lundi 18 août 2008 par RFI

Pas de répit, pas de repos. Sitôt la tournée triomphale de son premier album terminée, Mademoiselle K est repartie en studio pour composer Jamais la paix. Un disque d'écorchée vive à la fois sombre et lumineux. La femme s'avoue volontiers insupportable, l'artiste n'en est que plus attirante.

D'ordinaire lors d'une interview, le journaliste pose des questions, plus ou moins pertinentes, et l'artiste répond, de manière plus ou moins téléphonée. Avec Mademoiselle K, c'est différent.

Il suffit d'une infime remarque sur la pochette de l'album pour subir un soliloque de 20 minutes qui passera par la Chine, la Pologne, la diplomatie et le rock français. Mademoiselle K ne répond pas aux questions des autres, elle affronte les siennes, continuellement, sautant du coq à l'âne quand elle se sent bloquée.

Vous l'aviez connue extrêmement susceptible avec ça me vexe et Jalouse, elle ne revient pas en pire mais en plus déchirée. La faute au temps : "Ce moment de composition a été très court et très dur. Avant je passais un mois à écrire une chanson et je prenais le temps de travailler toutes les intonations. Là, parfois sur une semaine, j'avais cinq chansons en même temps. Il y a plus de souffrance parce que c'est une période plus resserrée. Les moments où tu as mal, où tu te vides, ce n'est plus une fois dans le mois mais tous les deux jours.J'ai dû forcer. On était hyper fertile au niveau musical et moi, j'étais en retard avec les textes."

Attention, ça pique !

Comme sur le premier album, Jamais la paix débute par une harangue à l'auditeur. Le Vent et la fureur pose le ton. Ça ne va pas être rose. Bien callée dans ses bottes en cuir la grande bringue aux cheveux coupées court prévient : "Avec ce titre, j'annonce ce qui va se passer. Viens, mais attention, ça pique, on ne prend pas dans le sens du poil." Effectivement, A.S.D. comptine destroy déboule, bientôt supplantée par un Jamais la paix au bord de la crise de nerf. Un cran toujours plus sombre, Maman XY, chanson poignante où des cris déchirants répondent à une voix enfantine apeurée. "Ça part d'une recherche sur l'identité, confie Madeloiselle K. Ce titre a été écrit dans une espèce de moment de perdition. Avec ce refrain 'Si tu m'aimes si j'ai tort / à quoi je serre-moi fort.' Clairement, c'est sur qui je suis. C'est une question d'adulte mais qui remonte loin. Ce besoin d'amour quelques soient nos défauts et nos tares. Il y a aussi plusieurs lignes de lecture. Certains m'ont demandé si j'étais née sous X ou si c'était un coming out. Cette chanson est un champ de possibles où j'en dis énormément sur moi, mais au final t'en sais pas plus au début qu'à la fin."

Heureusement, l'ambiance se fait aussi parfois plus légère grâce à Grave un titre joliment troussé "avec un clin d'?il à des trucs sexuels, j'aime bien ça!" Sur un rythme bluesy, la chanteuse se moque de son caractère difficilement compatible avec la vie en société. Faute avouée, à moitié pardonnée, d'autant que pour la naissance de cet album, elle a voulu jouer collectif. "On a tout composé à quatre, avec les autres musiciens. Avant j'étais chanteuse, auteur et compositeur mais là, je voulais qu'on le fasse ensemble parce qu'il y a quelque chose de très fort entre nous. J'en suis super heureuse." Mais la louve ne cesse pas de grogner en un jour. "Ils découvraient les textes à des moments fragiles où la chanson n'avait pas encore mûri. C'est un truc hyper pudique, je leur en voulais !"

Bien au dessus du rock français

Ainsi, l'enregistrement de Clic-Cloc n'a pas été de tout repos :"J'avais le thème de l'oppression du temps, mais je n'avais pas de texte. A un mois de rentrer en studio, je leur ai dit qu'elle ne serait pas sur l'album alors que je savais que c'était une chanson qu'ils aimaient. Ils insistaient. J'enrageais : 'Arrêter de me saouler avec ça !' J'essayais de faire fuir la pression. La pression dont je parle au début de l'album, ce n'est pas celle de la maison de disques ou des gens mais celle que je me suis mise toute seule. A un moment, je me suis sentie prisonnière. Je me disais que je ne pourrais plus jamais faire de truc toute seule, que je serais obligée de le faire avec eux ! Je leur en voulais d'être là." Depuis les quatre musiciens se sont parlés et tout va bien, merci !

Ce fichu caractère et cette tension ont eu du bon. Jamais la paix dépasse d'une bonne tête toutes les productions habituelles du rock français. Furieuse, sarcastique ou tendre, la voix de Mademoiselle K alterne avec une justesse et une maîtrise impressionnante. Mais c'est surtout musicalement que l'album esbaudit. Les quatre musiciens accouchent comme personne de longues montées planantes avant de laisser exploser les rythmiques comme sur Pas des carrés. Le groupe dépasse les schémas habituels du rock, revisite les riffs, crée des ambiances singulières sans jouer l'épate ou la complexité. Pourvu que Mademoiselle K reste encore longtemps insupportable !

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