jeudi 14 août 2008 par Fraternité Matin

Décédée en novembre 1997, dame Ligué Maka attend, dans les casiers d'Ivosep, d'être inhumée.
Ligué Maka Marie aura-t-elle droit un jour à une sépulture digne? La question mérite d'être posée. Décédée courant novembre 1997, cette vielle dame, originaire de Békipréa, village sis à 7 km de Daloa sur l'axe Daloa - Gboguhé, est encore parmi les vivants. Logée au casier n°4 d'Ivosep de Daloa. Onze longues années que la défunte attend d'être inhumée. Un record de longévité pour un cadavre! Qu'est-ce qui explique le peu d'empressement des parents à conduire la défunte à sa dernière demeure ?
Pour comprendre l'histoire du séjour prolongé de la doyenne de cet établissement, il faut remonter à plusieurs années dans le village de Békipréa. Ligué Maka Marie, de son vivant, n'aurait pas été un modèle de sagesse. Présumée chef de file d'une confrérie redoutable de sorciers, elle aurait semé la désolation au sein des familles, éliminant certains membres par des pratiques maléfiques et empêchant la promotion sociale d'autres. Elle était même, dit-on, à l'origine de la révocation de son frère Ligué Martin, de son poste de sous-préfet. Toutes choses qui ont entraîné son bannissement du village. Elle était partie donc se réfugier chez son unique fils, Digbeu Koré, à Abidjan. C'est de son exil qu'elle a rendu l'âme courant novembre 1997. Sa dépouille mortelle est transférée du Chu de Yopougon, à son village. Les parents évidemment, n'ont pas accueilli avec enthousiasme, le retour de la vieille sorcière. Ils décident de l'enterrer le plus sobrement possible. Le fils, lui, en décide autrement. Puisqu'il veut des funérailles grandioses, dignes de sa mère. Les discussions coincent. C'est dans cette impasse, que Digbeu Koré, qui a pourtant prévu des obsèques dorées à sa génitrice, disparaît de la circulation pour ne plus donner signe de vie. Depuis lors, Ligué Maka Marie attend son heure dans l'anti-chambre d'Ivosep de Daloa au casier n°4. Elle en est devenue même le plus vieux locataire. A Békipréa, personne ne veut de ce corps devenu encombrant. Et pourtant, le responsable local d'Ivosep, Coulibaly Alioune, a décidé de faire grâce aux parents des frais de conservation qui ont atteint à se jour, la bagatelle de 14 millions 213 mille 100 francs CFA. Au dire du procureur de la République près le Tribunal de Daloa, Koné Bernard que nous avons rencontré, la procédure devant conduire à l'inhumation de Maka est toute simple. Il suffira à Ivosep d'adresser un courrier au préfet pour l'informer de la situation. Au vu de ce courrier, l'administrateur civil, à l'expiration d'un délai d'observation pour permettre éventuellement aux parents de réagir, donnera autorisation au maire de procéder à l'inhumation du corps. Par un arrêté municipal qui permettra à ses services de mettre à exécution les instructions du préfet. Comme l'a dit Dackoury Lohouré Dabet, préfet de Daloa, la place d'un mort est au cimetière. La maison d'Ivosep ne devait être qu'un lieu de transit et non une dernière demeure.



Emmanuel Kouadio
Correspondant régional

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