mardi 5 août 2008 par Notre Voie

Est-il besoin de définir ici et maintenant ce qu'est en réalité une "cohabitation" ? La cohabitation, nous semble-t-il, est un terme assez nouveau dans le langage politique français. Si on pouvait lui donner un sens doctrinal ou mieux l'inscrire en droit, on dirait que c'est la présence simultanée d'une majorité parlementaire (et donc d'un gouvernement) et d'un chef de l'Etat de tendances politiques opposées. Le mot politique n'est pas de trop. On peut aller plus loin pour affiner l'explication. C'est un terme qui désigne ou a désigné, dans la vie politique française de ces dernières années, la situation dans laquelle, en raison de la discordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire, le chef de l'Etat et le gouvernement, tout en appartenant à des tendances politiques différentes (je dirai même opposées), sont amenés pour raison de la survie de la démocratie et surtout la nécessité de la continuité de l'Etat à gouverner ensemble. Est-ce le cas de la Côte d'Ivoire après l'accord de Ouagadougou? Nous nous posons des questions à ce sujet.
Approfondissons notre analyse sur la ou les raisons d'une cohabitation. Valéry Giscard d'Estaing est élu président de la République à la mort de Georges Pompidou. Après 7 (sept) ans de pouvoir cahin-caha ou si on veut quelque peu solitaire et intrigant (les diamants de Bokassa par exemple), il est renvoyé à ses chères élucubrations médiatiques en 1981. François Mitterrand lui succède. Celui-ci dissout l'Assemblée nationale. Les élections qui suivent lui donnent une majorité absolue. On l'appellera la majorité introuvable, tellement l'écart entre les deux camps était sans commune mesure. Mitterrand dirigera la France comme il pouvait. Je ne dirai pas comme bon lui semblait pour ne pas être méchant avec nos amis les socialistes. On retiendra seulement de lui le discours de la Baule qui conditionnait l'aide au développement avec une certaine émergence de la démocratie en Afrique. Pour le reste, il faut retenir que, à part quelques avancées ici et là, la société française est restée l'arme au pied. Il n'y a pas eu de grands bouleversements, et ce qui devait arriver arriva. En France, la législature durerait 5 (cinq) ans, alors que le mandat du président, lui, dure 7 (sept) ans. Les élections qui ont lieu en 1986 voit l'arrivée d'une majorité de droite dont le champion est un certain Jacques Chirac. Mitterrand, qui respecte les institutions de son pays, appelle à Matignon le vainqueur des élections, c'est-à-dire M. Jacques Chirac, chef de la majorité parlementaire. La cohabitation était née. L'anecdote parce qu'il y en a une à ce sujet, c'est de rappeler cette assertion du Premier ministre, c'est-à-dire de M. Jacques Chirac, selon laquelle que le peuple lui ayant donné la majorité parlementaire, il se considérait, en conséquence, l'égal du président de la République. Cette prétention a fait dire à Valéry Giscard d'Estaing qu'il ne comprenait pas cette attitude qui veut que la France soit gouvernée par un tandem. Vous voyez à qui je pense ? Voilà l'origine du tandem en politique. En 1988, Mitterrand est à nouveau candidat. Il gagne son deuxième septennat. Il nomme des gens de son camp, c'est-à-dire des Premiers ministres socialistes. En 1993, hélas pour lui, il perd à nouveau les élections. cette fois-ci, il n'appelle pas Chirac, mais M. Edouard Balladur. Ça sera la deuxième cohabitation.
A la fin du mandat de Mitterrand, Jacques Chirac est élu président de la République. Après quelques années au pouvoir, c'est le fiasco. Il dissout l'Assemblée nationale. Les élections qui suivent sont remportées par la gauche. Lionel Jospin devient Premier ministre. Nouvelle cohabitation, la troisième du genre dans la vie politique française. Ce rappel n'est pas inutile. Il explique aisément le fondement ou si on veut le socle sur lequel se base la cohabitation. Mais, chez nous ici, nous nous trouvons dans une situation hybride. Comment ?
A la suite de l'élection de Laurent Gbagbo consécutive à la mal gouvernance de Konan Bédié qui a amené le coup d'Etat, Gbagbo a songé à mettre les choses dans les normes. Un Forum de réconciliation a eu lieu.
Alors qu'on s'attendait à ce que tout rentre dans l'ordre après qu'on eut formé un gouvernement de large ouverture le 5 août 2002, le 19 septembre 2002, c'est la déflagration totale et une rébellion qui n'a ni père ni mère est advenue. Sur ce, les moins que rien de chez nous en politique se font valoir à la foire d'empoigne où il fallait crier pour exister. Je veux parler de Marcoussis. Le reste, on le sait. C'est une succession de diatribes et d'incongruités de toute nature. On ne sait pas qui était qui ou si on veut qui était le véritable père de la rébellion qui a ensanglanté notre pays. De mal en pis, on en est arrivé à ce que la communauté internationale vienne mettre son nez dans nos affaires en nous imposant sous formes de diktat des Premiers ministres ou même si on veut, à vouloir se substituer à notre Constitution Nationale. Ce qu'elle n'a pas fait au Kosovo ou ailleurs. C'est ce qui s'est passé ici. Un GTI tout feu tout flamme rejetant en lieu et place de celui que le peuple ivoirien avait élu quelques années auparavant, Laurent Gbagbo. Elle voulait, cette communauté internationale, désinstitutionaliser notre pays.
A la place de la Côte d'Ivoire, selon Chirac, on allait voir un état sous mandat de l'ONU. C'est en ce moment qu'est né dans l'esprit de ceux qui ne veulent pas être enterrés vivants le Dialogue direct, et l'accord de Ouaga est advenu. Je veux parler de Laurent Gbagbo, puisqu'il s'agit de lui. Qui d'autre pouvait le faire ? En fait, il y a deux camps. Le camp présidentiel et le jeune homme qui, en dépit de toutes les pressions des louvoyeurs ou autres peureux, a saisi la main que Laurent Gbagbo lui a tendue. Donc, dans l'esprit de tout un chacun, il n'y a point de cohabitation. II y a plutôt compréhension et acceptation de ne pas faire souffrir plus longtemps notre pays. Les seuls bénéficiaires de cette donne, à notre avis, ce devait être le camp de Guillaume Soro (s'il en a réellement) qui a saisi courageusement la main tendue de Laurent Gbagbo et non tous les poltrons qui se cachent derrière leur passé glorieux ou éphémère tel un éclair. C'est pourquoi nous nous insurgeons contre cette cohabitation bâtarde? qui voit tous les ennemis de la République profiter des ors et lambris de celle-ci. A quoi sert - c'est la question que nous posons à ceux qui veulent entendre -d'aller à la guerre avec les armes de leurs adversaires ?
II est temps de mettre fin à cette cohabitation hybride pour un gouvernement cohérent qui gouverne dans le seul intérêt de sortir notre pays de l'ornière.

Jacques Préjean

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