deux semaines. Ce délai a expiré le 30 juin 2009 sans que la résolution d'un seul point de nos revendications ne nous soit signifiée. Le constat que nous faisons est amer. Rien n'a été fait. Aucune instruction n'a été respectée. Nos dossiers sont restés en l'état. C'est d'ailleurs ce constat amer qui nous a contraint, la mort dans l'âme, à reconduire notre grève pour une semaine qui expire ce samedi 4 juillet 2009. Au cours de la rencontre à laquelle vous faites référence, le Premier ministre Soro Guillaume a indiqué qu'il donnait des instructions fermes. Mais nous constatons amèrement que les instructions du Premier ministre à ses collaborateurs que sont les ministres techniques et de tutelle ne sont pas exécutoires. Nous n'avons rien obtenu de concret après trois semaines de paralysie des prestations de soins. Vous notez n'avoir rien obtenu. N'est-ce pas votre refus quant à la suspension du mot d'ordre de grève sollicitée par le Premier ministre pour traiter sereinement vos dossiers qui est à l'origine de cet échec ? Non. Pas du tout. Nous ne pouvons pas lever la grève de manière unilatérale et clandestine. C'est une Assemblée générale qui a voté le mot d'ordre de grève et c'est ce même cadre qui peut suspendre le mouvement. Mais pour cela, nos camarades veulent des gages forts de l'Etat, des signes concrets du Gouvernement et non plus des promesses non tenues, des engagements pris non exécutés. En lieu et place de gages forts, ce sont des fausses promesses, des rencontres de ruse qui sont organisées et brandies dans les médias d'Etat contre nous. Diantre, quel est ce pays où on prend un décret, on ne le respecte, un protocole, on ne l'applique et des instructions, on les bafoue ? Quel est ce gouvernement qui joue au chat et à la souris avec les personnels de santé considérés comme acteurs d'un secteur sensible et particulier ? Nous nous interrogeons. Ce contexte n'est pas de nature à amener nos camarades à reculer. Nous ne pouvons donc pas reculer. Mais cela ne fait pas de nous des radicaux. Nous aimons notre pays autant que nos frères et s?urs des autres corps d'activités. Mais, nous ne saurons laisser perdurer le mépris de notre secteur considéré dans les discours comme sensible et particulier. Un décret a été pris en notre faveur. A sa date d'entrée en vigueur, il n'a pas été appliqué dans toute sa rigueur. Un protocole d'accord a été signé. Ce document dont la signature a été arbitrée par des leaders de la société civile n'a pas été respecté. Le Premier ministre qui promettait de régler le problème dans deux semaines, vient à son tour de nous rouler dans la farine. Cela n'est pas de nature à obtenir d'une assemblée générale, la suspension de la grève. Mais plutôt de sa radicalisation. Tant qu'il n'y aura pas d'actes concrets, il n'y aura pas d'accalmie. Est-ce à dire que le mouvement sera radicalisé dans les tout prochains jours? Cela n'est pas à écarter. Pour le moment, nous n'en sommes pas là. Et nous ne souhaitons pas y arriver. C'est pourquoi nous interpellons le gouvernement pour résoudre nos problèmes. Un cadre supérieur de la santé, après 9 ans d'études est payé à 173.000 F par mois. C'est une moquerie que nous ne pouvons plus tolérer. Un infirmier, une sage-femme ou encore un technicien de la santé est payé à moins de 150.000 F. Ce sont là des frustrations légitimes que nous ne pouvons plus accepter. Pour la revalorisation indiciaire et indemnitaire dont un décret a été pris, l'incidence financière est de 6 milliards. Et le gouvernement, pendant qu'il nous fait croire être dans l'impossibilité de prendre des engagements, vient d'en prendre avec les enseignants dont l'incidence financière de la grille indiciaire revalorisée est doublement voire trois fois supérieure au nôtre. Nous concernant, le gouvernement rechigne à prendre un simple acte administratif en faveur de l'intégration à la Fonction publique des filles et garçons de salle ainsi qu'en faveur des aide-soignants. Dans ce contexte, un durcissement du mouvement n'est pas à écarter. De l'élargissement du service minimum, on pourrait arriver rapidement à sa suppression. Et la responsabilité d'une nouvelle grève sans service minimum sera à imputer uniquement au gouvernement qui fait montre d'une incapacité notoire de régler des problèmes sociaux avérés et surtout pour lesquels lui-même a pris des engagements clairs. N'avez-vous pas peur du bâton qui pourrait à nouveau sortir et vous frapper d'autant plus que le Premier ministre vous a déjà avertis ? Nous nous attendons à des sanctions qui sont prévues par la loi. Mais si le prélèvement est disproportionné sur le salaire de base, cela entraînera ipso facto la radicalisation du mouvement. Si on fait l'amalgame, nous allons protester vigoureusement. Nous savons là où notre mouvement peut faire mal. Cette carte, nous ne l'avons pas encore sortie et n'entendons pas certainement l'abattre. Pour cela, le gouvernement doit nous accompagner en prenant des décisions salutaires qui sortent de l'impasse, de l'enlisement. D'ailleurs, s'il y a des sanctions, nous n'allons pas payer seuls cette fois-ci. Nous en exigerons aussi pour tous les ministres qui ont fait preuve de laxisme et d'irresponsabilité dans le traitement de nos dossiers. Notamment la prise d'actes administratifs portant intégration à la Fonction Publique les Filles et Garçons de salle non déflatés en 1998 et les Aide-soignantes du CHU de Yopougon qui se présente comme le dossier le moins complexe. Vous évoquiez tantôt que les agents de santé sont mal payés. Est-ce ce fait qui motive le racket dénoncé ici et là en milieu hospitalier et surtout de la part de vos camarades médecins ? C'est vrai que nos salaires de base sont insignifiants. Mais ce n'est pas parce qu'on est mal payé qu'il faut racketter. D'ailleurs, le Synacassci accorde un point d'honneur à la lutte contre le racket. C'est pourquoi, tant que je serai à la tête du Synacassci, je ne défendrai aucun médecin qui va se rendre coupable de racket. Tout médecin qui va racketter récoltera les fruits de son indélicatesse. Je ne vais défendre aucun médecin racketteur. Nous avons condamné dans la discrétion chaque fois que cela s'est posé, le racket de nos camarades. Nous le dénonçons également publiquement des fois. Et nous organisons des rencontres de formation continue à l'attention de nos camarades. Ces actions doivent être suivies par les autorités. Celles-ci doivent se donner les moyens pour ne pas que l'agent de santé s'érige en recouvreur d'actes de soins, pour ne pas qu'ils soient tentés par le racket. Notre rôle n'est pas de percevoir, d'encaisser de l'argent aux patients. Mais, il appartient au gouvernement, si tant est que nos corps constituent un secteur particulier de se pencher sur les graves dysfonctionnements qui jalonnent le milieu de la santé. Ce n'est pas le cas actuellement. Nous constatons un mépris de nos corps et cette indifférence peut déboucher sur la radicalisation du mouvement de grève. Nos revendications, je le rappelle, ne sont pas nouvelles. La prise d'un acte administratif intégrant à la Fonction Publique les Filles et Garçons de salle non déflatés en 1998 et les Aides soignantes du CHU de Yopougon, la fixation par le gouvernement d'une date raisonnable pour le paiement de la revalorisation indiciaire et le reliquat de la revalorisation indemnitaire, la tenue d'une rencontre tripartite sur la bi-appartenance des médecins enseignants et la reprise de travaux sur la Fonction Publique hospitalière en vue de son adoption par le gouvernement, ne sont pas de nouveaux dossiers. Déjà, un décret pour la revalorisation salariale et indemnitaire a été pris, mais il n'a pas été entièrement appliqué. Un protocole d'accord pour le paiement différé de l'incidence financière du décret du 04 janvier 2008 n'a pas été respecté. Les récentes instructions du Premier ministre Guillaume Soro n'ont pas été appliquées. Dans ce contexte, il importe que le président Gbagbo se saisisse à nouveau de nos dossiers. Nous souhaitons un nouveau dialogue direct avec lui. Il importe qu'il n'attende pas l'échec total de son Premier ministre pour prendre les dossiers en main. La situation s'enlise. Il importe d'éviter une nouvelle grève sans service minimum. Le président Gbagbo doit trouver les solutions rapidement pour mettre fin à la souffrance des populations. Il en est de même pour les organisations des droits de l'Homme qui doivent s'engager dans un vaste mouvement républicain de sortie de crise dans le secteur de la santé. Aux populations, nous disons que c'est le gouvernement qui nous contraint à déserter nos services. Nous faisons partie intégrante de cette population qui souffre des maux du système sanitaire national. C'est dommage que le gouvernement dont l'incapacité notoire à gérer nos dossiers ne fait plus l'ombre d'aucun doute, nous entraîne dans cette situation où des actes administratifs pouvaient être pris rapidement. Notre action n'est pas orientée contre la population. Je demande donc aux camarades, de respecter le dispositif relatif au service minimum. Les urgences doivent se faire correctement. Et ce, jusqu'à ce qu'une autre AG décide du contraire.

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