vendredi 7 novembre 2008 par Le Nouveau Réveil

Ce n`est pas une conséquence de la crise financière mondiale, ni un effet collatéral de celle-ci. C`est le résultat d`une "gestion chaotique et empirique". La Coopérative d`épargne et de crédit (CEC) Dôni Dôni, portée officieusement sur les fonts baptismaux, en 2006, par Basile Mahan Gahé, le secrétaire général de la confédération syndicale Dignité et parrainée par le chef de l`Etat Laurent Gbagbo lui-même, a fait long feu. Une dette cumulée de plus d`un milliard FCFA, 6500 sociétaires floués. Au total, un imbroglio financier sur fonds d`intrigues, de démissions, de plaintes, de népotismeet de détournements. Retour sur un rêve vendu en grande pompe par un syndicaliste réputé qui s`est transformé, en moins de deux ans, pour des milliers de personne en un cauchemar qui ne fait que commencer. La mezzanine de l`immeuble Gyam d`Abidjan Plateau, à l`angle du boulevard Clozel, est désespérément vide depuis quelques mois. Cette mezzanine abritait jusqu`au 23 juin 2008, le siège de la CEC Dôni Dôni. Depuis cette date, sur saisine d`un groupe de sociétaires aujourd`hui réunis au sein d`une association de victimes, des huissiers ont constaté officiellement la fermeture de fait des locaux. En réalité depuis la deuxième quinzaine du mois de mai, la coopérative avait déjà fermé ses locaux. Le 7 juillet 2008, dans une note d`information adressée aux sociétaires, à l`issue d`une assemblée générale extraordinaire tenue en hâte, le président du conseil d`administration (PCA) de la micro finance, Dr Félix Deh, avait pourtant assuré que " la date de reprise des activités ordinaires avec les sociétaires et les partenaires de Dôni Dôni sera incessamment communiquée par affichage et par voie de presse ". La promesse est restée lettre morte.

Au commencement était Mahan Gahé

Le PCA, au cours de l`assemblée générale extraordinaire tenue deux jours plus tôt, avait ouvertement accusé le directeur général par intérim démissionnaire, d'être principalement responsable des déboires de la coopérative. Il aurait accusé ce dernier, selon lui-même de détournements de 3 milliards FCFA, pendant le bref moment de son intérim, toute chose qui a précipité Dôni Dôni dans le gouffre. " Faux ! ", rétorque depuis son lieu d`exil ghanéen (ou de cachette) Jean Claude Diarra Mozou. Dans un document de 55 pages non compris les annexes, à l`attention de Basile Mahan Gahé, l`instigateur de la micro finance et vice-président du conseil d`administration, il pointe du doigt son prédécesseur Lucien Gnakpa Godi et le PCA Dr Félix Deh et dénonce leur " gestion chaotique et empirique ".

Ambiance.

Pour démêler l`écheveau, il faut remonter deux ans plus tôt. Nous sommes début 2006. Dans une salle d`un hôtel huppé d`Abidjan, Basile Mahan Gahé, triomphant, lance la CEC Dôni Dôni. Le parrain de la cérémonie s`appelle Laurent Gbagbo. Basile Mahan Gahé est doublement proche du chef de l`Etat et de son parti le Front populaire ivoirien (FPI, parti présidentiel).
Dans la salle, les premiers prospectus distribués font rêver. Le mot du PCA qui est lui aussi responsable de Dignité est clair : " Votre coopérative est une institution mutualiste. Elle a été créée le 21 décembre 2005 par la confédération des syndicats libres de Côte d`Ivoire " Dignité " dans le but de répondre aux besoins de ses membres dont la grande majorité n`a pas accès aux services offerts par les banques classiques et autres institutions financières ".
Ce que les futurs sociétaires ignorent, c`est que la micro finance n`a pas encore son agrément. Elle fonctionnera pendant un an sans agrément. Le problème était que des travailleurs des impôts, membres fondateurs de Dôni Dôni, récusaient auprès du ministère de l`Intérieur le préposé (Lucien Gnakpa Godi) à la direction générale pour niveau d`études bas et pour moralité douteuse (il a eu des démêlés judiciaires).
Cependant, la personne morale de Dignité met en confiance les futurs sociétaires à l`instar de la personnalité du secrétaire général de la centrale syndicale. Au demeurant, les produits que propose Dôni Dôni sont alléchants : comptes d`épargne scolarité, projet, logement, etc.
La coopérative promet entre autres aux sociétaires d`avoir droit à des prêts pouvant s`élever à plus de dix fois l`apport initial, sans garantie. Les étudiants mordent massivement à l`appât. En 2007, ce sont 5926 étudiants qui épargnent un peu plus de 106 millions FCFA en escomptant toucher 2,8 milliards FCFA. Au 31 décembre 2006, le montant des versements s`élève à 800 millions FCFA. Dôni Dôni compte alors 6500 sociétaires.

Plus rien dans les caisses

Quelques étudiants chanceux entrent en possession de leurs prêts. " C`était pour nous appâter ", rétorque un étudiant membre de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d`Ivoire (Fesci) qui soutient avoir épargné 18.000 FCFA pour espérer avoir au moins 116.000 FCFA.
Cependant, l`activation de certains flux financiers sur lesquels comptait l`équipe dirigeante de Dôni Dôni, pour faire du social avec les étudiants et soutenir le projet immobilier, tourne court. La micro finance porte plainte contre Mathias Yalé Djah, un membre du conseil d`administration, cousin, dit-on, du directeur général. L`affaire est vite étouffée. Entre-temps, les souscripteurs commencent à douter. La confiance étant l`épine dorsale de toute relation financière, les choses commencent à se détériorer à Dôni Dôni. Entre-temps toujours, les fournisseurs sont sur le dos du PCA. Soit dit en passant, c`est le chiffre surréaliste de 10.840 cartons de papiers rame qui sont commandés en moins de 20 mois. Pour Jean Claude Diarra Monzou, ex responsable administratif et financier qui sera nommé directeur général après la démission de Lucien Gnapka Godi, ces cartons de papiers rames étaient revendus et l`argent tombait dans des poches bien introduites au conseil d`administration.
Le personnel commence à broyer du noir tandis que le PCA mène avec son épouse omniprésente à la mezzanine de l`immeuble Gyam, une vie relativement aisée. Au 31 décembre 2007, le bilan de l`exercice équilibre l`actif et le passif de Dôni Dôni à 1,2 milliard FCFA. Le résultat d`exploitation révèle un déficit de 555 millionsFCFA, montant essentiellement dû aux 44 fournisseurs de papiers rame. Au premier trimestre 2008, les six comptes de Dôni Dôni sont saisis. Le compte COBACI est alors crédité de 10.000FCFA. Le compte BRS affiche le solde d`ouverture, le compte ACCD, suite au dépôt d`un chèque d`une entreprise, d`une valeur de 1,54 million FCFA. Le compte BNI est clôturé pour remise d`un chèque volé. Quant aux comptes BIAO et Omnifinance, ils présentent des soldes débiteurs respectifs de 80.000FCFA et de 15 millions FCFA, affiche cette somme. Le loyer du local n`est pas payé. Les factures de téléphone et d`électricité sont partiellement payées

portés disparus

Au premier trimestre 2008, la coopérative est incapable de faire face au remboursement d`épargnes dérisoires mais continue de percevoir des épargnes.
Mais où sont passés les centaines de millions FCFA de dépôts divers des souscripteurs ?
Le directeur général par intérim, nommé le 7 mars 2008 et qui a démissionné le 19 mai 2008 (deux jours avant sa séquestration par Jean Yves Dibopieu, ex secrétaire général de la Fesci et membre de l`alliance patriotique de Charles Blé Goudé), répond et accuse dans sa note à l`attention de Basile Mahan Gahé : " Toutes les preuves sur la culpabilité précise et non douteuse du PCA Deh Félix et son DG Gnakpa Godi Lucien existent et sont disponibles: les extraits de comptes bancaires, les avis de crédit ou de débit, les cahiers de caisse, le livre journal, la balance et les états financiers informatiques, les bordereaux manuels et informatiques, les extraits de compte des étudiants, les paiements des aides gratuites aux étudiants, les supports des charges d`exploitation, les conditions applicables aux sociétaires, les bons de commande, les bons de réception, les factures, les lettres de change (des 44 fournisseurs de papiers rames) ".
Le directeur général par intérim démissionnaire révèle dans son document, des payements de commissions occultes, des détournements de fonds, des malversations sur fond d`ignorance des instruments financiers et de sentiment d`impunité.
Conséquence : la caisse tombe en faillite de fait. Les milliers de souscripteurs qui ont cru au rêve, n`ont que leurs yeux pour pleurer. Dr Félix Deh et Lucien Gnakpa Godi sont inaccessibles. Leurs différents téléphones sont constamment sur répondeur. Quant à Basile Mahan Gahé, il refuse d`assumer ses responsabilités. La dignité qu`ils ont voulu redonner à des milliers d`Ivoiriens était en réalité une grosse arnaque.

André Silver Konan
kandresilver@yahoo.fr

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