mercredi 17 juin 2009 par Nord-Sud

Selon l'abbé René Agbo, docteur en droit canon, ex-curé de la cathédrale saint Paul du Plateau et directeur de Caritas Côte d'Ivoire, la position de l'église Catholique sur la question de l'éloignement prolongé des conjoints.


?Que dit l'Eglise catholique sur l'éloignement des conjoints.

Dans le droit canon, précisément le code 1055, le mariage est défini comme la communauté de toute la vie entre un homme et une femme. Et le canon qui suit, c'est-à-dire le code 1056, dit que les propriétés essentielles du mariage sont l'unité et l'indissolubilité. Cela signifie que le mariage, quand il est fait, chez les catholiques, il est indissoluble. C'est pour toujours. Chez nous, quand le mariage est célébré, si c'est un mariage entre deux baptisés, on ne peut pas dire qu'il y a eu divorce. Pour revenir à la question, il est important de retenir que, quand une partie, soit l'homme ou la femme, a trompé son mari ou sa femme, il a porté atteinte à une propriété du mariage. Mais, cette faute n'amène pas au divorce. C'est très subtil. L'infidélité, bien qu'elle soit déconseillée n'est pas une cause de divorce chez le chrétien.


?L'un des conjoints peut décider de ne plus continuer dans cette union. Que fait-on dans ce cas ?

Il condamne malheureusement l'autre conjoint pour qui l'Eglise n'a pas de solution. C'est formel. C'est pourquoi, avant de célébrer les mariages, on prend le temps de bien préparer les couples. Dans un engagement de deux personnes, chacun fait des sacrifices pour que le mariage tienne contre vents et marées. Contre tous les aléas de la vie, jusqu'à la fin de la vie. Si l'un brise l'engagement, il va contre une propriété du mariage. C'est dommage et c'est méchant. Mais on ne peut pas partir de là pour dire à l'autre : tu es libre, tu peux aller où tu veux. Pour répondre à votre question précisément, je dirai qu'une femme qui a son mari loin d'elle ou en prison et qui dit qu'elle ne peut pas rester sans relation sexuelle, si elle va avec un autre homme, c'est un péché. Et on ne le cautionne pas.


?Et si l'éloignement dure des dizaines d'années ?

On se marie pour le meilleur ou pour le pire. Vous êtes condamné malheureusement. Mais vous restez là. C'est est un engagement que vous avez pris. Pendant l'échange des consentements, c'est le prêtre qui donne la possibilité aux deux conjoints d'échanger les consentements directement. Quand le prêtre prend la parole, il demande : voulez-vous la prendre pour épouse pour le meilleur et pour le pire jusqu'à la fin de votre vie ? Vous dites oui, et elle aussi on lui pose la même question, elle dit oui. C'est cela qu'on appelle les consentements. C'est cela l'échange des consentements. C'est pour le meilleur et pour le pire.


?Donc le droit canon ne prévoit rien sur l'éloignement

Rien. La preuve, voici un prêtre. Lui est appelé à vivre le célibat. Un homme qui a commencé le mariage doit être capable aussi de vivre dans cet esprit de chasteté. C'est-à-dire, vous respectes votre mariage et vous n'allez pas avec une autre femme. Cela veut dire qu'il n'y a pas de solution. On se dit que le mariage est pour toute la vie et la fidélité est de rigueur.


?Trouvez-vous cela réaliste ? Autrement dit, trouvez-vous vraiment possible qu'un homme ou une femme mariée puisse attendre éternellement sont conjoint indisponible?

Déjà que nous sommes des hommes, je peux dire : Yes we can . Je prends l'exemple d'un couple qui n'a pas encore vécu longtemps ensemble et qui n'a pas encore eu d'enfant. L'homme a fait un accident grave et se retrouve paralysé au point de ne plus pouvoir avoir des relations sexuelles avec sa femme. Il a tout fait pour que sa femme parte et elle lui a répondu: C'est pour le meilleur et le pire .


?L'Eglise lui donne-t-il le droit de dire à sa femme de partir ?

Pour le bien de sa femme, il a dit : tu vois ma condition, tu es encore jeune, vas t-en.


?A-t-il le droit de le dire ?

Je dis que c'est non. Tout ce qu'on peut vous dire, c'est que vous n'avez pas prévu cela tous les deux. Cela est arrivé, alors, vivez votre chasteté, mais reste toujours fidèle à votre mari ou à votre femme. Cela est la loi. La loi ne peut pas autoriser quelqu'un à aller faire cela. Parce qu'en commettant l'infidélité, vous faites une faute grave. Vous pouvez reconnaître votre mal et puis vous rattraper.


?Il arrive souvent que des couples se marient à distance. Et pour des problèmes de papier, l'un des conjoints ne peut pas rejoindre l'autre. Doivent-ils continuellement s'attendre ?

Dans l'Eglise catholique, il y a des mariages par procuration. Devant l'impossibilité d'aller en Suisse par exemple, pour une raison ou pour une autre, vous donnez votre procuration à quelqu'un pour vous représenter, pour célébrer le mariage avec votre fiancée. Cela peut se passer, mais, c'est un processus qui est long. S'il n'y a pas de possibilité de vous retrouver, aucune loi, ni en droit canon, ni en morale chrétienne, ne vous autorise à aller avec une autre femme en attendant. Aller avec une femme pour l'homme, c'est un besoin physiologique. On sait aussi qu'on est capable de se surpasser et d'attendre.


?Cela n'est pas donné à tout le monde

Ce n'est pas parce qu' on ne peut pas résister qu'il faut l'autoriser.


?Quels conseils pratiques pouvez-vous donner à des personnes qui sont dans cette situation ?

Il y un seul moyen, c'est l'amour. L'amour qu'on a pour son conjoint fait qu'on ne peut pas le tromper. Et n'oublions pas que Dieu est amour. Par l'amour de Dieu, j ai la crainte de poser certains actes. La crainte de Dieu en d'autres termes veut dire l'amour de Dieu. J'aime tellement Dieu que ce qu'il ne me demande pas, je ne le fais pas. Un homme doit se dire : je me suis marié et c'est devant Dieu que je l'ai fait. Alors, Dieu me regarde. Je vais m'unir devant Dieu. Je me suis marié, j'aime mon conjoint. Je ne peux pas le tromper. J'irai jusqu'au bout quoi que cela me coûte. C'est la seule solution. Bien sûr cela doit s'arroser de la prière. En des moments difficiles, je prie. Je dis : Seigneur fait que je n'échoue pas. Quelques fois, on pense qu'on ne peut pas le faire, mais, il y a des raisons qui font qu'on arrive à résister.


?Lesquelles ?

Des raisons culturelles. Chez les Manoi dans l'Ouest du pays, ceux qui sont les gardiens du temple de masques doivent être non mariés et ne doivent pas avoir de rapports sexuels. Tant que vous êtes gardien du temple, vous ne devez pas avoir de rapports sexuels. Quand le masque sort, ces hommes qui les gardent sont confondus aux masques. L'amour qu'ils ont pour le masque et cet aspect culturel fait qu'ils se préservent. Ils ne commettent pas d'acte sexuel. C'est culturel. C'est dans leurs textes. C'est évident qu'ils ne le feront jamais. Chez eux, il y a des conséquences. Peut être que s'ils le font, ils vont mourir. Chez nous, c'est la crainte de Dieu. Dieu me dit : voici ton mari tu dois être fidèle à lui, voici ta femme, tu dois être fidèle à elle. Parce que j'aime Dieu je respecte sa voie, je vais tenir. L'espoir fait vivre. J'attends quelqu'un qui est en prison. On ne sait pas. Il peut avoir une grâce et sortir. Quelqu'un qui a des difficultés pour avoir ses papiers, on ne sait jamais, cela peut arriver aujourd'hui ou demain. Qu'est-ce qui fait que la dame qui a son mari paralysé ne veut pas partir, c'est l'amour, c'est la crainte de Dieu. Je me suis marié c'est pour toute la vie. Si un problème arrive j'attrape mon c?ur et je reste là. Et puis vivre sans rapport sexuel ne tue pas.

Interview réalisée par Cissé Sindou coll. SS

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