mercredi 13 août 2008 par L'intelligent d'Abidjan

L'intégration, c'est l'acceptation des pratiques coutumières de l'autre?Regard effroyable, visage aux allures mystiques, Grand prêtre vaudou, sa Majesté Adjahouto Dodo du Palais Royal d'Avakpa au Bénin est le Roi des Aïzo. Souverain de plusieurs communautés dont les Seto, les Gbessi, les Ouidan et les Oula, l'homme a été invité à apporter son expérience pour la cause de l'Afrique, lors de la 6ème édition du Festival International La Route des Reines et des Rois 2008 . Dans cet entretien, le Roi béninois donne sa vision des pouvoirs politiques coutumiers et la place des pratiques totémiques dans l'Intégration Africaine. Qu'est-ce qui a motivé, Majesté, votre présence à la 6ème édition du Festival International La route des Rois et des Reines 2008 ? Ce qui nous a motivé c'est que nous avons été invité, comme les autres rois d'ailleurs, à venir participer à ce Festival International. Nous sommes venue prendre part à la 6ème édition et nous avons pris des décisions nobles qui feront carrément renaître l'Afrique. C'est ce qui a été fait depuis l'ouverture du Festival le 03 jusqu'au O9 août 2008. Comment se comporte la royauté et la chefferie traditionnelle au Bénin ? Au Bénin, la royauté et la chefferie sont bien organisées parce que n'est pas chef qui le veut et n'est pas roi qui le veut. Et là où il y a un roi, le chef n'est pas présent. Parce que le roi ne parle pas en public, il ne serre pas la main aux gens. Il y a trop de totems pour les rois béninois. Qu'avez-vous retenu de la caravane du Festival International La route des Rois et des Reines 2008 ? La première chose, c'est la paix que nous avons retrouvée en Côte d'Ivoire parce que, quand on est chez nous (Ndlr, au Bénin), c'est tout à fait autre chose que nous entendons. Quand nous sommes arrivés (Ndlr, en Côte d'Ivoire), nous avons constaté que les Ivoiriens se sont donné la main. C'est la plus grande preuve du retour de la paix en Côte d'Ivoire. La seconde chose qui nous a émus, c'est le chaleureux accueil dont nous avons été l'objet. Nous avons constaté que nous nous comportions comme dans nos palais respectifs. Surtout au niveau des résolutions, on a vu des Burkinabés, des Béninois, des Camerounais, des Ghanéens, des Nigérians ainsi que des chercheurs et des universitaires qui ont pris une part active aux travaux. Je pense que si chaque année, les Rois et Chefs traditionnels africains peuvent se retrouver dans un même creuset pour réfléchir sur les problèmes qui minent leur corporation et trouver des résolutions fortes, ce serait une bonne chose. Majesté, croyez-vous véritablement à la réhabilitation du pouvoir politique coutumier face aux enjeux des Etats modernes ? La réhabilitation du pouvoir politique coutumier est possible. Si la colonisation a défait tout ce qui est royauté, nous (Ndlr, autorités politiques traditionnelles) qui sommes restés, avons pris conscience que seule notre culture sera le moteur qui fera développer notre économie. Sans la culture, il n'y a pas d'économie. C'est pour cela que nous sommes venus nous retrouver en Côte d'Ivoire. C'est à cela que nous, Rois et Chefs traditionnels, devons nous atteler pour la renaissance de l'Afrique. Qu'est-ce que vous avez remarqué de singulier dans le mode de gestion de la société traditionnelle en Côte d'Ivoire en comparaison au mode béninois ? Ce qui m'a stupéfait en Côte d'Ivoire, c'est l'immixtion de la politique dans les affaires coutumières. C'est la politique qui dirige. Alors que chez nous (Ndlr, au Bénin), la politique ne dirige pas du tout. Le Roi est libre et indépendant, les décisions prises par le roi ou le chef sont directement applicables aux sujets. En Côte d'Ivoire, nous avons compris que les autorités coutumières n'ont que quelques villages sous leur direction. La spécificité du Bénin est que les Rois et Chefs traditionnels ont plusieurs communautés qu'ils gouvernent. Les autorités politiques et administratives ne s'impliquent pas dans la gestion des affaires traditionnelles. Sa Majesté Adjahouto Dodo, intégration africaine et pratiques totémiques : quels enjeux ? L'enjeu est noble parce que sans cela nos progénitures ne comprendraient rien. Il y a des familles qui consomment des aliments ou utilisent des objets que les autres ne touchent pas. Ces pratiques totémiques sont très importantes. Le peuple de l'intégration est celui qui doit obéir aux respects des valeurs culturelles de la communauté qui l'accueille. La manière de manger, de donner les civilités et autres. L'intégration signifie alors l'acceptation des pratiques coutumières de l'autre. Je pense qu'on doit réapprendre cela à nous, Majestés, et aussi à nos enfants. C'est ce qui est très important. Certaines pratiques telles que le rituel funèbre et la privation ou même la confiscation des libertés de certains individus dans les royaumes africains constituent un obstacle dans les Etats modernes. Existe-t-il, aujourd'hui, un respect des Droits de l'Homme face aux prérogatives liées au pouvoir politique coutumier ? Non ! Les Droits de l'Homme dont vous parlez, c'est autre chose. Dans les royaumes, les décisions ne se prennent jamais seul. Toutes les décisions sont prises de façon consensuelle parce que le Roi a une cour et une notabilité. Il existe une véritable collaboration étroite entre le Roi et ses collaborateurs. Ces pratiques que fustigent les Droits de l'Homme n'existent plus. C'était au bon vieux temps. Aujourd'hui, lorsqu'un Roi meurt, on l'enterre seul. Il n'est plus question de le faire accompagner de personnes vivantes autrefois appelées esclaves. Majesté, quelle signification donnez-vous à la canne que vous portez à l'épaule ? La canne est constituée, au sommet, de la tête d'une panthère et de trois caméléons. La symbolique des trois caméléons signifie les trois fils de notre ancêtre Adjahouto qui est issu d'une panthère. La tête de la panthère, quant à elle, est la représentation de leur mère. Celui qui porte cette canne prouve qu'il est le descendant du grand empereur Adjahouto qui a donné naissance aux royaumes d'Alaba, d'Abomey et de Porto-Novo. Et si, Majesté, vous nous parliez en filigrane du rituel Zangbeto dans l'univers Vaudou ? Le Zangbeto est le gardien de la nuit. C'est le gardien qui surveille le royaume. Il est ambivalent (Ndlr, deux côtés) : un côté spirituel et l'autre physique ou spectaculaire. Quand le Zangbeto met en exergue son côté spirituel, on place un individu dans une case qui est hermétique. Le rituel est entamé. Puis, on brûle tout. Vous voyez tout consumer sous vos yeux. Ensuite, place au rituel et incantation. Quelques minutes plus tard, tout réapparaît. C'est un pouvoir que nous possédons au Bénin. Maintenant, le même Zangbeto se produit aussi en spectacle pour les manifestations. C'est une divinité bicéphale. Majesté, votre mot de fin ? Nous exprimons notre joie d'être en Côte d'Ivoire et de considérer que désormais la Côte d'Ivoire est devenue l'Afrique ; l'Afrique est devenue un seul village, un seul lit sur lequel nous allons nous coucher tous. Nous devons nous donner la main, la partager avec tout le peuple ivoirien, ainsi que les peuples africains. Il faut que ce soit ainsi afin que vive la paix en Côte d'Ivoire et que vive la tradition africaine.

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