A monsieur Touré Vakaba,
Merci Professeur, d'avoir courageusement pris position sur ce sujet de la candidature unique au sein du RHDP, sujet qui intéresse au plus haut point les militants du RHDP que nous sommes, car il concerne et vous l'avez compris, non seulement le devenir de cette alliance, l'avenir de chacun de nos partis et leur leader, mais aussi et surtout le futur de notre pays. Le fait d'avoir ressenti, le besoin de vous inviter dans ce débat est la preuve (peu importe que vous soyez contre cette candidature unique) qu'il n'est pas futile et qu'on ne doit l'occulter ou le censurer sans appel, ni à l'intérieur de nos partis, ni au sein des instances du RHDP.C'est aussi la preuve que le "Mandjou Touré" que vous êtes est quelque part un démocrate.
Car vous, vous avez compris que les débats, les échanges citoyens sont indéniablement les ferments de la démocratie et l'essence de la vitalité de nos partis politiques. Leur modernisation et leur survie en dépendent. Nous ne devons donc pas avoir peur des débats. Ceci dit, Grand frère, vous avez été assez prolixe dans votre lettre, vous m'avez instruite par moments, fait sourire très souvent, effrayée des fois, mais souffrez que j'ose d'emblée vous dire que nos deux positions sur l'opportunité de la candidature unique au RHDP restent plus que jamais divergentes et bien plus encore à la lecture de vos arguments. D'ailleurs je ne crois pas que vous ayez, me connaissant, le souci de me convaincre à travers votre lettre, moi non plus : Je n'ai pas ici cette ambition à votre égard.
Parce que, je sais que seul, le soir du 1er tour des présidentielles nous donnera un début de verdict sur nos deux positions et celui du 2nd tour, s'il a lieu, le verdict final. Mais je me presse de vous apprendre Professeur, que paradoxalement, j'aimerais avoir tort ces soirs-là, car il est dans mon intérêt que le RHDP bien que parti en rangs dispersés, face à Gbagbo, gagne, qu'il gagne soit au 1er tour comme beaucoup le pensent, et, sans aucun doute, au 2nd, comme vous, M. Touré et bien d'autres, pas des moindres, en avez aujourd'hui l'intime conviction.
Mais, en attendant ces fameux soirs de verdicts, qui, comme c'est parti, ne sont pas pour demain, je me sens comme le devoir de continuer le combat, le combat pour l'union vraie : sans hypocrisie et dans la confiance retrouvée des fils et filles d'Houphouët, afin qu'ils arrachent ensemble dans les urnes, le pouvoir à nos frères Gbagboïstes qui, tout le monde le sait, ont brillamment échoué et lamentablement démérité. Pour revenir à vos courriers publiés dans la presse, vous m'avez interpelée sur plusieurs points qui méritent des développements tels qu'aucun journal de la place n'accepterait de publier. Je m'exercerai à vous répondre dans la limite de l'espace que me confère mon droit de réponse. Vous argumentiez votre rejet de la candidature unique en écrivant ceci : "Si en cas de candidature unique, Laurent Gbagbo dispose de 50%, face à un seul candidat, il conservera toujours ses mêmes électeurs. Alors si l'on se réfère aux dernières élections, le FPI ne dispose pas d'une majorité pouvant assurer une victoire à son candidat dès le premier tour. Alors battre Bédié, Ouattara et Mabri dès le premier tour, nous paraît difficile pour ne pas dire impossible." M. Le vice-président, Nous avons tous compris, d'entrée de jeu, que vous êtes pour la candidature multiple au sein du RHDP, mais nous ne comprenons pas comment ou pourquoi avez-vous choisi le taux de 50% au 1er tour pour Laurent Gbagbo ? Pourquoi pas 10% ? Ou même 51% pendant qu'on y est, puisque vous êtes monté si proche ? Et combien estimez-vous sa part au 1er tour si le RHDP part en rangs dispersés ? Si vous pouvez supposer que M. Gbagbo peut disposer de 50% au 1er tour face à un candidat unique, cela veut dire qu'il peut logiquement avoir plus, ou le même score au moins, face à une candidature multiple au RHDP? Cela va de soi et je n'ose me baser sur le contraire de ce bon sens pour vous suivre dans votre logique.
Sauf si, le vice-président du PDCI que vous êtes, vouliez nous faire comprendre sous les mots, que les militants du RHDP sont conscients qu'ils sont dans une alliance de façade ou de dupes savamment masquée par leur leader, au point de préférer aller voter pour Gbagbo que pour le candidat unique du RHDP après que le leader de leur parti, en connaissance de cause et sur un accord dûment ficelé ait consenti à soutenir cette candidature unique ?
Sinon Professeur, aucune autre logique ne peut nous faire admettre ce que vous vous acharnez à nous faire comprendre qui est que Gbagbo peut avoir 50% devant le candidat unique du RHDP et avoir moins dans le cas d'une " candidature éparpillée " au sein du RHDP.C'est ahurissant! Personne ne peut comprendre ce comportement électoral dans le cadre d'une alliance qui se veut mâture et sincère comme le RHDP.
Voulez-vous nous dire en clair que si par exemple, Bédié se retire pour soutenir ADO, vos militants puisque frustrés par ce retrait, préféraient en majorité s'abstenir ou voter pour Gbagbo, que de voter pour ADO, qui ne serait en fait qu'en mission pour le RHDP donc en mission aussi pour Bédié et le PDCI leur parti? Si cela est vrai il le sera également au 2nd tour en cas de candidature multiple. Soyez- en certain.
Et puis on ne peut parler que de ce qu'on sait : si vous êtes sûr de cette réaction de nos électeurs en cas de candidature unique, cela doit sûrement l'être au niveau du PDCI votre parti dont vous connaissez mieux la mentalité des dirigeants et des militants. Mais comprenez que ce qui est valable au PDCI ne l'est pas toujours au RDR. Je sais que nos militants au RDR, dans leur grande majorité, ne verront pas en la candidature unique un problème si ADO y adhère.
Et si notre leader signe un engagement et nous donne une consigne de vote, nous la respecterons fidèlement. Je ne peux, à ce propos, m'interdire de vous rappeler, ce que tout le monde sait d'ailleurs, ADO est un homme de parole, s'il dit Oui, il s'investira d'abord et à fond pour que ses militants comprennent le bien fondé de ce oui et pour que la raison prenne le pas sur la frustration afin qu'ils aillent en bloc dans ce sens. Nous aussi au RDR serions frustrés si ADO retirait sa candidature mais la raison dictée par lui-même prendrait le dessus chez la grande majorité des militants, au cas où il nous le demandait. Car nous savons qu'il ne prendrait pas cette décision au hasard, sans raison majeure. Contrairement à vous professeur, à vos inquiétudes, je pense que les militants du PDCI et en majorité ceux du RHDP seront aptes à comprendre le bienfondé de la stratégie de la candidature unique si elle est comprise et " franchement " soutenue par leur leader, et, ils ne s'abstiendront, ni ne voteraient pour Gbagbo dans leur grande majorité. Cela j'en suis convaincue.
Il faut savoir ce que nous voulons. Si nous ne pouvons nous unir, sensibiliser nos militants sur la nécessité d'une fusion électorale pour prendre le pouvoir ensemble, dès le 1er tour à Gbagbo, à mon avis, il serait trop tard ou encore plus difficile de le faire au 2nd tour comme vous l'espérez.
Par ailleurs vous écrivez " ce qu'il faut savoir c'est que HKB et ADO ne disposent plus d'aucun moyen pour retourner l'opinion de leurs militants après que ceux-ci leur ont placé leur confiance pour aller à la conquête du pouvoirIls ne s'appartiennent plus ils ont été mis en mission et de ce fait ils ne sont que des mandataires". Quand j'ai lu ces belles constructionspoliticiennes, j'ai souri et je redeviens sérieuse ici pour écrire : que le seul point au cahier des charges de cette mission des militants confiée à ADO ou HKB c'est : le pouvoir, le pouvoir et rien que le pouvoir. Il appartient à ADO et Bédié de choisir la stratégie idoine d'y parvenir. C'est tout. Vous semblez insinuer dans cette lettre ouverte, avec une certaine insistance l'idée qu'il est trop tard, que tout est bouclé, qu'on ne peut plus reculer, même si on fonce droit dans le mûr, qu' il ne nous reste plus qu'à accompagner le mouvement de chacun vers le gouffre, vers l'échec. Et je suis étonnée, et même apeurée que le respecté, l'expérimenté politicien que vous êtes, que le professeur émérite que nous connaissons en vous, soyez si dogmatique.
Professeur, entre nous, vous ne pouvez pas dire que " ADO et HKB n'ont plus de décision ". Eux-mêmes ont dû sourire en lisant cela. Vous devez savoir que dans une lutte, ce qu'on ne peut changer, c'est l'objectif, qui est ici la prise du pouvoir au FPI d'abord. L'on peut donc changer toutes les stratégies et cela à tout moment et autant de fois, pourvu qu'on trouve une meilleure ou une autre moins mauvaise que l'existante pour mener à bien notre objectif.
On ne peut prendre comme arguments le temps et la célébration des conventions pour aller en rangs dispersés, si l'on sait que c'est pour se faire étaler par Gbagbo par manque de stratégie adéquate et pire avec la complicité des voix du RHDP au 2nd tour.
Vous me demandez comment nous choisirons le candidat unique ?
Avant même d'avoir eu la réponse à votre question, vous parlez d'illustre inconnu. Mais de qui parlez- vous ainsi, Tourétchè ? D'ADO ? De Bédié ? Voilà les candidats que moi je propose. Qui dit mieux ?
Mais je me hâte de vous répéter que les pages de ce journal ne suffiront pas pour développer ici tous les schémas et tout le travail que nous avons fait en appui à notre prise de position pour la candidature unique. Nous n'avons rien négligé, soyez en sûr. Pour en savoir plus sur vos interrogations que j'ai survolées, venez à nos rencontres. Vous y serez le bienvenu, professeur.
Cependant, sachez que je ne me fait aucune illusion, la candidature unique telle que rejetée par des sommités du RHDP comme vous, n'aboutira pas. Je le sais, et cela à la grande satisfaction de Gbagbo, de ceux qui, au RHDP, sont pressés de prendre la relève et de bien d'autres qui, de bonne foi, pensent que Gbagbo tombera aux prochaines élecctions, même si nous allons en rangs dispersés au 1er tour.
Comme beaucoup d'observateurs, je pense que Gbagbo nous jouera " la symphonie Mugabéenne " dès le 1er tour. S'il consent à aller au 2nd tour, à ce stade, il gardera le pouvoir par tous les moyens : plus par la violence que par les urnes. C'est ce que je crois. Je peux " lourdement " me tromper.
Si nous sommes réellement unis et engagés autour d'ADO ou de Bédié, nous avons des chances de réduire le risque de le voir au 2nd tour. S'il se maintient de force comme on le prévoit, nous resterons soudés, solidaires et gagnerons au moins la bataille de la cohésion et de l'opinion pour reprendre ensemble le combat, jusqu'à ce qu'il accepte le verdict de la "majorité unie". C'est ensemble que nous serons forts. C'est ensemble que nous pourrons gagner. Ne comptez pas sur le 2nd tour, vous n'y verrez que du feu. Mettons ensemble toutes nos forces dans le 1er tour. Je ne suis pas pessimiste, je suis simplement réaliste et je crois qu'avec un peu de patience, l'on commencerait à me comprendre, surtout au soir du 1er tour ou au plus tard au soir du 2nd si le RHDP part en rangs dispersés.
Il faut savoir que dans les spéculations vitales, celles qui engagent notre vie et notre avenir, il faut avoir l'humilité d'imaginer le pire pour soi, pour avoir le brin de lucidité nécessaire pour travailler efficacement et rudement à la réalisation du meilleur qui puisse nous arriver.
Pour les opposants que nous sommes, la pire des spéculations c'est de penser que Gbagbo peut passer au 1er tour par tous les moyens. C'est en ayant ce pire des cas à l'esprit, que l'opposition peut réfléchir et travailler à mettre de son côté toutes les chances pour que ce pire ne se produise pas. Peut-on alors chercher un remède contre ce pire, sans effleurer l'idée d'une candidature unique au sein du RHDP dès le 1er tour ?
N'insultons pas l'intelligence, l'esprit de générosité et de loyauté de nos militants en pensant qu'ils sont du bétail et qu'ils ne peuvent pas savoir ce qui est bon pour eux. Que s'ils doivent choisir entre voir Gbagbo passer au 1er tour ou finalement au 2nd et soutenir une candidature unique en faveur de Bédié ou Ouattara, avec en gage des assurances, des mesures d'accompagnement et un généreux partage du pouvoir entre les membres du RHDP, le tout ficelé dans un bon accord, qu'ils n'hésiteraient un seul instant, à voter tous, pour notre candidat. Aux grands maux il faut accepter les durs remèdes. Regardons à côté et souvenons-nous : il n'était pas évident que Gbagbo accepte comme Premier ministre, à un poste aussi prestigieux, aussi honorifique Soro Guillaume et que ce dernier prenne le risque de venir travailler sous lui à Abidjan. Aujourd'hui tout semble couler de source et naturel. Mais il a fallu faire tomber le mur de la méfiance entre eux et autour d'eux. Il faut saluer ici cette grandeur d'esprit, cette humilité, cette générosité dont ils ont fait preuve en acceptant de se faire mutuellement confiance, en comprenant que la quiétude du pays et le bonheur de chacun d'eux passaient par cette ouverture vers l'autre belligérant, l'adversaire d'hier. Au niveau de leurs partisans, ils ont donné l'exemple, entrepris une bonne sensibilisation et fait la promotion des accords passés entre eux. Tout le monde a gagné dans leur accord, mais bien plus encore, celui qui a osé donner en premier et qui a semblé s'être rabaissé au départ. Sont-ils plus sages, plus humbles et plus intelligents, que nous professeur ? Ou sommes-nous, inaptes à être généreux, à pardonner comme eux ? J'ai mal, de faire ici, ne serait-ce que pour la 1ère fois, amende honorable à Gbagbo Laurent mais sur ce point, il le mérite. Si nous voulons le pouvoir, tout dépend de nous : Nous devrons expliquer à nos militants qu'il ne faudrait plus que ce soit un problème pour un militant du PDCI que dans 3 mois ou plus, qu'Alassane Ouattara soit Président de la République et Bédié premier ministre. Ou qu'Alassane soit premier ministre et Bédié Président de la République. Si le RDR et le PDCI ne peuvent faire ce sursaut de générosité, d'humilité et de confiance au 1er tour, ils ne le pourront au 2nd.
C'est le lieu de faire comprendre que cette élection présidentielle prochaine ne sera rien d'autre que la finale entre Houphouët et Gbagbo.
Car les choix que feraient nos leaders en faveur ou contre la candidature unique ne les mettront pas devant 33 cas de figures à l'arrivée, au soir des derniers résultats de la présidentielle : Ou Houphouët renait et la Côte d'ivoire avec, ou Gbagbo écrase définitivement son fameux serpent.
Je pense que le Président Houphouët a tout donné à Bédié et à Ouattara. En tout cas, il a fait d'eux, en grande partie ce qu'ils sont politiquement, sur le plan national comme international. Je ne peux donc m'interdire d'écrire qu'ADO et Bédié ont aujourd'hui le devoir de rendre en l'état, à Houphouët ce qu'il leur a donné ou tout au moins, ce qu'il leur a laissé et qui lui était les plus chers : son parti le PDCI et son pays la Côte d'ivoire. Sans oublier le pouvoir. La haine, la rancune, puis l'hypocrisie n'ont que trop duré entre nous, entre ses enfants. Prenons le gage de nous retrouver de réellement nous pardonner. Allons au delà du RHDP, allons à la fusion. Créons l'Alliance des Forces de l'Avenir à travers l'U-PDCI-RDR. Décidons de ramener dans la cohésion et vaillamment le pouvoir à la maison Houphouët, retirons le de la rue. Au lieu de prendre le risque qu'au sortir des élections prochaines, Gbagbo veuille bien donner en aumône des strapontins aux uns et aux autres (chose qu'il dit qu'il ne ferait plus d'ailleurs; parce qu'il est sûr de gagner) mettons-le en position de quémandeur. Décidons à travers une " alliance sacrée de tous les enfants d'Houphouët " de lui ravir le pouvoir dans les urnes. Vous avez tout compris : je rêve. Je rêve et je rêve. Non soyez tranquilles, je ne me fais aucune d'illusion. Je sais que ce rêve ne peut se réaliser. Voyez déjà comment l'idée de la candidature unique, rien que l'idée, irrite certains de nos aînés. Mais que nous soyons militants ou leader, courtisan ou prince, nous aurons une responsabilité dans l'histoire de la décadence de nos partis et de la faillite de notre pays. C'est l'histoire de la Côte d'ivoire de demain qui est en train de s'écrire à travers celle de la candidature unique au RHDP aujourd'hui. Aussi, faudrait-il se taire, quand il est encore temps ? Lorsqu' on a encore les cartes entre nos mains ? Nous devons oser dire, ce qui nous semble bon pour notre groupe, notre peuple et notre pays. Mesdames et messieurs, c'est tout simplement ce que je fais. De grâce ne me réveillez pas, laissez-moi rêver.
Mme Mah S. Bamba
Tel 66 35 88 88