lundi 3 novembre 2008 par Notre Voie

Qu'est-ce que la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance ? L'Ambassadeur Emile Ognimba, Directeur du département des Affaires politiques de la Commission de l'UA en donne ici quelques explications en marge de la 10ème session ordinaire du parlement panafricain en Afrique du Sud.
Notre Voie : Vous avez présenté ce matin (hier jeudi 30 octobre) devant le Parlement panafricain, la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée en janvier 2007 à Addis-Abeba (Ethiopie) par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UA. Que peut-on retenir véritablement de cette charte ?
Ambassadeur Emile Ognimba : La raison d'être de cette charte est la consolidation des engagements politiques pris par les chefs d'Etat pour faire avancer et renforcer le processus démocratique sur le continent. Comme je l'ai dit au cours de mon exposé, au début des années 90, avec le déferlement de la vague démocratique sur le continent, nos chefs d'Etat ont pris un certain nombre d'engagements d'ordre politique à travers des déclarations sur les élections, la gouvernance et la démocratie. Ces engagements devraient être consolidés par la suite dans un instrument juridique que constitue la charte.

N.V : Que contient la charte ?
A.E.O : Elle contient d'abord des objectifs qui sont la consolidation de la démocratie à travers les élections et bien sûr la bonne gouvernance sur le continent. Il y a ensuite des principes qui y sont énoncés. La charte parle des élections en tenant compte des principes qui ont été dégagés. A savoir la tenue régulière des élections transparentes organisées par des commissions électorales nationales véritablement indépendantes et impartiales, la mise en place d'institutions démocratiques pour accompagner le processus démocratique sur le continent.
Ensuite, les changements antidémocratiques qui sont une problématique très préoccupante avec la poursuite de la mauvaise logique des coups d'Etat en Afrique. Enfin, la problématique de la gouvernance politique, économique et sociale sur le continent.

N.V : Combien de pays ont ratifié cette charte ?
A.E.O : Je dois souligner d'abord que 25 pays ont signé cette charte en janvier 2007.A ce jour, seul un pays l'a ratifiée. C'est la Mauritanie. Nous espérons vivement que dans les prochains mois, nous obtiendrons le nombre de ratifications nécessaire, c'est-à-dire 15 pays, pour l'entrée en vigueur de la charte.

N.V : La Mauritanie, le premier pays à avoir ratifié cette charte, constitue paradoxalement la première nation à la violer. Puisqu'il s'est produit dans ce pays, un coup d'Etat qui a renversé un pouvoir démocratique pour installer une junte militaire
A.E.O : C'est exact. Mais nous avons condamné le coup d'Etat et nous sommes en train de prendre les mesures nécessaires pour que l'ordre constitutionnel soit rétabli en Mauritanie.

N.V : Pourquoi les autres pays africains signataires de la charte ne l'ont pas encore ratifiée ?
A.E.O : Nous ignorons véritablement leurs raisons. Est-ce un problème de sensibilisation? Peut-être que nous n'avons pas suffisamment sensibilisé nos Etats. Mais en même temps, on peut se dire que la charte aborde des questions relativement difficiles qui méritent de véritables débats nationaux et des réflexions approfondies dans les pays.

N.V : La charte n'aborde dans aucun de ses articles, la question préoccupante de la succession de type dynastique ou monarchique qui a cours dans certaines Républi-ques d'Afrique. Des chefs d'Etat cèdent directement le pouvoir à leur progéniture ou la préparent pour la succession. Cette situation irrite les populations et l'opposition qui s'y opposent bien souvent en vain au prix de violence inouïe. Pourquoi n'avez-vous pas pris en compte cette nouvelle tendance politique qui sape la démocratie ?
A.E.O : La charte énonce des principes. Elle souligne que l'accession au pouvoir doit se faire selon des règles constitutionnelles. Par exemple au Togo, l'UA a eu une réaction claire. Quand les choses ne se sont pas bien passées, nous avons dénoncé cela. Mais lorsqu'elles ont pris la voie normale, nous les avons approuvées. Il n'y a vraiment pas de mal à ce qu'un fils succède à son père. Aux Etats-Unis, le fils Bush a succédé à son père à la tête de l'Etat. Peut-être pas directement mais enfin il exerce actuellement le pouvoir. Que cela se passe en Afrique, ne devrait pas nous intriguer. Mais, il faut que les choses se fassent dans le respect de la constitution et de la démocratie.

N.V : Quelles sont les sanctions auxquelles s'exposent, au niveau de l'UA, les pays qui ne respectent pas cette charte ?
A.E.O : L'article 23 de l'acte constitutif prévoit des sanctions. Il y a toute une panoplie de sanctions dont la suspension de cet Etat des activités de l'Union Africaine (UA). C'est le cas de la Mauritanie. Il y a la possibilité de prendre des sanctions d'ordre économi-que. On a, par ailleurs, les sanctions qui frapperaient les auteurs de coups d'Etat à propos de leurs déplacements à travers l'Afrique et le monde.

Entretien réalisé à Johannesburg (Afrique du Sud) Par Didier Depry didierdepri@yahoo.fr envoyé spécial

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