jeudi 14 août 2008 par Notre Voie

Arrêtés le lundi 9 mai à Grand-Lahou (150 km au Sud d'Abidjan), pour des violences et voies de faits, M. Jean Djaya Angbomi, plus connu sous le nom de Djaha Jean, membre du Bureau politique du PDCI-RDA (ancien parti unique de 1960 à 1990, aujourd'hui dans l'opposition), et sept (7) autres complices n'ont passé que 10 jours à la prison de Dabou. Pour faire chic, les huit inculpés ont été déclarés libres moyennant le paiement d'une caution. En vérité, l'affaire semble plutôt avoir été classée sine die. En tout cas, convoqués le lundi 16 juin dernier par Me Huberson Ehouman, juge d'instruction au tribunal de Dabou, M. Djaha Jean et ses coauteurs n'ont pas daigné répondre à l'appel. Par la suite, le juge d'instruction a bouclé son dossier et l'a transmis au parquet dans la dernière semaine du mois de juin. Le procès devait être ouvert au mois de juillet dernier. Mais l'Etat ivoirien semble avoir abdiqué. Les magistrats semblent avoir capitulé. Le préfet de Dabou, sous d'énormes pressions, s'est rétracté. Il a retiré sa plainte contre les casseurs et son ministère de tutelle ne semble pas être dérangé outre mesure. Les casseurs se félicitent dans les journaux de jouir de l'appui et du soutien du ministre de la Justice. Des magistrats préviennent que des pressions politiques s'exercent pour que le dossier aboutisse à un non-lieu. Seul, le député de Grand- Lahou, Lakpa Amessan, qui a vu son véhicule saccagé par les vandales, demeure le grand perdant. Malgré sa plainte, M. Djaya Angbomi Jean et ses complices semblent bénéficier de l'exonération de poursuites judiciaires.
A Grand-Lahou, l'on comprend à présent pourquoi ces vandales ont choisi de tout saccager sur leur passage, en décembre 2007, alors que l'objet de leur colère, un arrêté préfectoral, avait été rapporté cinq jours plus tôt. L'Etat, sous le FPI, semble avoir décidé de céder, ici, son autorité à des individus, se plaignent des cadres de la localité.


Opération tempête à Grand Lahou

Retour sur ce scandale politico-judiciaire.
La ville de Grand-Lahou été secouée par une manifestation violente le lundi 17 décembre 2007. Sous prétexte de protester contre un arrêté préfectoral, des hordes de casseurs à la solde de M. Djaha Jean ont fait trembler la ville. Ils ont détruit les locaux de la préfecture, déchiré les archives, volé des meubles et du matériel informatique. Ils ont incendié la voiture de commandement du préfet, Edmond René Agaud, ainsi que le véhicule personnel du député Lakpa Amessan. Le préfet a dû son salut à une opération d'exfiltration réussie, dit-on, par un gendarme.
Les commanditaires de cette violence sont connus. Ils s'appellent Djaya Angbomi Jean (membre Bu bureau politique du PDCI-RDA), Alfred Yao N'Guessan (président du conseil général du département), Jean-Baptiste Niamba (2ème adjoint au maire), Joseph Laga (conseiller municipal), André Kouassi (membre du conseil général), Cécile Mariam (tenancière de maquis). Ils sont tous militants du PDCI-RDA. Leurs principaux bras séculiers sont aussi identifiés. Ce sont Gaston Lago N'Drin (chef de cabinet du président du conseil général), Jean Jules Ano (responsable du service technique du Conseil général), Vincent de Paul Béké Ehui (chef du service de l'état civil de la mairie), Philippe Guédé, Paul Gnaba Beugré, Victor Tahi, Nicolas Badoussy, David Beugré dit Amié, David Zoukouan Lognon et Gnahoré (agent de la mairie), tous hommes de main de Djaha Jean.

Au départ, un banal litige foncier

De son vivant, Me Arsène Usher Assouan, grand compagnon de feu Félix Houphouet Boigny, maire de Grand Lahou, avait perdu un procès dans un litige foncier qui l'opposait à feu Elysée Beugré Drogui, chef du village d'Agoudam. En effet, en 1988, Arsène Usher Assouan, alors ministre des Affaires étrangères, s'était proposé de spolier les populations communales de Lahou Kpanda de leurs terres du plateau d'Agoudam. Il avait jusque-là réussi à en arracher, par moult stratagèmes, une portion pour bâtir sa résidence. Sur plainte de Beugré Drogui, Usher Assouan fut désavoué par M. Joseph Bombo, le maire de la commune de Grand-Lahou au moment des faits (courrier n°82/88/MGL/CAB du 20 mai 1988). Le 19 mars 2003, le vieux chef de village lègue ses terres convoitées à son neveu, Robert Tanoé, exploitant forestier. Beugré Drogui meurt quelque temps plus tard.
Le 14 mai 2007, le sieur Tanoé adresse à Jacques Lobognon Koné, alors préfet de Grand Lahou, une demande de lettre d'attribution officielle. La procédure aboutit à une enquête de commodo et incommodo dirigée par le directeur départemental de l'agriculture, M. Abdoulaye Soumahoro. Le 20 juillet 2007, la commission d'enquête rend son verdict :
Le terrain visé n'est l'objet d'aucun différend et personne ne s'oppose à son occupation par M. Tanoé Robert, exploitant forestier. Aussi, émettons-nous un avis favorable quant à l'appropriation et à l'exploitation de cette parcelle de terrain par l'intéressé. Appelé à partir de Grand-Lahou, le préfet Lobognon cède le dossier à son successeur, René Edmond Agaud. L'actuel préfet de Grand- Lahou signe donc, à son tour, le 8 août 2007, l'arrêté n°49/P-GL/CAB qui fait de M. Robert Tanoé, neveu et héritier de feu Beugré Drogui, le détenteur d'un titre foncier à Agoudam sur la parcelle de 144 hectares 38 ares 55 centiares située de part et d'autre de l'axe Grand-Lahou Agoudam. Ampliateur de cet arrêté préfectoral, Me Arsène Usher Assouan n'a rien eu à redire.

Grand-Lahou, propriété secrète des Usher ?

Arsène Usher Assouan s'est éteint le 13 octobre 2007. Au moment des préparatifs de ses obsèques, M. Tanoé découvre que la famille du défunt, conduite par Djaha Jean, s'apprête à bâtir un caveau sur sa parcelle d'Agoudam. Il s'y oppose et saisit le député Lakpa Amessan, superviseur du comité d'organisation desdites obsèques. Les négociations débutées, le 25 octobre 2007, par une réunion de conciliation au palais de l'assemblée nationale à Abidjan, continuent jusqu'en décembre. Elles n'ont pu fléchir le refus des propriétaires du terrain d'Agoudam. Tout au plus, la famille Usher obtint qu'un simple mausolée soit bâti sur leurs terres si Usher Assouan devait être inhumé en dehors de sa résidence.
Contre toute attente, Djaha Jean et les siens ont choisi le passage en force. A la place du mausolée, la famille Tanoé découvre un caveau de 14 casiers en construction sur ses terres d'Agoudam. Elle commet un huissier de justice pour ordonner l'arrêt des travaux et porte l'affaire devant le tribunal de Dabou. Djaha Jean et sa suite y produisent, enfin, un document sans référence, rempli à la main, portant la mention
autorisation n°6. Signé le 4 août 1997 par le sous-préfet Patrice Gueu, ce document attribue à Me Arsène Usher Assouan un terrain non délimité de 406 hectares à Agoudam. Mais pourquoi, de son vivant, le défunt n'a-t-il jamais brandi ce document pendant les enquêtes de commodo et incommodo ? Grand avocat, pourquoi Usher Assouan est-il resté sans réaction lorsqu'il a reçu ampliation du titre foncier délivré à Robert Tanoé ? Mystère. Mais, peu importe, fort de cette autorisation n°6 sans valeur de titre foncier, Djaha Jean et les siens engagent la guerre contre les Tanoé, le député et contre l'Etat.

Et l'Etat plie l'échine sous la violence

Dans un premier temps, le député Lakpa Amessan, jusque-là médiateur dans l'affaire et superviseur des obsèques de feu Arsène Usher Assouan, est accusé de partialité au profit des Tanoé et écarté de l'organisation des funérailles. Par la suite, une campagne médiatique bien orchestrée accuse le préfet René Edmond Agaud et le député d'avoir vendu, en complicité, le domaine d'Usher Assouan à un opérateur privé, c'est-à-dire Robert Tanoé. Cette affaire s'ajoute à d'autres faits choquants (voir Le préfet victime des frasques des Usher). Dans la ville, la tension monte, l'atmosphère devient invivable. Plusieurs manifestations de protestation sont organisées pour demander à la fois l'annulation de l'arrêté préfectoral et la démission de René Edmond Agaud du corps préfectoral !. En réponse, le 12 décembre 2007, par l'arrêté n°071/P-GL/CAB, le préfet de Grand-Lahou, sur ordre, dit-on, de sa hiérarchie, annule l'arrêté n°49 qui attribue les terres d'Agoudam à Robert Tanoé. René Edmond Agaud s'appuie sur le caractère biaisé de l'enquête de commodo et incommodo de la Direction départementale de l'agriculture de Grand- Lahou qui a abouti à la délivrance du titre foncier de Robert Tanoé.
Cet acte a été plutôt fatal. Loin de calmer les esprits des protestataires, l'annulation de l'arrêté préfectoral a été perçue comme une victoire par Djaha Jean et les siens. Elle a dopé leurs violentes ardeurs. Le 13 décembre 2007, ils organisent une opération ville morte qui échoue. Le 17 décembre, ils appellent à une marche qui aboutit aux casses, destructions et vols décrits plus haut. Après 10 jours de détention, Djaha Jean et ses complices ont été libérés. Robert Tanoé n'est plus le propriétaire des terres que lui a léguées son oncle Elysée Beugré Drogui. A Grand-Lahou, beaucoup sont convaincus que l'Etat est à genoux devant les héritiers d'Arsène Usher Assouan.





César Etou et Paul D. Tayoro

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