lundi 11 août 2008 par Le Nouveau Réveil

Le dire sans aucun risque de périr : le couplage n'est vraiment pas évident. Et pourtant, si la politique et la musique entretiennent des rapports, non pas dialectiques, mais ontologiques. Risquons-nous à énumérer des points qu'ils se disputent quand ils ne se les partagent pas :
1 - comme la musique, la politique S'ENTEND, dans le double sens auditif et cognitif. Le discours musical est une suite de sons contenus dans des notes ; la qualité de la musique est fonction du degré de confort auditif et onirique qu'elle procure à l'auditeur, car une belle plage musicale est un plaisir pour les oreilles et un précieux moment d'évasion et de rêves. L'écoute d'une belle composition musicale pacifie l'esprit et le corps, tonifie l'âme et vous rend optimiste.
Il en de même en politique, car celle-ci est à la fois discours et acte. La politique est même plus une démarche discursive qu'un acte, car dans ce domaine (comme dans bien d'autres de l'activité humaine), la parole précède l'acte et se charge de l'éclairer. Un bon discours politique galvanise les foules, crée un champ de confiance entre l'orateur et le public de militants. Les grands orateurs politiques font rêver les foules, ancrent, par le pouvoir de leurs paroles, les militants dans un champ d'illusions et d'utopies rassurantes. Mussolini, Hitler, Sékou Touré, Charles de Gaulle, entre autres célèbres orateurs, ont pu ainsi laisser à la postérité des mots forts, des réflexions puissantes parfois exprimées en quelques mots bien choisis : " Je vous ai compris " lâche ainsi le général dans le contexte de la guerre d'Algérie. On sait que de part et d'autre, Français et Algériens ont compris et pris, chacun à son compte, ces mots ambigus de l'homme politique français.
A cette même période de l'Histoire, Sékou - la providence de la Guinée de 1958 - hurlait au stade du 28 septembre, à l'attention du puissant Charles de Gaulle : " Nous préférons la liberté dans la pauvreté, à l'esclavage dans l'opulence ! " Ah, comme c'était bien dit ! Comme il était brave, ce Sékou ! Et la Guinée, et les Guinéens, exultèrent, tous " ivres d'un rêve héroïque et brutal " (Jose Maria de Heredia). Ici, comme en musique, l'opium des mots (des notes proférées) a agi sur les sens ; car l'alcool des mots respire souvent du même parfum que les effluves d'un morceau enchanteur ! Et, ici comme là, le rêve n'a pris pied que dans l'ivresse d'un instant de plaisir intense, furieux, lancinant et fugitif comme un coït clandestin !
2 - La belle musique est fondée sur le respect d'exigences mélodiques, harmoniques et rythmiques. Il s'agit ici, pour le musicien, de créer un espace sonore cohérent (non, pas ces horribles chants zouglou, ni ces bruyantes et insipides boîtes à rythme des DJ, amateurs de coupé décalé et autres drôleries musico chorégraphiques dont s'abrutissent avec délectation les Ivoiriens refondés), mais un univers sonore magique où l'oreille est caressée et non agressée et pincée.
La bonne politique (oui, il y en a de mauvaises, de très mauvaises même - comme celles que mènent certains hommes politiques de mon pays que je n'ai eu de cesse de combattre depuis les années 1990 jusqu'aujourd'hui) est d'abord et avant tout, choix idéologiques (en musique on dit ''choix esthétiques'') et stratégiques appropriés, utiles, intelligents (je n'ai pas dit ''rusés'' - ça, c'est diabolique) et surtout cohérents. Le patriarche Houphouët, avec son bon sens de ''visionnaire'' (ça m'énervait à l'époque quand on disait de lui qu'il était un visionnaire) dit à ce propos : " La politique, c'est la saine appréciation des réalités ".
3 - Enfin, un des points d'analogie les plus frappants entre la musique et la politique : le tempo. Ici, c'est mon cher Maître Bernard Zadi (Zida ou Bernard-l'ermite - comme l'appelait alors Noël Ebony) ou Bottey Zadi Zaourou, ou encore Bottey Moun Koumssa (ou quelque chose de ce genre - le Maître aussi a trop de noms !!!) qui m'a bellement instruit sur la question. Un soir de délices artistiques et de délires philosophiques (c'est toujours les soirs que ça se passe avec lui), il m'a dit ceci :
- Tiburce, sais-tu que la politique se joue sur le même mode que la musique ?
- Comment ça, Maître ?
- Voilà : en musique, si tu joues une note belle, mais hors du tempo, tu joues faux et tu déranges la table harmonique, n'est-ce pas ?
- Oui, maître.
- Parfait. Il en est de même de la politique : ici, si tu poses un acte, beau et bon, mais trop tôt ou trop tard, l'acte a un effet nul. Comme la note que l'on doit jouer au moment où il faut en musique, il fait poser l'acte au moment où il faut, en politique.
Le dire ou périr : que le politicien ivoirien qui sent la morve envahir ses narines à la lecture de ce papier et de ces réflexions inspirées par les faits dans mon pays, se mouche.

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