jeudi 14 août 2008 par Fraternité Matin

Fistule: Quand l'accouchement devient un drame
Dernière mise à jour : 13 Aug 2008 - 23:23 GMT
La fistule vésico-vaginale (Fvv) est une ouverture anormale entre la vessie et le vagin; entraînant un écoulement permanent et continu d'urine appelée communément pipi?. L'écoulement se fait par le vagin, sans possibilité de contrôle. Dans certains cas, ce sont les urines et les selles qui sont évacuées en même temps. On parle alors de fistules vésico-recto-vaginales ou recto-vaginales. La malade est incapable d'arrêter cet écoulement, qui dégage en permanence une odeur d'urine ou de selle. Les pratiques traditionnelles néfastes, telle que l'excision, le mauvais suivi du travail? des femmes enceintes, la négligence des consultations prénatales, l'effort de poussée précoce de ces femmes, les mariages et grossesses précoces, l'action des matrones, le manque d'infrastructures sanitaires, etc. sont les facteurs qui favorisent la fistule vésico-vaginale chez les femmes après l'accouchement. Selon le Dr Bénié Bi Vroh Joseph, directeur coordonnateur du programme de lutte, les fistules vésico-vaginales? sont un sujet d'une importance capitale et un véritable problème de santé publique. Malheureusement pas très connu du grand public?. Il explique la survenue de la fistule par le fait qu'à l'occasion d'un accouchement, qui dure longtemps, la tête du foetus vient buter contre le pubis qui est un os au niveau du pelvis. Il y aura donc une pression sur les deux os (la tête de l'enfant et le pubis) et la partie de la chair située entre ces os va être progressivement privée de sang; et connaître une nécrose, c'est-à-dire mourir, et tomber. Cela va créer un orifice entre le vagin et la vessie, par lequel les urines vont couler en permanence. La fistule est aussi appelée la maladie de la honte. A cause des mauvaises odeurs que dégagent les femmes qui en sont victimes. Ce qui les pousse à se soustraire des activités qui attirent les foules. Les malades de la fistule sont généralement issues du milieu rural et ne savent pas qu'elles ne peuvent être guéries que par la chirurgie. Lorsque Nathalie, une jeune fille du village de Logbozoua (de la région de Buyo), qui a perdu ses cinq enfants à l'accouchement, a constaté qu'elle perdait les urines. Ce fut pour elle le commencement d'un long chemin de croix, parce que marginalisée par sa communauté. Elle ne connaissait pas la maladie. Selon les témoignages recueillis, certaines femmes ont traîné leur mal sur plusieurs années en cherchant à se soigner en vain chez les tradipraticiens, ou dans des séances de prière jusqu'à ce que l'information leur parvienne. Une femme a ainsi vécu 20 ans avec la fistule vésico-vaginale avant de se faire opérer. Et aujourd'hui, elle se porte bien.
La fistule vésico-vaginale reste donc encore méconnue en Côte d'Ivoire. L'Oms estime à 2 millions le nombre de femmes qui en souffrent dans le monde. Pour une incidence annuelle de 100.000 à 200.000 nouveaux cas en 2005. Selon Dr Woï Messe Lynda, une étude menée à Man, Danané, San-Pedro en 2007, a recensé 174 cas de fistules dont 153 cas dans la seule région de Man. Devant la souffrance physique et psychologique de ces femmes, le gouvernement ivoirien et le Fnuap ont décidé de lutter contre ce mal. Cela va se traduire par le renforcement du plateau technique des services de gynécologie obstétrique du Chr de Man. Mais, aussi le renforcement des capacités des prestataires de prise en charge de fistule, et le renforcement de la communication pour le changement de comportement de la communauté. Notamment en ce qui concerne les préjugés culturels. On a tendance à dire que quand la femme va accoucher et que l'accouchement dure, c'est soit parce qu'elle est paresseuse, soit parce que c'est une sorcière?. La fistule survient après ce temps de latence, qui suit l'accouchement. Une ou deux semaines plus tard, la femme commence à perdre les urines. Dans 90% des cas, l'enfant auquel elle donne naissance meurt parce que le travail a trop duré. Le Dr Kouamé Bilé, expert du projet Fistules dans la région de Montagnes, indique que les fistules vésico-vaginales ne pourront disparaître de la Côte d'Ivoire que lorsque le pays arrivera à un niveau d'accouchement assisté par un personnel de santé qualifié.
Marie-Adèle Djidjé
Option : Souffrance en silence !
Les femmes qui ont eu la joie d'être mères, disent toutes la même chose : après la douleur de l'accouchement, le petit être qui vient au monde, fait oublier le mauvais souvenir qui a précédé sa naissance. La mère du bébé et toute la famille avec elle retrouvent le sourire, rien qu'à voir le nouveau-né.Mais dans le cas des femmes victimes de fistules, il n'y a point de joie après l'accouchement. La joie est de courte durée, pour celle qui a la chance de mettre au monde un bébé vivant. Dans certains cas, le bébé ou la mère meurt. Généralement, les souffrances qui précèdent ces grossesses à risques aboutissent à un écoulement d'urine incontrôlées à l'existence de la fistule. La réduction de l'orifice vaginal des mères excisées laisse très peu de chance à l'enfant, et quelquefois aussi à la mère, de sortir sain et sauf de ce combat pour la vie? qu'est l'accouchement. Surtout lorsque la parturiente est livrée aux matrones, loin d'un centre de santé où un spécialiste aurait pu débloquer la situation. Si souvent les matrones sont à féliciter pour les prouesses qu'elles réalisent dans les villages les plus reculés et privés d'infrastructures sanitaires, dans d'autres cas leur action s'avère nuisible. Notamment quand la situation qui se présente à elle dépasse leurs compétences. Lorsqu'une opération chirurgicale s'impose, ou quand il faut des techniques connues uniquement en milieu hospitalier pour faire accoucher une parturiente dans le cas d'une grossesse compliquée. Malheureusement, lorsque la fistule survient et que malgré tous les efforts, la santé de la victime ne s'améliore pas cette dernière finit par être marginalisée par son entourage. Et à être traitée de sorcière. Isolées, laissées pour compte, ces femmes souffrent en silence dans leur corps et dans leur âme. Avec l'écoulement incessant des urines, et les odeurs insupportables qui ne les lâchent que lorsqu'elles sont guéries, à la suite d' une opération chirurgicale. A Man, la prise en charge est gratuite.
Marie-Adèle Djidjé
Focus : Une radio veut vaincre le mal par l'information
Aidez à dédramatiser la fistule vésico-vaginale comme vous êtes arrivé à le faire pour la Sida?. C'est le cri du c?ur de Roger Saïba, chef de production du service réseau d'information régional intégré (Irin) Radio, qui est rattaché au bureau pour la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha). Il a lancé cet appel aux journalistes à la faveur d'une table ronde organisée le 11 juin dernier au Bit pour les sensibiliser à l'existence de cette maladie, et au drame qu'elle constitue pour les femmes qui en souffrent. La radio s'intéresse aux fistules, parce qu'elle estime que c'est essentiellement un problème d'information. Très peu de personnes connaissent cette maladie. Cette ignorance touche parfois certains agents de santé. Les femmes qui en sont victimes sont issues essentiellement du milieu rural. Elles sont donc très vulnérables, du fait de la pauvreté et d'un accès difficile aux soins de santé?. Du fait de la crise, de nombreux villages, particulièrement à l'ouest, n'ont pas de maternité. Etant en partenariat avec les radios communautaires sur l'ensemble du territoire ivoirien, Irin radio veut informer les populations, et particulièrement les femmes de l'existence et des causes des fistules afin de prévenir leur apparition, en évitant les grossesses à risque et en ayant recours aux centres de santé pour les accouchements. Les responsables sont convaincus que si l'on informait l'entourage des porteuses de fistules, ces dernières ne seraient pas rejetées.
M.A. Djidjé
Repères
Ong. L'Ong génération femmes du troisième millénaire fait partie des organisations non gouvernementales qui ont décidé de s'attaquer aux fistules, avec le Fnuap et le ministère de la Santé et de l'Hygiène publique. Née en 2004, cette Ong est dirigée par Mme Véhi Touré.
Informer. Le projet du réseau d'information régional intégré (Inri) a démarré en 2001. Son objectif : informer et donner la parole aux populations sur les questions cruciales. C'est au mois d'août 2007, que la radio a été confrontée à la réalité des fistules vésico vaginales au cours d'une mission pour des reportages au Chr de Man. Une vingtaine de femmes, dont l'âge varie de 14 à 40 ans toutes porteuses de fistules, étaient hospitalisées sous une tente d'une capacité de 15 lits.

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