lundi 22 juin 2009 par Le Temps

Coup de sang de sarkozy ! Pourtant, l'homme avait réussi jusque-là, à rompre avec l'émotivité propre à son prédécesseur de l'Elysée, dans son appréciation des événements politiques en Côte d'Ivoire. Qu'est-ce qui a donc pu pousser Sarkozy à brouiller sa propre image au Gabon ? Au point de ruiner le peu de crédit que les ivoiriens accordaient jusque-là aux propos des dirigeants français fortement soupçonnés en Eburnie d'être derrière la crise de septembre 2002 ? Décryptage d'un dérapage langagier.

La France et la Communauté internationale ont salué en Côte d'Ivoire, les avancées du processus électoral avec en prime, l'annonce de la date du premier tour de l'élection présidentielle. Des ministres et autres émissaires français et onusiens de passage en Côte d'Ivoire se sont publiquement réjouis de l'application de l'Accord de Ouaga. Qu'est-ce qui explique alors les dérapages de Sarkozy au Gabon ? Pourquoi, au moment où l'air du moment est au recueillement avec la disparition du président Omar Bongo (pendant les cérémonies funéraires), le président français s'est cru obliger de douter des déclarations (longtemps connues) des autorités ivoiriennes (Le président de la Cei, le Président de la République, le Premier ministre, les leaders des partis de l'opposition ivoirienne) relativement à l'organisation de l'élection présidentielle fin novembre 2009 ? Les psychologues sont bien placés pour expliquer le comportement de Sarkozy. Qui se comporte comme un quidam pris en flagrant délit de magouille. Deux attitudes s'observent généralement chez lui. Soit, la tête baissée, le profil bas, il se fait tout petit, rase les murs et tente de vite se faire oublier ou pardonner. Soit par orgueil, il trouve partout des boucs émissaires en se projetant comme victime. Et, cherche à noyer le poisson dès qu'on lui pose (indirectement) une question de fond. C'est la seconde voie que l'Elysée vient d'emprunter lors des obsèques du président gabonais, Omar Bongo. Tout dans l'attitude du successeur de Chirac à la tête de l'Etat français ressemble fort bien au syndrome de persécution. Un délire de persécution consécutif certainement à la déclaration du Président ivoirien, Laurent Gbagbo, qui dans son message de compassion au peuple gabonais, invitait au respect de la légalité, de la Constitution et du bon sens au moment où s'amorce une transition politique : "La Côte d'Ivoire, c'est une question de succession mal réglée ;je souhaite que le Gabon ne rentre pas dans la même situation". Il semble que le message du chef de l'Etat ivoirien a énervé des politiciens occidentaux. On était loin de se douter que cette réaction du président de la République de Côte d'Ivoire qui ne s'adressait pas forcément à l'Elysée mais s'inscrivait dans le flot de compassion adressée par les dirigeants du monde au peuple gabonais, irriterait Sarkozy. Au point de le voir piétiner les convenances diplomatiques, en ruant dans les brancards pour s'inviter (maladroitement) dans le processus de sortie de crise en Côte d'Ivoire. A la vérité, les autorités françaises ont l'impression que le chef de l'Etat ivoirien a révélé la vraie nature de leur régime. Elles reprochent (sous cape) à la Côte d'Ivoire, d'avoir démasqué les plans établis. Selon des observateurs avertis, l'avertissement du Président ivoirien au peuple frère du Gabon, ne pouvait que heurter violemment la conscience des gardiens du temple de la Françafrique dont la stratégie (qui se mettait en place) vise essentiellement à la "monarchisation" du pouvoir au Gabon. Pour prémunir ce pays des démons de la déchirure sociale, l'opposition gabonaise prévient : "Il n'est pas question de " tradition africaine". Ceux qui en parlent sont même loin de connaître les traditions gabonaises. Nous passerons par les urnes, et gare à quiconque voudra forcer sa place à la tête de l'Etat. Quant à Ali Bongo (Fils aîné du défunt président et actuel ministre de la défense), qu'il se mette en garde. Les urnes sont faites pour tout le monde. L'utilisation de la force de sa part ne générera que du tort au pays, pareil s'il tentait une fraude électorale (Rfi du 10.06.09). Ali Bongo serait-il pré positionné pour succéder à son père à la tête de l'Etat ? Secret d'alcôve ! Même si l'homme évite en public d'évoquer la succession du "vieux" : "Il est trop tôt, c'est indécent. Ce qui nous préoccupe, c'est le recueillement". N'empêche que c'est bien lui qui, à la télévision, a appelé les gabonais au calme peu après que la nouvelle du décès a été finalement officialisée. Lui qui, dans la foulée, a décrété la fermeture des frontières. Lui le patron de l'armée dont quelques véhicules blindés patrouillent en ville. Lui dont la probable candidature à la prochaine élection présidentielle agite le pays. Lui enfin que la France cajole discrètement au nom de la stabilité. Au risque de favoriser une succession héréditaire, déjà vue au Togo ou au Congo-Kinshasa, qui révulse nombre de Gabonais. En tout cas, selon la rumeur gabonaise, Ali Ben Bongo serait dans un deal avec la France. Son rendez-vous avec Nicolas Sarkozy à l'Elysée, en décembre 2008, a été perçu comme un adoubement (In Le Monde du 18.06.09). Ce que confirme l'opposition gabonaise après le décès de Bongo père : "Ali Bongo a finalement été accepté par l'ensemble de la classe politique gabonaise (majorité présidentielle) comme successeur désigné de son père (Omar Bongo Ondimba), à l'issue d'un conseil des ministres qui s'est tenu au Palais de la présidence". Ali Bongo et Pascaline Mferry Bongo (sa demi-s?ur), qui se disputaient la succession, étaient finalement parvenus à un "accord" de partage de pouvoir et ce, grâce à l'entremise de Fidèle Andjoua, le frère aîné du président - leur oncle, qui avait tenu, selon les dernières volontés de son frère, à ce que les querelles des deux enfants ne viennent entacher le déroulement des obsèques nationales et le recueillement des gabonais. Ali Bongo, qui menaçait de plus en plus fort de faire entrer des mercenaires au pays au cas où la succession ne s'appliquait pas aussitôt, avait fini par accepter [temporairement] le scénario de la proclamation du vide constitutionnel et de la transition démocratique que lui suggérait notamment la France. Rose Rogombé sera donc reconnue présidente par intérim durant les 45 jours prévus par la constitution gabonaise. L'élection présidentielle aura lieu quant à elle un mois après la période des obsèques nationales, qui elles prendront fin le 22 juin prochain (Source : Gabon+) Voici donc la Grande France, nue. Confuse. Embarrassée. Quand l'opinion publique française s'en mêle et rend de plus en plus compte que l'Afrique est en train de faire son deuil de la Françafrique : "Houphouët, Eyadéma, et maintenant Bongo sont morts. Côté Français, Foccart n'est plus, Pasqua est aux fraises, Chirac à la retraite. Les "tontons flingueurs" sentent le sapin; les chinois s'accaparent marchés et matières premières, Dubaï chipe un à un les grands ports à Bolloré, qui sont autant de portes d'entrée du continent noir "Sarkozy, hué dit-on par les Gabonais, lors des obsèques de Omar Bongo, est comme pris au piège par sa promesse de rupture franche et des relations fondées sur les seules intérêts mutuels. Le journal français, Libération, estime que les bonnes résolutions du candidat Sarkozy ont vite cédé le pas au poids des habitudes et à la vanité des jeux de pouvoirs Elyséens Le vertige de la tentation de reniement de soi est si fort chez certaines autorités françaises, qu'elles se sentent mal, très mal même, que ce soit un leader d'un pays, ex-colonie de la France, qui rappelle aux Gabonais et à la communauté internationale, comment échapper au syndrome ivoirien (la guerre des héritiers après la mort d'Houphouët) etc. On comprend la réaction de la France officielle, de ce nu-propriétaire (du Gabon). Si Sarkozy n'a pu s'empêcher de piquer sa crise d'urticaire en invoquant la situation de sortie de crise en Côte d'Ivoire en un lieu non indiqué et à un moment non propice, c'est bien parce que le roi est désormais nu. Pour les Gabonais et avec eux, les tenants de l'Afrique digne, seule l'application de la constitution du Gabon, pourrait sauver ce pays. N'en déplaise aux comploteurs, négriers de tous les temps, pris la main dans le sac.


Douh-L.Patrice
pdouh@yahoo.fr

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