mardi 30 juin 2009 par Le Temps

En politique, rien n'est gratuit. Pourquoi Alassane Dramane Ouattrara est passé d'un discours velouté, à l'actuelle posture faite d'agressivité à la limite de la vacherie ; avec donc des paroles méchantes, destinées à blesser ? Avant d'égrener les raisons de la nouvelle (?) stratégie de campagne politique de cet homme, un rappel des faits n'est pas superflu.

Lançant sa campagne à Abobo (commune abidjanaise), le N° 1 des centristes devenu de façon exceptionnelle candidat à la présidentielle ivoirienne grâce à l'article 41 de la Constitution, actionné par Sem. Laurent Gbagbo, Président de la Côte d'Ivoire, en marge de l'Accord de Pretoria, donnera l'impression d'avoir gagné en maturité politique. Et surtout en sagesse, pour qui connaît son parcours en Eburnie depuis son immixtion dans le marigot politique ivoirien.
En témoigne ses propos : "Je suis pour une campagne électorale apaisée", "civilisée", "je n'insulterai aucun des candidats à l'élection présidentielle de novembre 2009". Le disant, Alassane Dramane Ouattara (Rdr) affichait d'emblée la démarcation avec le Pdci (son allié de l'opposition). En effet, là où Bédié s'encroûtait dans la violence verbale, dans les insultes et accusations tous azimuts du Front populaire ivoirien (parti du président de la République), le mentor du Rdr jouait la pédale douce. Un ton mesuré. Qui lui vaudra au sein de la coalition hétéroclite des houphouétistes (Rhdp), moult salves inamicales. Les partisans du Pdci décrieront sa "pusillanimité" voir sa "complicité" avec le "camp présidentiel" lorsqu'à une étape de sa tournée, Alassane dira que "le Fpi n'est pas le seul responsable de la crise ivoirienne". Allusion faite semble-t-il au parangon de l'exclusion (Bédié) et à ses séides de l'"ivoirité " .On assistera dès lors, par presse interposée, à une passe d'armes violentes entre les camps Alassane et Bédié. Pour les contempteurs du Rdr, ce Ouattara nouveau était intrigant. Derrière son discours policé, ils y voient un homme " trop poli pour être honnête ". Ajoutant même que leur candidat naturel ( Pdci) dont le peuple connaît ses 12 chantiers, ne s'inscrit pas dans la lignée des prestidigitateurs, qui comme le mentor du Rdr, sème des "promesses" partout où il passe.
Aujourd'hui, la paix semble revenue entre les partisans du Pdci et ceux du Rdr. Le binôme Bédié-Alassane conforte sa relation essentiellement basée sur la violence verbale et physique. Au plaisir des supporters qui exultent et exaltent dans les colonnes d'un confrère au réveil renouvelé, cet amour vache. Les dérapages et autres pics lancés récemment par Alassane en campagne, soulèvent hourras,ici et là.
Pour vendre sa salade à Bouaké, Alassane prend un virage à 180 : "On n'acceptera pas que l'élection présidentielle prévue en novembre 2009 soit à nouveau reportéeVous (ex-rébelles) avez pris les armes contre une personne. C'était pour dire que cette personne n'était pas véritablement élue démocratiquement. Et qu'elle n'appliquait pas les principes démocratiques. Et encore que cette personne devrait s'effacer pour que la démocratie revienne en Côte d'Ivoire. Compte tenu de la situation qui perdurait vous avez accepté de faire en sorte que la personne demeure. Et elle est au pouvoir depuis quatre ans sans élection" (1)
48 heures plus tard, rebelote ! A propos de l'opération Dignité et du bombardement de Bouaké (par les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire), Alassane Dramane Ouattara, en campagne électorale à Béoumi, s'est voulu clair : "C'est un acte barbare et stupide" (2).

La réalité du terrain-le sondage de vérité

La compétition pour la pèche aux voix des électeurs est ouverte cette année. Car, les Accords de paix signés entre les belligérants ivoiriens font un point d'honneur à ouvrir le jeu électoral à tous. Alassane Ouattara n'est pas seul sur le terrain. Il chasse sur le même espace que Henri Konan Bédié et les autres. Aucun des alliés du Rhdp n'est prêt à s'écarter au profit de l'autre. Tous fourbissent leurs armes contre le chef d'Etat sortant. Ce dernier, pas encore en campagne, sillonne la Côte d'Ivoire pour annoncer la bonne nouvelle : "la guerre est finie", "la paix est là, à portée de main". Faisant au passage, de nombreux heureux dont les régions reçoivent de l'Etat, les instruments de développement qui, jusque-là, leur font défaut. Des ressortissants de certaines régions du pays à qui on avait présenté le Président de la République comme leur ennemi juré, découvrent avec ces visites d'Etat que, ce n'était que de l'intoxication. Résultat : L'opposition qui rêvait de chasses gardées, réalise que s'opère à ses dépens, une recomposition politique et géopolitique.
Les spécialistes en marketing politique, proches du Rdr, qui dans leurs laboratoires ont façonné le discours de leur leader, pour promouvoir ses idées et faire valoir ses points de vue afin d'obtenir un marché (électorat) plus vaste, réalisent avec en tête Alassane lui-même, que la mayonnaise ne prend pas. Les sondages qu'ils se sont fait réaliser par des agences spécialisées leur ont donné des résultats largement en deçà de leurs attentes. Laurent Gbagbo battrait de loin certains, dans leurs fiefs dits naturels. Ceci explique le changement brusque de ton adopté à Bouaké et à Béoumi par Ouattara, notamment. Redevenir agressif, violent, se dit-il, le rapprocherait à nouveau des amateurs de "grins", des "grenadiers voltigeurs", de la base du parti un peu désarçonnée par son langage d'avant son périple en "pays baoulé".
Seulement voilà !D'énormes fautes politiques sont commises par les stratèges de l'ex-Pm d'Houphouët : On ne va pas à la pèche de voix d'électeurs traumatisés par la crise militaro politique qu'a connue le pays, en ouvrant, la plaie mal cicatrisée des blessures occasionnées par des assaillants. Bouaké et ses environs ont souffert le martyr : Des femmes innocentes, danseuses d'Adjanou, ont été froidement exécutées. Sans raison ! La chefferie a été humiliée au point de perdre toute dignité. Des populations ont perdu biens mobiliers et immobiliers. Alors que toutes ces victimes commençaient, à l'ère de la réconciliation et de la paix recherchée, à pardonner aux pieds nickelés leur folie meurtrière, Ouattara vient fendre leur c?ur. En les plongeant à nouveau dans la vallée de larmes, par des propos du genre : "chers frères des Fn, votre combat était indispensable. Je vous félicite".
Comme pour dire qu'il tuerait père et mère pour devenir président de la République ou simplement candidat à la présidentielle.
Quel ivoirien, digne de ce nom, tomberait en extase face au retour du tueur en série dont le nom est cité dans les actes de déstabilisation du pouvoir et de déstructuration du pays depuis ces 20 dernières années ? Le coup d'Etat contre le président Bédié en décembre 1999, qualifié par son plus grand bénéficiaire de "révolution des ?illets", le complot du cheval blanc (contre le général Robert Guéi), le complot de la Mercédès noire reconnue par Ib plus tard, le coup d'Etat manqué de septembre 2002 transmué en rébellion
Féliciter ses filleuls à Bouaké pour avoir tué les fils de la région et, rester toujours en pays Baoulé pour verser un pleur, en parlant d'"acte barbare et stupide", à propos de l'opération dignité que la communauté internationale a qualifié de "frappe chirurgicale", ressemble fortement à des larmes de crocodile. Et puis, en jetant ainsi l'opprobre sur l'armée nationale, Alassane pense-t-il ainsi avoir les faveurs de ces électeurs ? A la vérité, si Alassane parle, parle, parle comme il le fait maintenant, c'est que selon les hommes de Dieu, le Seigneur l'a dévoilé. Son incontinence verbale s'expliquerait aussi, ainsi.

Douh-L/Patrice
pdouh@yahoo.fr
(1) Nord Sud,
du 24 juin 2009 p3
(2) Frat Mat du
26 juin 2009 p15

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