samedi 4 juillet 2009 par Le Nouveau Réveil

Bonjour cher ami Laurent,
Sous une pluie battante, jeudi, quand je te quittais à Abidjan, j'avais promis de te donner de mes nouvelles au quotidien et cela pendant mon bref séjour ici en Europe (Paris, Genève et Londres). Hier, tu n'as pas pu me lire parce que je m'adaptais à la période d'été (avec la chaleur suffocante) et parce que malgré la réservation faite depuis Abidjan, je n'ai pu avoir accès à ma chambre d'hôtel que dans l'après-midi. Bref, tout est rentré dans l'ordre et je te promets des courriers réguliers jusqu'à la fin de mon séjour.

Cher ami Laurent,
En faisant la revue de la presse ivoirienne hier, j'ai été attiré par la mise en garde (à mots couverts) que Bernard Kouchner a adressée aux principaux signataires de l'Accord politique de Ouagadou, devenu aux yeux de bien d'Ivoiriens un serpent de mer. Me trouvant à Paris et préoccupé tout comme toi et beaucoup de nos compatriotes de savoir ce que cachent les sorties assez fréquentes des hautes autorités françaises sur la présidentielle de novembre prochain dans notre pays, je me suis rendu hier matin au Quai-d'Orsay (siège du ministère français des affaires étrangères) pour en savoir un peu plus sur les menaces assez nettes du Président français Nicolas Sarkozy et de son ministre des AE, Bernard Kouchner. Contrairement aux institutions de notre pays, avec ma carte de presse et mon ordre de mission, j'ai été reçu (facilement et très bien) par le personnel dudit ministère. J'y ai fort heureusement trouvé un ami mien qui a bossé à l'Ambassade de Côte d'Ivoire avant le coup d'Etat de décembre 1999. Ce fut pour moi, hier, un coup de chance puisqu'il maîtrise bien la politique ivoirienne même, s'il ne traite pas directement le dossier de notre pays. Nous avons parlé d'Abidjan des années 95 à 99. De ces propos transparaissait une nostalgie assez profonde de la Côte d'Ivoire. De Biettry, d'Assouindé, de Toumodi, de Yamoussoukro, de San-Pedro, de Man, de Bouaké, l'ami mien, dont je préfère taire le nom dans cette lettre, en parlait et se souvenait de beaucoup de choses agréables qui ont marqué son séjour sur notre sol. En quelques mots, j'ai eu à lui dire que la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui n'est plus la Côte d'Ivoire d'hier dont il parle avec tant de plaisir. Elle porte les stigmates de Bob (paix à son âme) et de ses jeunes gens", des refondateurs avec à leur tête, l'opposant historique Gbagbo Laurent. Je lui ai peint en termes convenables et bien choisis le tableau très sombre de la Côte d'Ivoire défigurée depuis le départ du pouvoir par la force des armes du Président Henri Konan Bédié. Mon ami mien, à vrai dire, ne semblait pas être surpris par tout ce que je lui disais parce qu'il ne faisait qu'acquiescer. Je me suis rendu compte une quinzaine de minutes après que j'avais affaire à un diplomate. Ce corps de métiers de curieux où l'on feint d'ignorer alors qu'on sait tout. Il a eu, lui, à me faire des révélations sur les attentes, et les vraies, des autorités françaises par rapport à la présidentielle fixée au dimanche 29 novembre 2009. Il a été, on ne peut plus, clair, à mon avis, même si ce qu'il a dit revient de temps en temps dans des causeries politiques à Abidjan ces derniers temps.

Cher ami Laurent,
L'ami mien, avant de me faire visiter hier les bâtiments du Quai d'Orsey, que je retrouvais six (6) années après (j'y étais en janvier 2003 lorsque De villepin recevait les acteurs politiques ivoiriens après les accords de Marcoussis et Kléber), l'ami diplomate mien m'a laissé entendre que "la France est prête à assumer ses responsabilités cette fois-ci. Avec la crise financière aigue qui secoue le monde entier et qui ne l'épargne point, elle n'est plus prête à continuer de gérer et de supporter à elle seule, pratiquement, une guerre froide ivoiro-ivoirienne qui ne dit pas son nom". Pour le Français, cette période de "ni paix, ni guerre" que vit la Côte d'Ivoire depuis 2005 n'a que trop duré. La présidentielle du 29 novembre 2009 doit marquer la fin d'une crise qui aura plus profité à Gbagbo, et à ses hommes qui ont mis nos ressources à sac. Et qui s'y complaisent, ajoutera t-il, avec un peu d'amertume. Que peut faire la France pour forcer Gbagbo à accepter d'aller aux élections cette fois-ci ? Lui ai-je demandé sur un ton pessimiste, du reste, justifié puisque tout comme toi, nous savons que notre cher " Woody de Mama " peut sortir le 28 novembre 2009 au soir un autre plan pour tout remettre en cause. "Pour lui, la France, sa tasse de café sur les lèvres, amènera Gbagbo, Soro et surtout Compaoré, le facilitateur, à respecter cette fois-ci leurs engagements. Si tous trois décident d'ici le 29 novembre 2009 autre chose que ce qu'ils ont proposé, ils assumeront leurs actes". Pour lui et il est très formel, "Sarkozy, dans ce cas de figure, mettra fin à l'intermède de l'APO et on envisagera un autre plan qui amènera les Ivoiriens à élire un nouveau président avant la fin de l'année 2009. Et les conséquences immédiates à gérer, selon mon interlocuteur, sont : "Gbagbo n'aura plus le statut de chef d'Etat, Soro ne sera plus Premier ministre et Compaoré ne sera plus Facilitateur. L'impossibilité d'organiser la présidentielle en novembre prochain, quelles qu'en soient les raisons, consacrera, m'apprend crûment mon interlocuteur, la mort définitive de l'Accord politique de Ouagadougou. La France et toute la Communauté internationale (L'Onuci, tous les bailleurs de fonds) sont en train de se donner tous les moyens pour mettre fin à cette crise qui ne nourrit que ses propres enfants. Quelque peu agacé par mes questions, l'ami mien, en conclusion m'a juste dit ceci : "Si vous ne croyez pas en ce que je dis, attendez et vous verrezOu si vous avez le contact du directeur de cabinet du Président Gbagbo, approchez-le, il vous dira comment il a été reçu au mois de juin dernier et avec quel message diplomatique il est retourné à AbidjanSarkozy, à qui il était venu porter une invitation de Gbagbo, a demandé aux services du Secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéanet, qu'il effectuera une visite officielle en Côte d'Ivoire en janvier 2010. Après l'investiture officielle du nouveau Président de la République. Y'a-t-il message politique plus clair que celui que j'ai entendu hier, au Quai d'Orsay ? Tous les non-dits des discours que Sarkozy lâche ces derniers temps sont contenus dans les propos de l'ami mien qui m'a invité à dîner avec lui, mardi prochain, après la cérémonie de la remise du prix Félix Houphouët-Boigny pour la paix, au siège de l'Unesco, à Paris. Notre rencontre qui aura lieu sur la grande place des Champs Elysées me permettra sûrement d'avoir d'autres informations. Parce que là, l'ami mien, loin des murs du Quai d'Orsay, sera plus à l'aise à me parler. Mercredi donc, tu en sauras un peu plus sur la dernière carte de Sarkozy pour résoudre définitivement cette crise ivoiro-ivoirienne. Carte politique, cela s'entend, et qui sera bien commune à la France, à l'Onu et aux autres grands partenaires, visiblement tous essoufflésdiplomatiquement et financièrement.

Cher ami Laurent,
Permets-moi de mettre fin à cette si longue lettre de ce jour. A toi d'apprécier son contenu. Toutefois, un seul conseil politique : sache que les élections auront lieu en novembre ou au pire des cas avant la fin du dernier mois de cette année 2009. Sarkozy sera à Abidjan en janvier 2010. Il y sera reçu par notre nouveau Président de la République. Serait-ce, ton homonyme, Bédié ou Ouattara ? Dis à ceux qui n'y croient pas d'y croire fermement. Dis à tous ceux que tu connais de se tenir prêts à se mobiliser et de mobiliser les soldats de leurs partis politiques, à sensibiliser tous les Ivoiriens afin que le jour "J", qui n'est plus lointain, selon le dire de mon interlocuteur, qui n'est pas un diplomate "zozo", que tous se rendent aux urnes. La période de croisement des données d'identification-enrôlement pendant laquelle Gbagbo et ses partisans promettent encore l'enfer aux Ivoiriens "se passera sans heurts", nous rassure-t-on. Des dispositions ont été déjà prises. Plus rien ne sera comme avant. A lundi si Dieu le veut quand je reviendrai de la Suisse où je passe le week-end.


Ton ami, Kah Zion à Paris

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