mercredi 17 juin 2009 par Nord-Sud

L'Islam ne tolère pas le divorce même quand il est provoqué par l'éloignement prolongé du conjoint. Le mari ou la femme qui ne peut plus attendre peut demander le divorce, explique Abou Fofana, prédicateur musulman.


?Qu'est-ce que l'Islam conseille à un marié qui vit loin de son conjoint et qui ne veut plus demeurer dans cette situation ?

D'abord, il faut savoir qu'il y a un amalgame entre ce qu'on appelle la cause du divorce et le divorce. Si l'incapacité à accomplir les devoirs conjugaux est une cause de divorce, mais elle n'est pas le divorce de facto. L'absence prolongée est une cause de divorce. L'incapacité à subvenir aux besoins élémentaires de la femme, c'est-à-dire, l'insécurité alimentaire, physique, est une cause de divorce. Une femme qui n'a pas de satisfaction sexuelle avec son mari, c'est-à-dire qu'elle n'a pas de plaisir sexuel, pour ne pas commettre l'adultère, peut demander le divorce. Une femme qui ne peut pas supporter une absence prolongée de son mari pour des raisons d'emprisonnement, de maladie ou de voyage a le droit de demander le divorce.


?Y a-t-il un délai pour demander ce divorce ?

En cas de séparation suite à un conflit, le délai est de quatre mois. Pendant cette période, le couple peut reprendre ses droits conjugaux. Et s'il ne les reprend pas au-delà de quatre mois, on peut engager la procédure de divorce. On a eu un cas où le mari est parti au Burkina Faso à la suite du décès de son père. Douze ans après, le monsieur n'était pas revenu. Pendant les douze ans, il n'était revenu qu'une fois et il est reparti. La femme, sans engager une demande de divorce, estimait qu'elle n'était plus mariée. L'absence prolongée est une cause de divorce, mais pas le divorce de facto. Il y a beaucoup de situations pareilles dans nos familles malheureusement.


?Lorsque l'un des conjoints commet l'adultère pour une raison d'éloignement, l'Islam le condamne-t-il automatiquement?

Bien sûr. Parce que, comme le dit mon maître Aboubacar Samassi, il y avait une autre possibilité. L'éloignement peut expliquer l'adultère, mais ne le légitime pas, parce qu'il avait une autre solution qui est le divorce. On a eu un cas de ce genre où la femme dit : je ne veux pas tromper mon mari. Il ne faut pas avoir de complexe à le dire.


?On est dans une société où des jeunes filles sont épousées par de hommes qui vivent en Occident. Et les démarches pour avoir le visa de l'épouse trainent parfois durant des années
C'est une triste réalité que nous vivons malheureusement. Il y a déjà eu des cas de divorce liés à cette situation. Nous avons connu des cas vraiment dramatiques. L'homme est parti à l'aventure, il a quitté son épouse, elle tente plusieurs fois d'avoir le visa. Elle a échoué à deux ou trois reprises. L'homme, là-bas, s'est remarié. La femme, ici, l'attend. On a deux cas de figures : Il y a un cas où la femme a demandé le divorce parce qu'elle ne pouvait plus attendre. Elle s'est remariée. L'autre cas, elle menace de partir, les parents de l'homme essaient de la retenir. Elle a même quitté la cour familiale de ses beaux, parents pour aller vivre seule. C'est une situation dramatique. Les hommes qui font cela sont irresponsables. On a eu un cas où une de nos s?urs, qui est aux Etats-Unis, a fait son mariage ici. Et quatre ans après, il n'y avait toujours pas de visa pour que son mari la rejoigne. Ici, le schéma est inverse. Après quatre ans de tracasserie, les deux familles se sont engagées, par la voie légale et par tout ce que vous pouvez imaginer, en vain. La femme a demandé le divorce et elle s'est remariée aux Etats-Unis. Ce sont des situations que nous vivons aujourd'hui, mais, je pense que des voix plus autorisées que la mienne se prononceront à ce sujet.


?Que conseillez-vous dans ce cas?

Nous vivons un cas actuellement où un homme dont la fille a été approchée par quelqu'un qui vit à l'extérieur a fixé comme condition qu'elle obtienne d'abord un visa avant que le mariage soit célébré. C'est une décision louable et responsable de la part de ce chef de famille. Il y a une responsabilité des familles qui autorise ce genre de mariage. Mais, de plus en plus, les religieux vont prendre des décisions dans ce sens. Nous avons connu un mariage de ce genre où le fiancé était à Londres et la jeune fille ici. Après l'union, le marié a tout fait pour entrer en contact avec l'imam pour lui dire que le mariage a été célébré sans son consentement. C'est sa famille qui voulait le mettre devant le fait accompli. Alors que pendant la célébration, les gens avaient répondu qu'il était consentant et qu'il n'a pas été forcé.


?Auriez-vous refusé de célébrer un mariage en l'absence d'un des fiancés ?

Avec ce genre de situation on est amené à prendre ce genre de décision. Déjà, quand les conjoints sont présents, il y a problème, à plus forte raison quand ils sont absents. C'est un contrat. La situation d'aujourd'hui doit amener les imams à être beaucoup plus regardants, et beaucoup plus exigeants dans les formalités à remplir pour les célébrations des mariages. Vous savez que la mosquée de la Riviera 3 est pionnière dans ce combat. Quand l'imam Samassi a exigé, avant de célébrer les différents mariages, que les fiancés produisent les résultats de leurs tests de sérologie, à l'époque, cela a fait beaucoup de bruit. Mais, aujourd'hui, toutes les confessions religieuses confondues, de plus en plus, son en train d'exiger les tests de sérologie. Même des Ong abondent dans ce sens.


?Et aussi la présence des conjoints

Oui bien sûr. Mais quand on exige les tests, ils sont généralement présents. Même si on a eu des cas où le mari a envoyé le résultat de son test par fax. Quand même il y a un minimum de confiance qu'on accorde aux uns et aux autres. Mais au moins, les parents de la jeune fille, qui était ici, ont accepté de faire le mariage. Vu la situation, aujourd'hui, on doit faire une autre lecture des réalités et prendre de décisions qui ne sont pas forcement des libertés, mais qui tiennent compte des réalités locales. Donc par rapport à cela il y a des décisions à prendre. Naturellement des décisions qui ne vont pas contre les principes de l'Islam.


Interview réalisée par Cissé Sindou

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