lundi 18 août 2008 par Reuters

ISLAMABAD - Menacé d'une procédure de destitution, le président pakistanais Pervez Musharraf a annoncé sa démission lundi, dans une allocation télévisée au cours de laquelle il a défendu avec passion son bilan et rejeté les accusations portées contre lui.

Ancien chef de l'armée arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1999, Musharraf, fidèle allié des Etats-Unis, avait vu sa popularité s'effondrer depuis un an et demi.

En février dernier, l'opposition emmenée par le veuf de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto et par Nawaz Sharif, que Musharraf avait renversé il y a neuf ans, a remporté les élections législatives.

Le gouvernement de coalition avait annoncé son intention de lancer cette semaine une procédure de destitution ("impeachment") contre le chef de l'Etat, notamment pour violation de la Constitution.

"Après avoir sollicité l'avis de mes conseillers juridiques et de mes collaborateurs politiques, je prends la décision de démissionner", a déclaré Musharraf, l'air sombre. "Ma démission sera remise aujourd'hui au président de l'Assemblée nationale", a-t-il ajouté.

L'armée s'est tenue depuis plusieurs mois à l'écart de la crise politique et les marchés financiers ont accueilli avec soulagement la décision du président, qui met fin à l'incertitude.

Musharraf, 65 ans, a rejeté les accusations qui le visent mais a estimé qu'une procédure de destitution, quelle qu'en soit l'issue, était dommageable pour le pays et la dignité de la fonction présidentielle, raison pour laquelle il a décidé de se retirer.

"Que je gagne ou que je perde, la nation, elle, aurait perdu", a-t-il lancé.

Des responsables saoudiens, américains et britanniques ont participé aux négociations visant à mettre fin à ce bras de fer entre le chef de l'Etat et le gouvernement.

QUEL AVENIR ?

Dans son allocution, Musharraf a souligné qu'il ne demandait "rien à personne". "Je remets mon avenir entre les mains de la nation et du peuple", a-t-il dit.

George Bush a salué quelques heures plus tard le rôle joué par Musharraf dans la lutte contre Al Qaïda et a promis d'aider les autorités d'Islamabad à renforcer la démocratie dans le pays et à combattre le terrorisme.

La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a dit voir en Musharraf un "ami des Etats-Unis", pour avoir fait le "choix essentiel" du combat contre les taliban, Al Qaïda et d'autres formes d'extrémisme après les attentats du 11 septembre 2001.

Les deux grands rivaux dans la course à la Maison blanche, le démocrate Barack Obama et le républicain John McCain, ont eux aussi réagi et estimé, l'un et l'autre, que la démission de Musharraf devrait aider à stabiliser politiquement le Pakistan.

"Le Pakistan est une zone cruciale pour contrer la menace d'Al Qaïda et de son intégrisme musulman violent, et je suis impatient de voir le gouvernement accroître à l'avenir sa coopération", a déclaré le candidat républicain.

Pour Obama, "les Etats-Unis doivent s'assurer que toutes les composantes du gouvernement pakistanais sont déterminées à éliminer les repaires d'Al Qaïda et des taliban".

La présidence française du Conseil de l'Union européenne, prenant note de la démission de Musharraf, exprime dans un communiqué le souhait que le futur président et le gouvernement pakistanais puissent travailler ensemble au développement et à la consolidation de la démocratie dans le pays, dans le respect des institutions et de l'Etat de droit.

"L'Union européenne continuera de soutenir le Pakistan sur cette voie", lit-on dans le communiqué.

Selon un sondage de l'International Republican Institute publié à la mi-juillet, les Pakistanais étaient à 83% favorables au départ du président.

Pour se défendre, Musharraf s'est présenté ces derniers mois comme le champion de la lutte contre l'extrémisme religieux et le garant de la cohésion nécessaire pour éviter la faillite économique du pays.

Emmené par Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto assassinée en décembre, le Parti du peuple pakistanais (PPP) est arrivé en tête des élections de février. Il s'est associé à trois autres composantes de l'opposition, dont l'aile de la Ligue musulmane fidèle à Nawaz Sharif.

Sharif était le plus virulent à réclamer le départ du président, à qui il reproche la proclamation de l'état d'urgence en novembre dernier et son rôle dans le conflit frontalier qui a opposé les armées indienne et pakistanaise en 1999.

Par Kamran Haider
Version française Guy Kerivel et Eric Faye

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