mercredi 20 août 2008 par Le Patriote

A l'instar du VIH/SIDA, on aurait dû le surnommer également le mal du siècle. Le paludisme est un véritable fléau qui ravage des millions d'hommes sur son passage dans le monde. Pays pauvre, situé dans la zone tropicale, la Côte d'Ivoire n'échappe pas à ce massacre. Elle est à la croisée des chemins en ce qui concerne la lutte contre cette pandémie.
Affaissée sur un banc dans la salle d'attente, Sally Ouattara attend d'être reçue par le médecin. Fatigue générale, maux de tête et fièvre continue, sont les causes de sa consultation, ce jeudi 24 juillet dernier, au centre de santé communautaire d'Attécoubé. Un quart d'heure après son arrivée, elle est appelée par une jeune dame en blouse blanche. Cette dernière l'introduit dans la salle de consultation. Dix minutes après, Sally en ressort avec une ordonnance en main. Le diagnostic du médecin a confirmé ses soupçons. Elle fait un début de paludisme. Pour ce faire, le médecin lui a prescrit une association de deux médicaments à base d'artémisinine. Des médicaments qu'elle peut se procurer sur place, au centre de santé, heureusement pour elle. En plus, à moindre coût. Les précieux sésames en main, la patiente prend le chemin de la maison, espérant s'être armée contre cette maladie.

Un vrai serial killer

Un v?u qui, de l'avis des spécialistes de la santé, sera difficilement réalisable. Le paludisme est un fléau planétaire. On enregistre chaque année, dans le monde, environ 500 millions de nouveaux cas d'atteinte de cette maladie. Selon les statistiques des spécialistes, un décès dû au paludisme survient toutes les 30 secondes chez les enfants de moins de 5 ans. 90% de ces cas sont rencontrés en Afrique subsaharienne. Des statistiques qui ont valu à la pandémie, le triste surnom de ?'serial killer', le tueur en série. A l'instar de l'ensemble des pays africains situés au sud du Sahara, la Côte d'Ivoire est frappée de plein fouet par ce fléau. Située dans la zone intertropicale, la Côte d'Ivoire réunit toutes les conditions favorables à la maladie (chaleur, pluviométrie élevée) , explique le docteur San Koffi Moïse, coordonnateur du programme national de lutte contre le paludisme. Le paludisme, indique t-il, est la première cause de consultation dans les formations sanitaires dans notre pays. Soit 30 à 60% des consultations. Chez les enfants âgés de moins de 5 ans, plus de la moitié des causes d'hospitalisation sont dues au paludisme, révèle le spécialiste. Cette maladie est aussi responsable de près d'un tiers des consultations chez la femme enceinte. Dans les formations sanitaires, un tiers des décès enregistrés sont, hélas, le fait du paludisme.
Un programme pour stopper le fléau

Face à ces données alarmantes, le gouvernement ivoirien a mis en place un programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), depuis 1996. Il est coordonné, actuellement, par le docteur San Koffi Moïse. Le programme fonctionne avec un budget d'environ 100 millions FCFA par an. Il a pour objectif principal, de réduire la morbidité (souffrance liée à la maladie) et la mortalité. Il assure la coordination des activités de lutte contre le paludisme, la promotion des interventions de prévention, la planification et le suivi-évaluation. Placé donc au centre de la lutte contre cette maladie, le PNLP élabore des projets soumis à des partenaires dont l'Unicef (Fonds des Nations Unies pour l'Enfance), le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La mise en ?uvre de ces projets permet d'apporter une réponse efficace contre ce fléau, pour le bien-être de la population. Les méthodes efficaces de prévention existent. Mais les ressources financières, logistiques et humaines sont insuffisantes. D'où la mise en place d'un fonds mondial de lutte contre le paludisme par l'Organisation Mondiale de la Santé. Ce fonds finance les projets élaborés par les pays , commente Dr. San Koffi. A ce titre, la Côte d'Ivoire, poursuit-il, a bénéficié en 2006, du financement d'un de ses projets. Ce financement d'une valeur d'environ 8 milliards FCFA s'étend sur une durée de quatre ans. Le projet, selon lui, concerne la distribution gratuite de moustiquaires imprégnées, d'insecticides dans 19 autres districts sanitaires. Avec l'appui de l'Unicef, les zones centre, nord et ouest et deux districts sanitaires d'Abidjan (Abobo et Koumassi), bénéficient d'un approvisionnement en moustiquaires imprégnées d'insecticides. Considérées comme les populations les plus vulnérables, les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans sont les premiers concernés. Lorsqu'une femme tombe enceinte, son système de défense s'affaiblit. Cela permet au f?tus, qui est un corps étranger, de ne pas être combattu par l'organisme de sa mère. Du fait donc de la faiblesse de son système immunitaire, la femme enceinte devient une proie facile pour le paludisme. Quant aux enfants, ils naissent avec les anti-corps de protection de leurs mères. Mais à partir de 6 mois jusqu'à 9 ans, ces anti-corps sont éliminés. D'où leur exposition à la maladie , explique Dr. San Koffi. De ce fait, c'est 172 enfants de moins de cinq ans qui meurent chaque jour de paludisme en Côte d'Ivoire.

Le mal persiste

Bien qu'ils soient les plus exposés, les femmes enceintes et les enfants, ne sont pas les seuls à payer un lourd tribut à cette maladie. Toute la population ivoirienne (hommes, femmes, vieux, jeunes, adultes), d'après le spécialiste, est exposée. Et ce, aussi bien en zone rurale qu'urbaine. Les statistiques sont plus élevées en zone rurale à cause de l'environnement souvent plus propice au développement du vecteur de la maladie qui est le moustique de type anophèle. Une situation qui est due au fait que l'anophèle pond ses ?ufs dans les eaux. Or au village, nous avons beaucoup d'endroits où les eaux stagnent, explique Dr. San Koffi. Le paludisme, déplore le coordonnateur du PNLP, malgré le fait qu'il ne soit plus un mystère pour les experts, continue d'être la première cause de morbidité en Côte d'Ivoire. La situation, note t-il, ne s'est pas beaucoup améliorée, malgré tous les efforts fournis par les acteurs engagés dans la lutte. Les méthodes efficaces de prévention existent. Mais la régression souhaitée n'est pas encore atteinte. La situation en Côte d'Ivoire est similaire à celle de toute l'Afrique subsaharienne , commente Dr. San Koffi. Plusieurs facteurs, avance-il, peuvent expliquer ce sombre tableau. Entre autres, la pauvreté, l'ignorance des populations, l'absence de moyens de confirmation du diagnostic et d'un traitement adapté à chaque cas. La carte de la pauvreté et du paludisme se superpose dans le monde. De plus, on sait que la maladie est provoquée par la femelle d'un moustique qui pond ses ?ufs dans l'eau. Le niveau d'instruction de nos populations est très bas. Ce qui rend difficile la mise en ?uvre des plans de sensibilisation sur le changement de comportement, remarque t-il. La chloroquine ayant été mise hors du circuit de traitement, du fait de son inefficacité, les espoirs du monde médical, souligne Dr. San Koffi, résident dans une combinaison thérapeutique de deux médicaments, à base d'artémisinine. Encore faut-il, à en croire le médecin, faire le bon diagnostic, suivre correctement le traitement et ne pas changer ce traitement en cours, sans s'assurer par un examen, qu'il y a eu échec au premier traitement. Des décisions qui, conclut-il, nécessitent une bonne formation des praticiens eux-mêmes.
Dao Maïmouna

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