mardi 5 août 2008 par Le Patriote

Nul n'est prophète chez soi. Bruly Bouabré illustre parfaitement (hélas) cet adage. Connu et respecté à travers le monde, ce plasticien reste dans son propre pays un inconnu, ou encore un artiste dont on se souvient très peu. Une injustice que le projet Partage , sans peut-être l'afficher ouvertement, s'attèle à réparer. Avec la construction d'un centre d'actions culturelles Bruly Bouabré, à Zépréguhé, le village qui a vu naître, il y a 85 ans, le plasticien ivoirien le plus célèbre de la planète. Initié conjointement par Yaya Savané, curateur de Bruly Bouabré et président de l'association AVMA (Association Visage du Musée Africain) et Eckhardt Brockhaus, psychanalyste allemand et ami de longue date de l'artiste, Partage bénéficie de l'enthousiasme de deux organisations de jeunesse, l'une ivoirienne, JUDEZ (Jeunesse unie pour le développement de Zépréguhé) et l'autre allemande, IDEM( Identité par initiative) et surtout de la bénédiction de deux artistes : Bruly Bouabré, bien entendu, et IGADiM, plasticien allemand qui croit fortement aux hommes. Durant la dernière quinzaine de juillet, Partage a sorti, via les bras valides des membres de JUDEZ et IDEM, de terre à Zépréguhé, les bases du centre d'actions culturelles Bruly Bouabré. Vendredi dernier, à l'initiative de l'AVMA et d'IDEM, ces jeunes, à travers une journée hommage, ont témoigné au Goethe Institut, de ces intenses moments de partage à Zépréguhé. La manifestation a connu deux temps forts. D'abord dans la matinée, un pool de panélistes a jeté un regard analytique sur le parcours et l'?uvre de Bruly Bouabré. Ainsi Yaya Savané a t-il rappelé l'itinéraire, riche d'expériences, de son artiste tout en insistant sur son engagement pour le métissage culturel. En décryptant les deux livres ( Lois divines et L'Africain et son autobiographique) de Bruly Bouabré, qu'il a pris plaisir à dévorer, Eckhardt Brockhaus a confié que ce dernier l'avait initié à la spiritualité africaine. Pour lui, l'artiste n'a pas triché avec son origine africaine, il utilise sa connaissance de la culture européenne pour enrichir sa culture africaine . Son développement spirituel m'a marqué. Il ne condamne pas l'animisme, n'est pas un fidèle qui avale les dogmes. Ses songes lui ont permis de savoir qu'on peut concilier croyances animistes et spiritualité chrétienne a ajouté M. Brockhaus. A sa suite, Peter Stepan (historien d'art, bureau de liaison du Goethe Institut à Ouagadougou) a souligné, tout en assimilant le plasticien à Leonardo de Vinci, que Bruly décrivait le monde dans sa totalité, quand IGADiM racontait avec émotion le séjour à Zépréguhé. De son côté, le Pr Konaté Yacouba, a noté que Bruly Bouabré s'inscrit dans un courant où l'invention à prétention scientifique croise la révélation. Pour le philosophe et critique d'art, Bruly n'est pas un prophète scripturaire . Car, à ses yeux, l'artiste n'a pas exhumé une écriture africaine qui était enfouie dans les ruines de la décadence africaine. Il a inventé de toutes pièces une écriture, pour apporter sa contribution à l'accélération de l'éducation des Africains . Le prophétisme de Bruly Bouabré se détourne, selon le Pr Konaté, de l'agressivité des prêcheurs qui battent le pavé et la campagne pour semer la bonne parole. Enfin, il a estimé que Bruly Bouabré intègre par sa triple dimension de prophète d'inventeur d'écriture et d'artiste, autant de dispositifs d'énonciation de sa singularité . Dans l'après-midi, les jeunes de JUDEZ et IDEM ont relaté l'expérience de partage qu'ils ont vécue à Zépréguhé, tout en présentant les débuts des travaux pour la construction du centre Bruly Bouabré. Peu avant l'ouverture de cette manifestation, Mme Verena Passig-Oulaï, directrice générale du Goethe Institut, avait dit toute sa joie d'accueillir Bruly Bouabré dans les locaux de son institution, avant de saluer la pertinence du projet Partage .
YS

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